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Automobile: Le made in Morocco fait de la résistance

Dans un secteur de l’automobile en pleine tourmente, la Logan se porte bien et même très bien. Elle bat des records de ventes au moment où les autres marques reculent considérablement. A fin septembre 2009 (derniers chiffres disponibles), 12 608 unités ont été écoulées sur le marché marocain, soit une croissance de 20% par rapport à la même période de l’année dernière.

Dans le même temps, le secteur a reculé de 8,7%, à 70 801 voitures vendues. Si on exclut les réalisations de la Logan, la contre-performance du secteur est plus conséquente et tombe à 13,7%. Cette hausse des ventes du véhicule économique a, de même veine, permis au groupe Renault lui-même d’amortir le creux de cette année puisque ses ventes dans le segment des voitures de tourisme importées montées ont stagné au cours de cette période.

Pourtant, le projet lancé par le groupe français en 2003, au terme de l’expérience de la voiture économique entamée en 1995 avec Fiat, était accueilli par les observateurs avec un certain scepticisme. Il coïncidait, en fait, avec l’éclosion, sur le segment des petites voitures, de plusieurs constructeurs, notamment asiatiques qui avaient commencé à mettre sur le marché des modèles très compétitifs. Avec des prix modérés et des équipements réservés jusque-là aux berlines moyen et haut de gamme (lève-vitres électrique, clim, direction assistée, verrouillage centralisé...), des modèles de Kia, Hyundai ou Suzuki fascinaient les consommateurs marocains. On prédisait alors à la Logan une entrée difficile sur le marché.

C’était sans compter sur la spécificité d’un marché marocain axé à la fois sur le prix et l’habitabilité. En dépit de la concurrence, au niveau prix, d’une Kia Picanto par exemple, véritable phénomène de mode chez les jeunes et les femmes, la Dacia Logan est devenue en l’espace de moins de quatre ans, la voiture la plus commercialisée au Maroc. «Nous vendons trois fois plus de Logan aujourd’hui qu’au lancement il y a trois ans», se réjouit Frédéric Posez, directeur marketing de Renault Maroc. Le succès va au-delà des frontières marocaines. «La Logan marocaine a séduit certains marchés européens et plus récemment l’Egypte, et dans le cadre des accords d’Agadir, nous exportons plus de 600 Logan par mois vers l’Egypte», précise M. Posez.

En temps de crise, elle constitue un bon compromis
De l’avis de nombreux observateurs, le secret de la réussite de Logan réside dans son meilleur rapport qualité/prix. «Quand je comparais les offres pour acheter une voiture diesel, toutes options, je n’ai pas trouvé mieux», témoigne un nouveau propriétaire de Logan. «A 123 000 DH, c’est pour moi le meilleur modèle qui, en plus, est très spacieux par rapport à ses concurrents», ajoute-t-il. C’est en fait l’association de deux facteurs, le prix raisonnable et l’espace «généreux», qui séduit le plus les consommateurs. «C’est surtout pour sa grande habitabilité comparativement aux autres voitures du même segment qu’on a opté pour ce modèle qui s’avère, en plus, très pratique pour les tâches quotidiennes comme le marché, l’accompagnement des enfants à l’école, etc.», confie un autre propriétaire de Logan. C’est d’ailleurs cet atout qui est avancé par les responsables du constructeur pour justifier le succès de la Logan. «Un véhicule 5 places avec un coffre de 500 litres à partir de 72 200 DH TTC avec des moteurs Renault et une garantie de 3 ans, vous en connaissez beaucoup ?», s’interroge M. Posez.

Certes, les arguments positifs on peut en trouver, mais la concurrence ne manque pas d’atouts non plus. De fait, un facteur conjoncturel a largement favorisé la Logan cette année : la crise économique. Effet de substitution aidant, plusieurs clients potentiels de voitures de moyenne gamme se sont rabattus sur la Logan. En ces temps d’incertitude, les consommateurs se montrent très prudents et la priorité est accordée quand il s’agit d’un achat lourd (comme pour l’automobile), à «l’indispensable», le temps d’avoir plus de visibilité. C’est ce qui explique, entre autres, que les petits modèles concurrents, quoique fort séduisants mais servant comme deuxième voiture dans un foyer ou comme première acquisition pour des jeunes, aient connu des reports d’achat.

En outre, «Dacia Logan est aussi très bien appréciée des administrations et des entreprises pour les mêmes raisons que celles des clients particuliers», observe M. Posez. Par exemple, le ministère de l’éducation nationale avait commandé, il y a trois mois, plus de 600 unités.

Un coût de production largement compétitif
Mais comme pour tout produit, il y a toujours des insatisfaits. C’est le cas de Nawfal Bindech, patron de Prestacar, agence de location de voitures casablancaise, qui se dit «très déçu» par les cinq Logan acquises, il y a près de deux ans. «Certes, ce modèle m’a fasciné au début mais avec le temps, je me suis rendu compte qu’il est très gourmand en essence et que ses équipements en plastique sont très fragiles» , souligne-t-il tout en avouant ne pas pouvoir «juger la nouvelle version qui a subi un lifting récemment par rapport à l’ancien modèle».

Relooké en 2008, le modèle a été, en effet, amélioré en équipements. Mais le prix reste sa principale arme de persuasion. Le secret de ce prix compétitif réside dans le coût de production. Dans les ateliers de Somaca où se fait le montage de cette voiture constituée à hauteur de 50% de composants fabriqués localement, on reçoit des pièces qui sont destinées également aux autres modèles du constructeur. Tout ce que le consommateur ne voit pas sous le capot comme le moteur, le train avant, la direction et les freins arrière sont communs à d’autres modèles comme la Clio. Cette stratégie de plateforme, qui consiste à partager des sous-équipements entre plusieurs modèles différents du même constructeur, permet ainsi de réduire considérablement les coûts de production ou de recherche et développement.

Des droits de douane imbattables
A cela s’ajoutent les dispositions encourageantes accordées par l’Etat à un projet socio-économique : un tarif douanier nul (droits d’importation) et un taux de TVA à 7%. De quoi offrir au «best seller» de Renault une marge confortable vis-à-vis des concurrents qui doivent s’acquitter de 7,5% de droits d’importation pour leurs voitures européennes et 27% pour les asiatiques, ainsi qu’une TVA de 20%.

Le groupe s’appuie également sur un autre atout pour séduire le client : une garantie de trois ans. Le consommateur n’est pas indifférent à ce genre de détails car cela veut dire autant d’années de tranquillité pour les gens qui connaissent moins le nouveau modèle et qui douteraient de sa fiabilité. La formule a un autre avantage qui profite cette fois à l’opérateur. Ce service permet ainsi de fidéliser la clientèle puisque le contrat de garantie oblige les clients à entretenir leur véhicule dans le réseau Renault. Une belle occasion pour le groupe de booster les affaires du département service après-vente (SAV) à travers lequel les opérateurs de l’automobile réalisent une part importante de leur chiffre d’affaires.

La Logan doit également son succès au réseau de commercialisation de Renault. Bien implanté à travers les différentes régions du pays depuis plusieurs décennies, ce réseau a constitué une force de frappe pour le nouveau modèle. «Dacia Logan est aussi distribuée dans le réseau de marques le plus développé au Maroc et c’est toujours un avantage d’avoir un garage de marque près de chez soi aussi bien pour la vente que pour l’après-vente», indique M. Posez.

Un seul hic, les responsables de Renault prennent soin de ne jamais poser en vitrine la Logan aux cotés des autres modèles du constructeur. Pour ne pas faire le mélange des genres ? Dans tous les cas, dans un monde de l’automobile qui est en train de reconsidérer ses dogmes, la voiture se place dans un créneau très porteur : celui des voitures que l’on achète d’abord pour leur utilité de véhicule à l’importante habitabilité sans trop investir. C’est d’ailleurs la raison de son succès en Europe. Au Maroc, son image liée à celle d’un constructeur enraciné dans le pays depuis 80 ans et dont le nom fait quasiment partie de son patrimoine de marques a été plus forte que les alléchantes propositions faites par les constructeurs chinois.

Hakim Challot
Source: La Vie Eco

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