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FESTIVAL : Fès, ardentes communions

Renaissances. Celle de la musique arabo-andalouse, celle du soufisme, celle des palais de la médina. Au fur et à mesure de ses éditions, le festival des musiques sacrées de Fès illumine d'une lueur bienfaisante différents domaines de la vie culturelle musulmane. Et ne cesse de la convier à des rencontres, surprenantes parfois, mais au final souvent pertinentes et toujours enrichissantes. Le onzième volet qui se termine ce week-end, avec des chants amérindiens et du gospel, a ainsi encore prouvé que la musique, dès qu'elle sert la foi, peut faire bouger les montagnes de l'ignorance et de l'intolérance. Présente à l'ouverture, Teresa Berganza a rappelé, avec une série de chants de Manuel de Falla, à quel point la tradition musicale ibérique avait à voir avec l'orientale. Et un duo voix et luth d'Asmae Lamnawar et de Saïd Chraïbi, offert le même soir dans les remparts de l'antique méchouar de bab Makina, sur des poèmes soufis d'El Harraq et d'Ibn Arabi, complétait ce pont tendu depuis toujours entre Cordoue et Fès.


Sans rapport de forme, le Stabat mater de Pergolèse, retenu pour l'occasion par la diva et sa fille Cecilia Lavilla, possède une intensité dévotionnelle égale aux ragas de Ravi Shankar (très en forme malgré ses 85 ans) ou à la cérémonie hiératique de l'ensemble Tokyo Gagaku. Ou encore aux psalmodies et panégyriques de l'Egyptien Saïd Hafid. Car c'est précisément cette foi dans l'expression qui est recherchée à Fès. Un travail mené en profondeur de par le monde par le directeur artistique du festival, Gérard Kurdjian. Cette année, avec l'aide de l'Aga Khan Trust for Culture, il avait convié d'authentiques musiciens d'Asie centrale, ce qui a permis aux connaisseurs de la liturgie soufi marocaine de mesurer la faiblesse des variations du corpus des poèmes musulmans fondateurs. En dépit de siècles de bouleversements, jusqu'à l'interdiction de telles louanges durant l'ère soviétique, la transmission, uniquement orale, a perduré. Elle se redéveloppe maintenant.


Un essor, une vitalité qui se constatent d'abord sur place, au Maroc, où désormais les multiples confréries locales produisent des ténors de grande qua lité, comme Mohamed Ba'Jedoub, Abderrahim Souiri ou Abdelfettah Bennis. D'ail leurs, jusque dans les profondeurs du off, les chanteurs et musiciens locaux venus parfois de plusieurs centaines de kilomètres, étonnent par leur savoir millénaire. Chants de femmes du Rif à Volubilis, invocation du nom de Dieu par la zaouïa (école conventuelle) d'Ouazzane, sama'(communion) donné par la Tariqa Kettania de Casablanca dans le riad Tazi, ou encore airs des campagnes du Tafilalet au palais Glaoui : toujours, la transmission de ces richesses s'alimente d'un respect immense.


Les rencontres intellectuelles internationales organisées le matin avant la programmation quotidienne ont salué cette attention nouvelle portée aux cultures sacrées ancestrales. Et le peuple de la médina a exprimé encore plus vivement son attachement aux grands poèmes arabes en se massant tout entier aux concerts gratuits donnés chaque jour sur la place principale de la cité sainte.

Source: Le Figaro

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