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Picasso à l’honneur à Tanger

Des œuvres originales de Pablo Picasso pour la première fois au Maroc, tel est l’événement pictural capital de ce printemps. L’honneur de l’abriter revient à la galerie tangéroise, Mohammed Drissi récemment rénovée.

Il y avait foule pour le vernissage qui s’est déroulé en présence du ministre de la Culture, Mohammed Achaâri, et de Luis Planas Puchades, ambassadeur de Madrid à Rabat. Pour une fois, les amateurs de l’art ont été nombreux à se bousculer avec les officiels devant la porte de la galerie. Et avec raison : c’est pas tous les jours que l’on peut admirer tout un panel de l’œuvre de cet artiste qui a marqué un grand tournant dans l’art au XXe siècle.

En fait, l’exposition, qui durera du 12 avril au 17 juin, permettra d’admirer 53 œuvres, dont 39 céramiques réalisées sur des ustensiles: vases, plateaux, et divers autres objets. Le choix de cette matière permet à Picasso d’établir des liens entre la vie et l’art, entre le quotidien et le rêve. Il s’agit aussi d’allier innovation et tradition. Notamment le savoir faire espagnol et méditerranéen. Et c’est ce qui ressort des divers supports utilisés par le fondateur du cubisme dans l’actuelle exposition: les vases et les plateaux ainsi que les ustensiles de faïence, qui rappellent toute une tradition hispano-mauresque de céramique ancrée à Malaga, ville natale de Picasso, et dans toute l’Andalousie depuis des siècles. Mais le nouvel usage qu’en fait Picasso ne peut que laisser perplexe. Les visages, les animaux, la nature morte, les femmes réduites à des traits lumineux et les scènes de tauromachie donnent une vie exubérante aux objets exposés, et livrent son véritable sens à l’expression «objet d’art». Le travail sur la faïence et l’emploi de couleurs fortes, parfois légères et transparentes comme le bleu et le jaune, effectuent le brassage tant clamé entre les éléments. Avec une présence très frappante de divers types d’oiseaux, comme pour marquer l’aspiration à l’aérien par des objets d’origine banale. Il s’agit d’ouvrir l’ustensile fragile et caché de l’intérieur sur la vie grouillante de l’extérieur qui s’invite avec beaucoup de détails figuratifs sur les vases et les plateaux, contrairement aux visages des femmes, réduits à des expressions, à des regards et à des yeux énormes qui parlent aux visiteurs de l’exposition.

Les autres composantes de cette exposition ne parlent pas moins au regard du public marocain. Il s’agit de quelques gravures centrées sur le thème de la tauromachie. Des gravures qui esquissent l’image vague de la violence non-artistique du monde, dont Picasso voulait témoigner en allant vers l’essentiel, en décortiquant le monde, en le réduisant à un ensemble de traits sommairement mélangés. Et tout cela en ne recourant qu’à une seule couleur: le noir. La diversité chromatique a sa place ailleurs, dans les quelques illustrations pour livres qui ont accompagné les céramiques de Picasso à la ville du Détroit. Des illustrations où les éléments s’agencent surtout pour communiquer à l’œil une certaine version du sens et des textes des livres en question, parce que, dans le monde de Picasso, tout est question du nouveau sens des choses.

Rachid Marroun
Source: L'Economiste

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