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Zoom sur la condition des taximen marocains avec El Ghadi Bouazza

Alors que la grogne des chauffeurs de taxis, de transports de marchandises et d’engins a connu une accalmie, après l’intervention du Premier Ministre Driss Jettou en fin de semaine dernière, nous nous sommes intéressés aux revendications sociales exprimées par les principaux représentants syndicaux. A l’heure où le conflit peut renaître de ses cendres à tout moment, une certitude, l’exécutif a «du pain sur la planche». El Ghadi Bouazza, Secrétaire général de la confédération générale des taxis nous livre ses appréciations sur la conduite du «dossier» et détaille, point par point, les attentes des opérateurs du secteur qui font l’objet de négociation avec Driss Jettou et plus… Karim Ghellab

- Yabiladi : Vous avez répondu à l’appel du Premier Ministre pour lever le camp et accepter son invitation à un nouveau tour de table. Pourquoi ?
- El Ghadi Bouazza :
Le Premier Ministre nous a fait part de son désir de mettre fin au conflit par une intermédiation assurée par le Wali de Casablanca, jeudi soir. Pour cela, le dialogue et l’écoute ont été priorisé par les parties concernées, à savoir le gouvernement et les représentants syndicaux. Le contenu des échanges a reposé sur les revendications exprimées par les chauffeurs et les sanctions démesurées qui sont prévues dans la mouture du nouveau code de la route. Driss Jettou nous a assuré de son engagement ferme pour étudier et apporter des réponses appropriées aux revendications, qu’il a qualifié de…légitimes.

- Justement. Au rayon de vos revendications, peut-on avoir un éclairage?
- Prenons pour exemple, les centres de contrôles techniques. Chaque chauffeur de taxi, et peu importe sa taille, doit effectuer une visite de contrôle tous les 6 mois. Sans s’étaler sur l’augmentation du tarif des visites de ces derniers mois qui a presque doublé, c’est surtout les incohérences voire les négligences et le double emploi de la procédure. En effet, il existe deux genres de visites pour les véhicules de plus de 5 ans d’âge. La première, tous les 6 mois, est supervisé par les services publics, la police, alors que la seconde, également semestrielle, est assuré par les centres agréés par le ministère du Transport et de l’Equipement. Toutes ces étapes ont un coût, il s’élève à 1300 Dh/an. Ne serait-il pas judicieux de simplifier la démarche ? Est-il normal que le secteur soit toujours régi par le Dahir datant du 4 décembre 1963 ? Que nous soyons soumis «au bon vouloir» des Gouverneurs quant à la mise en place d’une grille tarifaire par ville et non élaborée au niveau national?

- Et sur un plan plus social, AMO, retraites,…Qu’en est-il concrètement ?
- Nous revendiquons la révision des cotisations et la ponction de 26% du salaire brut qui doit être versé à la Caisse nationale de la Sécurité Sociale (CNSS). Cet organisme public s’appuie une circulaire pour nous imposer le versement mensuel d’environ 600 Dh/mois pour la couverture sociale. Mais, qui est disposé à honorer cette somme exorbitante ? Selon nos statistiques, seulement 1voire 2 % des chauffeurs paient. A quoi bon maintenir cette prestation ? Ce que nous souhaitons, c’est d’être soumis au même régime que les pêcheurs à savoir le versement de 4,65% du chiffre d’affaires réalisé.
Pour les retraites, rien n’est prévu dans le code de la route et c’est navrant. Ils sont des milliers à devoir travailler alors qu’ils ont dépassé largement la limite d’âge. Il est fréquent de voir un chauffeur de taxi âgé de 70 ans et plus en exercice. Là aussi, nous militons pour que cette réalité soit combattue. L’Etat doit se pencher sérieusement sur ce dossier crucial.

- En 2006, vous avez obtenu la course à 7 Dh au lieu de 5 Dh. Militez-vous pour une nouvelle augmentation de la course ?
- Pas du tout ! S’il faut la réduire à 4 DH, nous le ferons. Le fonds du problème, c’est la baisse des charges qui pèsent sur l’activité comme les droits de douane, la TVA et la patente fiscale d’importation (PFI). Nous voulons une exonération totale et non partielle des droits de douane, cela permettra de rénover le parc automobile et d’assurer un service de qualité, ainsi qu’un engagement public ferme pour lutter contre la corruption. Pour cela, il est inutile de voter des lois, il suffit d’appliquer les textes de lois en vigueur. Lois et pratiques est égal à droits !

- Vous n’avez pas parlé assureurs. L’ambiance est-elle au beau fixe ?
- Chaque chose en son temps ! Sous le couvert d’un taux de mortalité élevé, les compagnies d’assurance imposent des tarifs totalement disproportionnés c’est anormal. Ils s’enrichissent sur notre dos et elles profitent allègrement de l’obligation d’assurer nos véhicules pour pouvoir travailler. Cette situation de monopole doit cesser! En outre, il faut savoir que nous payons deux voire trois plus cher que les particuliers. En 10 ans, nous sommes passés de 2000 Dh à 7000 Dh.
De plus, l’historicité des compagnies d’assurances, avec la faillite en bloc de cinq d’entre elles à la fin des années 1990, n’arrange pas les choses mais les complique car il faut bien renflouer les caisses.

- Cependant, vous reconnaissez que nos routes tuent chaque année plus de 3700 personnes. Au mois de février 2007, on enregistre 4189 accidents dont 250 tués soit une hausse de 26,90%. Il faut bien que l’Etat réagisse, non ?
- Ceux sont les autocars qui sont responsables de 30% des accidents mortels survenus sur nos routes, pas les taxis. Nous sommes prêts à collaborer avec l’Etat afin de dissuader, convaincre, certains chauffards à lever la pédale mais, en aucun cas, nous devons être pointé du doigt comme des assassins en puissance. Le croire, c’est faire fausse route !
Pour lutter efficacement face à ce fléau, il faudra s’atteler à former des chauffeurs responsables comme on forme des citoyens au travers de politiques publiques efficientes dans les secteurs de l’enseignement, de la formation professionnelle, de la santé,…

- Et enfin, que pensez-vous de la gestion politique du nouveau code de la route par le ministre de tutelle, Karim Ghellab ?
- Il a commis une erreur de taille, celle de refuser le dialogue et la concertation avec les professionnels du secteur. Ce code vise la réduction du taux de mortalité sur les routes. Pourquoi ne pas avoir inviter les compagnie d’assurances ? De plus, outre le fait d’avoir négligé la concertation avec les opérateurs, Karim Ghellab ne s’est pas comporté tel un démocrate. Il a sous-estimé les chauffeurs. Qu’ils soient analphabètes ou pas, ils méritent tous le respect ! Et si on pousse l’analyse, qui est responsable de cet analphabétisme ? N’est-ce pas l’échec des politiques publiques ?
De plus, Karim Ghellab semble ignorer que de nombreux chauffeurs sont titulaires d’une licence voire plus. Ces derniers sont contraints à exercer ce métier, faute de mieux.

Rachid Hallaouy
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