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Les chantiers post-législatives 2007

Quel Maroc voulons-nous? Quels seront les contours de l’après-2007? Sommes-nous dans un pays où les réformes sont irréversibles?… A trois mois des prochaines législatives, autant de questions sur le «tournant 2007, les avancées, limites et attentes des Marocains ont été posées par Alliance Pro (Alliance professionnelle de réflexion et d’orientation).

Une association proche du Parti de l’Istiqlal, qui a invité au débat experts, consultants et analystes du monde politique et des affaires pour dresser une appréciation du vécu politique, économique et social des dernières années. «C’est l’ultime étape d’une série de rencontres, voulues un incubateur de décisions stratégiques à l’horizon des 20 à 25 prochaines années», a précisé Najib Mikou, président d’Alliance Pro.

Les enjeux des législatives suscitent énormément d’attentes. Le constat de Mohamed Tozy, politologue, est sans appel. Des changements importants s’opèrent. En même temps, un «spleen règne dans les quartiers périphériques de Casablanca». C’est le paradoxe du changement, ajoute-t-il. Par manque de consensus, la tension nécessaire pour stimuler les efforts du changement est sans cesse reportée. Du coup, c’est le grand décalage entre les visions et les échéances politiques. Tozy attribue cela en partie à l’érosion du contre-pouvoir, à une opposition non structurée. Du temps du règne de Hassan II, l’opposition était forte et crédible, alors qu’aujourd’hui elle est structurellement laminée et disloquée, ajoute le politologue. Le contre-pouvoir est censé proposer des alternatives. Pour Abdeslam Aboudrar, DGA de la CDG, «la politique est l’art du possible». Autrement dit, les partis n’osent pas prendre de mesures impopulaires qui sont le fondement même de la force de propositions. Parallèlement, les élites boudent la politique.

Aujourd’hui, certes, les avancées politiques sont notoires, mais les zones d’ombre, les attentes et les limites sont tout aussi nombreuses. Elles déteindront inéluctablement sur la prochaine législature, estime Najib Akesbi, universitaire et économiste. Pour résumer la situation actuelle au Maroc, l’économiste parle d’un schéma toujours d’actualité: «Un pas en avant, deux pas en arrière!»

Les intervenants sont unanimes: le Maroc n’a jamais autant avancé dans tous les domaines que lors des dernières années.

Mais des rendez-vous ont été ratés. La première «vraie» avancée des 5 dernières années reste incontestablement le Code de la famille. «Elle n’est pas directement d’ordre politique, elle est sociétale», constate Akesbi. Selon lui, «il faut prendre acte de cette avancée, même si certaines mesures sont critiquables». En tête de liste: «la gestion de la Moudawana par une justice qui constitue un facteur de blocage». La réforme de l’une est tributaire de l’autre.

Autre avancée tout aussi importante, l’Instance Equité et Réconciliation (IER). Même si «l’on a préféré l’équité à la vérité», nuance l’expert qui soulève un problème fondamental: «arrêter le compteur de la réconciliation à 1999 n’obéit à aucune logique». L’objectif de l’IER était de tourner la page, mais a-t-elle été véritablement tournée? s’interrogent les intervenants.
La torture, les détenus d’opinion… perdurent. Certes, «Tazmamart n’existe plus, mais les geôles de Témara sont bel et bien présentes!», lâche Najib Akesbi.

Par ailleurs, la réforme du paysage audiovisuel, la libéralisation des ondes et la Haca sont aussi pointées du doigt. Akesbi se demande: la Haca est-elle réellement une autorité? Ou encore a-t-elle vraiment une autorité? «Chaque fois qu’elle a été sollicitée, elle a regardé ailleurs», soulève-t-il.

«Système perverti»
Les intervenants ne se sont pas arrêtés là. Selon eux, la loi sur les partis politiques est l’une des grandes réalisations de ces dernières années. Mais, là encore, Akesbi trouve à redire: «l’article 57 est une terrible régression, une épée de Damoclès entre les mains du gouvernement. Auparavant, l’Etat pouvait suspendre un parti. Aujourd’hui, il peut le dissoudre».

La réforme du mode de scrutin ne fait pas non plus l’unanimité. «C’est un scrutin de liste majoritaire qui ne dit pas son nom», estiment des participants. Et d’ajouter que le mode de scrutin tel qu’il est pratiqué est un «système qui a été perverti». Résultat: les problèmes de renouvellement des élites, de rajeunissement et d’assainissement sont toujours là.

Toujours dans le registre politique, le projet d’autonomie du Sahara considéré comme «potentiellement intéressant, mais quid de son impact sur le Nord du pays? Le projet peut tout aussi être potentiellement subversif s’il est étendu en contaminant le nord du pays», avertit l’expert invité d’Alliance Pro.

La moralisation de la vie publique alimente à son tour les critiques. En particulier, le volet lié aux projets de loi sur la déclaration du patrimoine qui ne concerne pas les ministres et les hauts fonctionnaires. L’Instance de prévention de la corruption est à son tour vivement critiquée. Pour une grande partie des intervenants au débat, les limites de la politique menée durant les 5 dernières années auront un impact certain sur la prochaine législature.

Le premier grief est «congénital». Il porte sur le «péché originel du gouvernement», n’hésite pas à avancer Akesbi. En termes plus clairs, la nomination d’un Premier ministre ne sortant pas des urnes. Autre bémol, la réforme de la Constitution qui n’a pas eu lieu. Du coup, «les élections de 2007 se dérouleront dans les mêmes conditions de transition démocratique qu’en 2002», poursuit-t-il. Selon lui, le cœur du problème est que l’exécutif n’a de comptes à rendre à personne. «Jamais la décision n’a été si concentrée».

Texte «liberticide»
Adoptée dans la foulée des événements du 16 mai 2003, le projet de loi «antiterroriste» est passé comme une lettre à la poste. Elle est aujourd’hui taxée «de texte liberticide par excellence».

Pour rappel, le PSU était le seul parti contre son adoption. «A partir du moment où une personne est taxée de terroriste à tort ou à raison, tous les garde-fous sont bafoués», estiment des observateurs. Pour eux, le traitement sécuritaire de la question du «terrorisme islamiste» a montré ses limites. Il a produit des «Raydi», des accusés qui n’étaient pas islamistes mais qui le sont devenus après avoir été enrôlés dans les prisons. Pour sortir avec la casquette de kamikaze.

Amin Rboub
Source: L'Economiste

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