L’engouement des investisseurs pour les cimenteries se confirme. Le dernier en date n’est autre que le groupe espagnol Lubasa. Il avait auparavant signé, en juillet dernier à Rabat, une convention avec le gouvernement Jettou (cf. L’Economiste du 11 juillet 2007). Saâd Kettani, ancien PDG de Wafa (Wafabank, Wafa assurance…), est partie prenante à 20%.
C’est à Zagotta, un village dans les environs de Sidi Kacem, que la cimenterie de Lubasa va s’installer sur une superficie de 2,5 millions de m2. «Le lancement aura lieu d’ici 2 ans et les premières commandes seront livrées dès janvier 2011», affirme Manuel Moreno Delgado, président du directoire Lubasa Maroc. Il est également le directeur général du groupe. Un montant de plus de 3,5 milliards de DH sera injecté dans une première phase. La cimenterie table dans un premier temps sur une capacité de production de 1,5 million de tonnes par an. «Une extension pour doubler la production fait partie de notre agenda», souligne José Miguel Zaldo, membre du conseil d’administration de Lubasa Maroc.
Si l’investissement marche, «il y a une possibilité de se lancer dans la production de matériaux de construction». Une activité qui constitue le cœur de métier du groupe espagnol. En tout cas, les dirigeants de Lubasa Maroc affichent des prévisions très optimistes: «Un chiffre d’affaires de cent millions d’euros dans un délai de deux ans».
La filiale marocaine du groupe a déjà décroché une concession de 60 ans pour la carrière de Zagotta. «Elle dispose d’une réserve de 300 millions de tonnes, soit un siècle de production», souligne le président du directoire. De plus, «la qualité de son gisement promet un bon clinker». Ce produit fait partie des constituants du ciment. Il résulte de la cuisson, à une température d’à peu près 1.450 °C, un mélange de 80% de calcaire et de 20% d’argile. C’est la «farine» ou le «cru» comme disent les professionnels.
Prévisions
Où en est le projet? «Nous avons déjà signé le contrat d’achat des machines. Le terrain a été terrassé et clôturé», rétorque le président du directoire de Lubasa Maroc. Celle-ci a aussi fait appel au service de la société Polysius, spécialisée en ingénierie cimentière. Tout comme son concurrent en cours de lancement Ciments de l’Atlas (CIMAT), filiale du groupe Addoha.
Chez Lubasa, «le recrutement des 200 futurs salariés a lui aussi été déjà entamé. Parallèlement, 600 emplois indirects vont être créés», poursuit le top management. La priorité reste le financement: «20 à 30% du capital initial (300 millions d’euros) est déjà disponible». Des banques espagnoles et européennes ont fait part de leurs offres. «Mais nous voulons donner une priorité aux établissements marocains, s’ils nous proposent des conditions de financement similaires», soulignent les dirigeants du groupe basé à Castellòn.
Pour quelle raison le groupe espagnol a choisi d’investir au Maroc? Le secteur cimentier, et immobilier en particulier, vit ses heures de gloire. L’effervescence du «marché me rappelle celle de l’Espagne d’il y a 30 ans», commente Manuel Moreno Delgado. Les chiffres de l’association professionnelle des cimentiers confirment: «12,8 millions de tonnes de ciment ont été consommées l’année dernière par la construction de logements (80%) et le BTP (10%)». Il y a deux ans, une étude du groupe espagnol a estimé, pour les prochaines années, une demande du marché marocain de 20 à 22 millions de tonnes de ciment.
Ce qui est certain, c’est que Lubasa Maroc a des ambitions. «Nous envisageons de faire de notre site marocain une plate-forme d’exportation vers les pays d’Afrique, surtout la Mauritanie et le Sénégal», explique son président du directoire. Mais il insiste à alimenter en priorité le marché marocain. «Nos investissements en Pologne, Roumanie et Bulgarie sont temporaires. Contrairement à ces derniers, ceux du Maroc s’inscrivent dans la durée», rassure l’opérateur espagnol. D’ailleurs, «en dehors de l’Espagne, nos investissements dans votre pays sont les plus importants», poursuit-il.
Le groupe Lubasa compte même profiter des accords de libre-échange, signés par le Maroc, dont celui des USA. Cette percée en Afrique n’est-elle pas due au tassement du marché immobilier chez notre voisin ibérique? «Notre décision de s’installer au Maroc a été prise trois ans auparavant. C’est-à-dire avant la crise de ce secteur», rétorque Manuel Moreno Delgado.