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Maroc: Un rapport parlementaire dénonce la cherté des médicaments

Le médicament est cher au Maroc, comparé à ses niveaux de prix dans des pays similaires. Ce que beaucoup reprochaient souvent aux laboratoires pharmaceutiques et au ministère de la santé sans jamais pouvoir le prouver de manière chiffrée est aujourd’hui établi de manière scientifique. Et c’est une commission d’enquête, baptisée «mission d’information du Parlement», qui en a apporté les preuves.

«A travers ce travail, nous avons tenté d’apporter des preuves inattaquables quant à la cherté du médicament mais aussi des explications et des recommandations pour y remédier», explique Khalid Hariri, député USFP, qui a supervisé le groupe de députés chargé d’enquêter sur les prix du médicament et qui vient de remettre son rapport le mardi 3 novembre, à la commission des finances du Parlement.

En gros, trois constats se dégagent de l’étude : primo, les prix des médicaments sont anormalement élevés au Maroc. Secundo, la responsabilité incombe à la fois au secteur industriel et à l’administration chargée de la fixation des prix, en l’occurrence le ministère de la santé. Tertio, il est possible de baisser rapidement les prix en appliquant un certain nombre de mesures.

Pour évaluer le niveau de la cherté, la mission a adopté plusieurs approches : la comparaison avec le pouvoir d’achat des catégories à revenus limités, un benchmark avec d’autres pays (Tunisie, France et Nouvelle-Zélande) et un rapprochement des prix des mêmes molécules sous des marques différentes.

Le résultat est sans appel. Les prix des médicaments (un panier de 14 princeps) sont supérieurs de 31 à 189 % par rapport à la Tunisie. Pour les 12 produits les plus vendus au Maroc, les patients ont payé, entre 2004 et 2008, 1,13 milliard de DH de plus que leurs voisins tunisiens. Par ailleurs, sur les 14 princeps retenus, les prix de 11 produits sont 30% plus élevés au Maroc qu’en France, un des pays européens où les médicaments coûtent le plus cher ! En ce qui concerne les génériques, le Maroc reste également plus cher que la Tunisie et la Nouvelle Zélande et moitié moins cher par rapport au marché français. Enfin, la comparaison avec la Tunisie révèle que sur les 13 génériques les moins chers retenus dans l’étude, 10 sont plus chers au Maroc. La différence va de 6 à 135%.

Quelles sont les causes de cette situation ? Selon la mission, les raisons de la cherté des médicaments sont à chercher d’abord dans les pratiques commerciales d’une grande partie de l’industrie pharmaceutique qui cherche à maximiser ses gains. Une accusation que rejette l’Association marocaine de l’industrie pharmaceutique (Amip) qui estime que «les prix sont justifiés si l’on veut avoir des médicaments de qualité». Le rapport pointe du doigt également la réglementation appliquée par le ministère de la santé pour la fixation des prix et qu’il qualifie de caduque et comportant des failles exploitées par les industriels.

Le prix d’une même molécule peut varier de 1 à 7 fois
Outre les différences de prix avec les autres pays, l’étude révèle une grande disparité sur le marché intérieur entre des molécules identiques voire parfois pour un même médicament. Ainsi, le prix d’une même molécule peut varier de 1 à 7 fois, selon la marque et le fabricant, et du simple au double, selon le lieu de vente (pharmacies, hôpitaux et pharmacie de la CNOPS).

L’autre paradoxe relevé est que ce sont les produits coûteux qui sont les plus vendus. Les médecins persistent à prescrire les médicaments chers au détriment des génériques.

Cette pratique pose deux problèmes : primo ces produits deviennent inaccessibles à la majorité des malades ne bénéficiant pas de couverture médicale et, secundo, la forte demande risque de déséquilibrer financièrement les organismes de gestion de l’Assurance maladie obligatoire (Amo) et du Régime d’assurance maladie pour les économiquement démunis (Ramed).

Mais la situation est remédiable, selon les parlementaires, qui estiment que des mesures peuvent permettre de baisser rapidement les prix.

Sur le plan institutionnel, la mission préconise la mise en place d’une politique nationale du médicament, la création d’une commission ad hoc chargée pour la fixation des prix et la séparation des missions d’ autorisation de mise sur le marché (AMM) de celle de fixation des prix des médicaments.

Au niveau opérationnel, il est recommandé d’élaborer une nouvelle procédure de fixation des prix des médicaments, de définir un prix de référence pour les médicaments, d’introduire la notion de droit de substitution pour le pharmacien et de sensibiliser les médecins et les patients aux génériques.

Pour baisser le prix des médicaments coûteux, on préconise d’utiliser des licences obligatoires, d’exclure du remboursement de l’Amo tout médicament coûteux dont il existe un générique et dont le prix est supérieur de 20 % à celui du générique le moins cher, de publier les protocoles thérapeutiques concernant les affections longue durée (ALD) et d’étendre le bénéfice des prix négociés par la CNOPS à la CNSS, aux assurés du Ramed ainsi qu’aux personnes non couvertes.

Source: La Vie Eco

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