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A Fès, cinq cents voix pour une renaissance

FESTIVAL La 11e édition des rencontres de musiques sacrées aura lieu du 3 au 11 juin dans la cité impériale marocaine


Entre les remparts du méchouar de Bab Makina, à deux pas des minarets millénaires, les chants et musiques de plus de 500 artistes résonneront dans la cité classée monument historique par l'Unesco.


Fès l'éternelle... et pourtant si fragile. Cette année son coeur a été consolidé en urgence. Après plusieurs effondrements mortels, notamment celui d'un mur sur une mosquée vieille de huit siècles qui a tué dix personnes, les autorités locales ont fait étayer les riads ancestraux. Aujourd'hui, impasses et ruelles du plus beau labyrinthe du monde arabe s'encombrent donc de jeux de planches. Un pis-aller. Pourtant, les efforts ne manquent pas. La médina est classée monument historique par l'Unesco, la Banque mondiale maintient sa politique de prêts à taux faibles, le roi est venu récemment inaugurer la réouverture de la bibliothèque Quaraouiyine. Il se trouvait encore il y a peu dans la ville sanctuaire (Moulay Idriss, le saint fondateur, y a son mausolée) pour présider aux cérémonies de circoncision de son fils. Autant de signes et d'attentions forts.


Mais l'arrivée aussi constante que massive des paysans pauvres dans les palais désertés par les grandes familles semble ruiner toute tentative de renaissance. Alors comment vivre avec son temps ? Le tourisme se développe certes, mais à une échelle bien moindre qu'à Marrakech. La renaissance passera en fait par une réévaluation de l'image de la ville, tout le monde ici en est convaincu. «Il s'agit de rappeler au monde que Fès est une grande capitale spirituelle, tolérante, et cela depuis sa fondation», insiste Faouzi Skali.


Ce brillant penseur soufi anime les rencontres de Fès, des rendez-vous d'intellectuels venus du monde entier pour discuter ici, sous un chêne vert, devant un verre de thé à la menthe, de ce que pourrait être une mondialisation bien comprise de la culture. Ainsi, cette année, des personnalités aussi différentes que Jean Daniel, Rajmohan Gandhi, Elisabeth Guigou, Mireille Mendès France, Thierry de Montbrial ou Trinh Xuan Thuan ont répondu présent. Aux discussions s'ajouteront la projection de films et des expositions de peintures et de photographies. Et surtout la 11e édition du Festival des musiques sacrées du monde du 3 au 11 juin. Sous l'intitulé «Les Chemins de l'espoir», a été conviée, première parmi 500 artistes, la mezzo-soprano Teresa Berganza qui, accompagnée de sa fille Cecilia Lavilla (soprano) et de l'Orchestre et du Choeur de la communauté de Madrid, interprétera le Stabat Mater de Pergolèse. Sans doute la diva aimera-t-elle évoquer l'extrême richesse de la musique arabo andalouse avec Asmae Lamnawar. A sa suite, cette artiste marocaine accompagnée du même orchestre renforcé de musiciens locaux proposera une création du oudiste Said Chraibi. Une oeuvre imaginée sur les textes des grands mystiques de l'Islam que furent Al Harraq et l'andalou Ibn Arabi.


Samedi, Fès tournera ses regards vers l'orient. Au plus lointain et au plus complexe. Avec le monument vivant de la musique classique d'Inde du Nord, Ravi Shankar. Lui aussi sera accompagné de sa fille Anoushka, une splendide sitariste. Leurs ragas entre les remparts du méchouar de Bab Makina, à deux pas des minarets millénaires, sonneront sûrement comme une promesse d'harmonie universelle.


Et, puisque les regards se portent vers le lointain, pourquoi pas l'infini ? On ira donc encore plus loin dimanche avec les musiques et danses traditionnelles japonaises de la cour impériale de l'Ensemble Gagaku Reigakusha. Quelques heures auparavant, les jardins du palais Batha auront accueilli l'ensemble vocal baroque Sei Voci qui a prévu de dédier son concert à Pietro Paolo Bencini, un compositeur un peu oublié aujourd'hui mais qui fut l'un des plus importants à Rome dans la première partie du XVIIe siècle. Sa partition de la Missa di Oliveria est inédite. Elle provient de la Bibliothèque vaticane.


Cela nous rappelle qu'avant de devenir le pape Sylvestre II au tournant de l'an mille Gerbert d'Aurillac avait étudié à Fès, notamment les chiffres arabes qu'on ne connaissait encore guère en Europe. Exemple de ponts et d'échanges, signes de tolérance bien utiles à l'heure du «conflit des civilisations».


A ce titre on pourra encore signaler l'organisation à Fès d'une journée Asie centrale parrainée par la fondation Aga Khan. Ou encore, jeudi, un hommage à Maimonide, philosophe et homme de science juif qui vécut lui aussi à Fès et dont on célèbre cette année le 800e anniversaire de la mort. Ou enfin la présence, vendredi, de l'Irakien Kadhem Saher pour des chants et poésies mystiques de son pays. Juste avant, le lendemain en clôture, de The Lumzy Sisters, groupe de gospel cent pour cent américain.

Rens. : 212.(0).55.65.28.16 et www.fesfestival.com

Source: Le Figaro

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