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La migration, une classe moyenne délocalisée

En France actuellement, une ministre est d'origine marocaine, une autre en Belgique, un élu d'origine marocaine est à la tête de l'une des plus grandes villes des Pays-Bas. Ces «stars» ne sont que la tête de comète d'un mouvement tranquille qui voit, partout en Europe, se renforcer la présence en politique, d'élus et de responsables issus de la migration, marocaine entre autres.

Ils étaient par exemple 90 élus d'origine étrangère aux dernières élections du Parlement de Bruxelles et 17 députés aux élections régionales. L'étude d'où sont tirés ces chiffres ne l'indique pas avec précision, mais en Belgique, la majorité de ces «entrants» en politique sont marocains. La même étude, fort intéressante, met en évidence le fait que la plupart de ces représentants sont fils et filles d'ouvriers immigrés, ont fait des études longues et que, lorsqu'ils exercent une profession, ils sont cadres moyens ou supérieurs'.

Le profil-type de ces élus est celui de l'enseignant ou du travailleur social qui s'engage en politique après un parcours associatif. On compte aujourd'hui plus de 750 associations marocaines aux Pays-Bas.....

Ces quelques données permettent donc d'établir que, même s'il a été très sélectif, l'ascenseur social a fonctionné dans la migration et qu'une promotion sociale a été clairement possible pour un nombre important des fils d'ouvriers partis tenter l'aventure migratoire. Certes, ce mouvement est loin de toucher unanimement les trois millions et plus de Marocains qui vivent aujourd'hui à l'étranger. Certes, le mouvement s'étend sur deux générations, suppose les rigueurs du terrible filtre scolaire et va sans doute moins vite que pour les fils d'ouvriers et d'employés autochtones... Certes encore, il serait dangereux d'ériger ces réussites en icônes, y compris parce que cela peut très bien n'avoir touché que très provisoirement ces deux générations qui ont bénéficié des «largesses» de l'Etat Providence et du «pacte social» fordiste....

Prudence donc. Reste néanmoins que cette classe moyenne délocalisée existe et pas seulement comme poussières d'individus dispersés çà et là en Europe. Sachant que bien souvent la réussite de l'un ou l'autre entraîne des effets de stabilité et de promotion sociale sur les parents et la fratrie, c'est un groupe social guère moins consistant que la classe moyenne formée au Maroc dans la dernière décennie (voir dossier)...

Il est donc évident que quelque chose d'une classe moyenne nouvelle s'est formé dans la migration. Oui par la migration, des fils et filles d'ouvriers sont devenus fonctionnaires, cadres, chercheurs en sciences sociales, maires ou ministres... Plutôt que de se perdre en arguties pour savoir ce que vaut leur promotion sociale, s'ils en sont heureux ou pas, intégrés ou pas, là-bas, la question qui se pose directement aujourd'hui est celle du rôle social, politique et culturel de cette classe moyenne dans leur pays d'origine, où contre toute attente, ils sont régulièrement présents, auquel ils se disent attachés et désireux de s'y responsabiliser...

La visibilité de ces nouveaux citoyens, parce qu'elle donne désormais figure de diaspora à une part importante des migrants marocains déplace le phénomène au Maroc s'agit plus simplement de faire bonne figure aux MRE, de les accueillir avec chaleur et hospitalité sur le bord des autoroutes, et il ne s'agit pas davantage de drainer leur épargne vers les banques marocaines. La question, éminemment politique est d'organiser en réseau, les positions de compétences, d'influence, d'implication dans une culture citoyenne que certains migrants et fils de migrants sont en train de conquérir en Europe, pour y puiser les ferments de transformation et de renouvellement des élites dont le Maroc, sauf contrordre, a grandement besoin.

Cet article est tiré du dossier spécial de la revue Economia consacré à la classe moyenne au Maroc
www.cesem.ma


Michel Peraldi, anthropologue, CJB
Partenariat La Revue Economia/Yabiladi.com

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