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Caisse de compensation. La Banque mondiale à la rescousse du Maroc

Deux modèles sont avancés par l'institution internationale tout en nuançant que quelle que soit l'option prise par le Maroc, cela prendra des années pour atteindre les objectifs de ciblage de la compensation.

La galère du gouvernement pour trouver un modèle approprié pour le ciblage des dépenses de compensation ne fait que commencer. Le chef de file du projet, Nizar Baraka, ministre des Affaires économiques et générales (MAEG), et les quatre autres départements concernés (Intérieur, Agriculture, Santé et Finances) sont encore au stade de s'enquérir des expériences internationales. Pour ce faire, ils ont appelé à la rescousse les membres du département Maghreb de la Banque mondiale. Ces derniers ont ramené dans leurs bagages les artisans de deux des meilleurs systèmes de ciblage de compensation de par le monde, à savoir le Mexique et l'Indonésie. «Nous avons choisi le Mexique puisque c'est le système le mieux étudié dans le monde aussi bien au niveau de son mode d'exécution que de ses résultats. Dans le cas de l'Indonésie, c'est un bon exemple pour la levée des subventions pétrolières», précise Robert Gatti, économiste principale à la section Maghreb à la Banque Mondiales. Avant d'exposer les deux expériences, les responsables de l'institution financière internationale n'ont pas caché leur inquiétude face à l'aggravation des dépenses de compensation. «La hausse des cours des matières premières pénalise énormément le budget de l'Etat. De ce fait, la mise en place d'un système de ciblage est de plus en plus urgente», note d'emblée Mats Carlson, directeur da la section Maghreb de la Banque mondiale. Chiffres à l'appui, les dépenses de compensation dépasseraient les 30 milliards de dirhams si les cours des matières premières maintiennent leur cadence haussière. Mais Carlson temporise ses propos en indiquant que le Maroc n'est pas le seul pays à subir cette situation». Et d'ajouter, «Si la mise en place du ciblage est urgente, son implémentation est un processus de longue haleine». Il prend exemple sur le Mexique où le ciblage n'a atteint une bonne part de ses objectifs que 10 ans après son lancement. En Indonésie, les dépenses de compensation représentent toujours 7% du PIB (soit 3 points de plus que le Maroc), même si le ciblage est en place depuis 2005. Reste que le gouvernement marocain n'arrive toujours pas à dépasser l'étape de la réflexion. Aucune décision concrète n'a été prise à l'issue de la rencontre avec les responsables de la Banque mondiale et leurs consultants internationaux. Les ministres concernés n'ont pas demandé l'aide de l'institution internationale pour concevoir ne serait-ce qu'une esquisse du système de ciblage à la marocaine. «Mais nous sommes prêts à fournir une aide au gouvernement s'il le souhaite», indique Françoise Clottes, directrice du bureau de la Banque mondiale au Maroc.

Néanmoins Baraka et les quatre autres ministres concernés ont des éléments de réponse par rapport à trois principaux aspects du système de ciblage. Pour la fixation des objectifs, ils ont le choix entre des améliorations chiffrées des indicateurs de bien-être sociaux (taux de pauvreté, mortalité infantile...). C'est le choix le plus difficile compte tenu de la difficulté de quantifier les objectifs et de lès évaluer par la suite. La deuxième option consiste à stabiliser le niveau de vie des populations les plus vulnérables après la suppression des dépenses de compensation, du moins durant les premiers mois du début du système. Ce n'est qu'après la fixation de ces objectifs que les responsables du ciblage peuvent déterminer le mécanisme et la valeur des éventuelles aides directes.

Une fois les objectifs fixés et les mécanismes d'aide conçus, il faudra entamer l'étape cruciale de recensement des populations éligibles aux aides directes. En évaluant les expériences internationales, la Banque mondiale prône un processus en trois étapes. Primo, une identification des zones géographiques les plus pauvres, d'abord dans le milieu rural et ensuite dans les villes. C'est ce qu'a fait le HCP en établissant sa carte de la pauvreté régionale. Secundo, l'administration d'un test d'éligibilité aux aides directement auprès des populations cibles, pour évaluer leurs degrés de pauvreté. Tertio, l'ouverture d'un bureau de doléances pour traiter les recours des familles qui s'estiment lésées. Cela suppose une communication grand public des critères retenus dans le test d'éligibilité. Mais que faire pour garantir la bonne gouvernance du système ? Au niveau du recensement, la communication des critères suffit Pour le versement des aides directes, il est préférable d'opter pour un transfert direct des aides de l'administration centrale vers les bureaux de poste. Les populations concernées peuvent retirer leur dotation via des cartes dédiées.

Jusqu'à maintenant, l'action du gouvernement se limite à des tests de faisabilité de l'éventuel système de ciblage. Outre les essais menés dans la région de Tadla-Azilal dans le cadre du Ramed, la Banque mondiale réalise des tests dans les écoles de la région. L'objectif étant, d'une part, de tester les modalités de canalisation des aides directes vers les populations locales et, d'autre part, la possibilité de différencier ces aides en fonction de l'implication des familles dans l'amélioration de leurs conditions de vie (scolarisation des enfants, amélioration de la nutrition...). «Cette différenciation se heurte au système socioculturel traditionnel qui sévit dans les régions cibles. Il est difficile de différencier les aides en fonction des comportement des familles», indique Ruslan Yantsov, économiste principal à la section Maghreb de la Banque Centrale.

Des conditions draconiennes mais les résultats sont là

Le modèle mexicain de ciblage des dépenses de compensation est considéré comme l'expérience mondiale pilote en la matière. Elle remonte à 1997, année où le pays était quasiment en faillite au lendemain de la Tequila Crisis, Avec un taux d'inflation à deux chiffres, le gouvernement ne pouvait plus continuer à subventionner les produits alimentaires. Face à cette situation, il s'est fixé comme objectif de «rompre le cercle vicieux de la pauvreté>. Après le recensement de la po­pulation éligible (25 millions d'habitants), Rodriguez et ses équipes ont octroyé des aides directes qui correspondent au panier minimum de la ménagère. L'accès à cette aide était conditionné par la scolarisation des entants et la visite des centres de santé. Résultat des courses : dix points de taux de pauvreté et 25 points de taux de mortalité infantile en moins, avec un accès généralisé à l'école. Tout cela avec un budget de 0,5% du PIB, sans aucune aide de la Banque mondiale.

Quant à l'expérience indonésienne, elle a été déclenchée en 2005 suite à un doublement des cours de pétrole (30 à 60 dollars). Pour pouvoir lever les subventions des hydrocarbures, le gouvernement avait lancé quate programmes d'émancipation sociale, à savoir la préservation du niveau de vie des couches les plus pauvres, la généralisation de la scolarisation et des soins médicaux, ainsi que l'amélioration des infrastructures rurales. Dans ce cadre, des aides inconditionnelles avaient été acheminées vers la population, une année après l'annulation partielle des subventions pétrolières. L'année suivante, ces aides étaient conditionnées par la participation aux programmes de développement social. «il est vrai que les dépenses de compensation sont toujours colossales en Indonésie, mais les performances sociales réalisées les justifient amplement De toute façon, notre objectif est de les éliminer d'ici trois ans», indique Bambang Widianto, promoteur «du projet et ex-ministre du Développement social indonésien.


Nouaïm Sqalli
Source: Le Soir Echos

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