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Bank Al Maghrib refuse l'installation de banques islamiques au Maroc

Les banques islamiques désireuses de s'installer au Maroc se voient opposer une fin de non-recevoir. Mais si, après 2010, une banque “normale”, voire occidentale, proposait “le guichet islamique” ? à Bank Al Maghrib, la question n'est pas définitivement tranchée. Explications.

“Non aux banques islamiques”, tel est le message que Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al Maghrib, a adressé au secteur bancaire lors des travaux du Conseil de la monnaie et de l'épargne tenu à Casablanca le 5 juillet dernier. “Le message n'était pas aussi direct”, nuance l'un des proches de Jouahri. Et d'ajouter : “L'autorité monétaire était claire sur l'implantation des banques internationales au Maroc. Aucune ne sera autorisée pour l'instant, notamment les banques islamiques”. Voilà pour la forme. Pour le fond, le message ne trompe pas. Depuis plus d'une dizaine d'années, et plus particulièrement les deux dernières années, des banques des pays du Golfe ont manifesté leur intérêt pour le marché marocain. La dernière tentative en date était celle de la Banque islamique internationale du Qatar. Le niet de l'autorité monétaire est resté inchangé depuis. Hier comme aujourd'hui, la politique du pays offre au secteur bancaire une protection plus politique qu'économique.

Protection nationale face à une réalité mondiale
Anas El Hasnaoui, directeur général d'International Business & Finance et spécialiste des finances islamiques, y voit “une démarche légitime qui permet aux banques marocaines de se préparer à 2010, l'année où tombera le bouclier de la protection”. Pour plusieurs observateurs intéressés, la position de l'Etat, exprimée par le régulateur monétaire, reflète une hésitation face à des institutions qui gagnent du terrain. Preuve en est l'ouverture, début juillet, de la première banque islamique d'Angleterre. Mieux encore, selon des études menées par des institutions spécialisées, comme Standard & Poors, le marché mondial compte plus de 300 banques et fonds d'investissement islamiques brassant plus de 400 milliards de dollars et affichant une croissance de 15 à 20%. Pourtant ces chiffres ne semblent pas convaincre Jouahri. Pourquoi ?

Non-conformité technique ou politique ?
Une source bancaire explique la réticence de l'autorité monétaire par la non-conformité des banques islamiques aux règles prudentielles. Toutes les banques du monde sont soumises à des règles de gestion et de couverture des risques financiers pour éviter des crashs dramatiques, comme ce fut le cas en Argentine au début des années 2000. Or, les banques islamiques, de par leur mode de fonctionnement et les produits qu'elles mettent sur le marché, ne peuvent se soumettre à cette réglementation. Mais cet argument ne tient pas face à l'expérience britannique. “Les Britanniques sont très à cheval sur la protection de l'épargnant et de l'actionnaire. S'ils ont autorisé une banque de ce genre, c'est qu'elle leur a présenté toutes les garanties nécessaires de viabilité”, explique un gestionnaire de fonds de placement à Casablanca. Pour un autre, proche du Groupement professionnel des banques marocaines (GPBM), “Jouahri cherche à gagner du temps. Il permet ainsi aux banques marocaines de préparer l'installation de ‘guichets islamiques’” (des services non conventionnels, selon l'expression des financiers). Cette même source confie que les banques marocaines étudieraient, en étroite collaboration avec la direction du contrôle bancaire au sein de Bank Al Maghrib, quelques pistes exploitables et la réglementation qui devrait les accompagner. Auprès du régulateur monétaire, l'étude en question n'est ni affirmée ni infirmée : “Il est du devoir de Bank Al Maghrib de suivre l'évolution du marché”, c'est tout ce qui nous a été fourni comme réponse. Déduction logique : il y a du feu sous la marmite. Les banques marocaines ne peuvent tourner le dos aux produits islamiques.

Des capitaux arabes aux guichets islamiques ?
Pour cause, à partir de 2010, des banques internationales, à l'instar de l'américaine Citibank ou la britannique Lloyds TSB, pourraient s'implanter au Maroc avec une armada de services conformes à la Chariâ. Jouahri pourra-t-il les interdire ? Pas sûr. Un autre fait majeur jouera en faveur des banques islamiques : l'investissement arabe au Maroc. Si les banques des pays du Golfe font la queue devant Bank Al Maghrib, c'est parce qu'une bonne partie de leur épargne s'investit au Maroc. Rien qu'en 2006, entre Emiratis et Koweïtis, l'enveloppe promise au Maroc dépasse 150 milliards de dirhams. “La moindre des choses serait que leurs banques soient présentes pour suivre leurs investissements”, ironise un financier de la place. Heureusement pour nous, le capital ne connaît pas de frontières. La bourse de Casablanca connaît un engouement de la part des pays du Golfe, dont les fonds sont en principe islamiques et Jouahri ne les empêche pas d'investir. C'est presque du deux poids, deux mesures qui révèle le caractère politique de la question. Et selon des observateurs avisés, le Maroc veut éviter de vivre l'expérience égyptienne : des transferts massifs des résidents à l'étranger vers les banques islamiques et une réussite (relative quand même) qui figure actuellement dans les arguments des mouvements islamistes. En gros, le Maroc veut éviter un raz-de- marée financier.



Définition. Qu'est ce qu'un produit islamique ?

Les produits islamiques reposent sur le partage des risques entre la banque et son client. Ce principe se décline à travers plusieurs produits.
Moudharaba : la banque finance entièrement l'entrepreneur et partage les bénéfices (s'il y en a) avec lui selon un pourcentage fixé à la signature du contrat. La banque prend à son entière charge les pertes éventuelles.
Mousharaka : la banque agit dans ce type de contrat comme un actionnaire, profits et pertes étant partagés entre elle et l'emprunteur.
Mourabaha : la banque acquiert une marchandise pour le compte de son client, moyennant une marge bénéficiaire fixée à la signature du contrat. Le banque transfère la propriété de la marchandise à son client une fois qu'il en a payé le prix ainsi que la marge fixée à la signature.
L'ijara : la banque achète un article pour le client et lui loue pendant une certaine période.
L'ijara-wa iqtina : est une location avec option d'achat.

Khalid Tritki
Source: TelQuel

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