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Italie: Al Adl Wal Ihssane accuse le Maroc de délocaliser le conflit

Onze membres d'Al Adl Wal Ihssane font toujours l'objet d'une enquête policière en Italie après les raids de mardi dernier. La Jamaâ, elle, réfute les accusations de terrorisme et n'écarte pas l'hypothèse d'une campagne de l'Etat à l'international.

Mardi 18 novembre, la police italienne menait près de 140 perquisitions chez des individus et dans des centres culturels islamiques proches d'Al Adl Wal Ihssane dans plusieurs villes. Selon l'agence officielle italienne, ces raids policiers intervenaient sur fond d'accusations dressées contre la Jamaâ : «association de malfaiteurs pour commettre des actes terroristes à l'échelle internationale. Mais aussi «renverser le régime monarchique (au Maroc) et instaurer le califat islamique». Rien que ça ! En fin de compte, onze membres d'Al Adl seront entendus avant d'être relâchés. Selon la même source, ils font toujours l'objet d'une enquête judiciaire alors que d'autres investigations sont menées concernant les contenus des disques durs et des livres et autres documents saisis lors des raids de mardi ayant mobilisé des centaines de policiers dans une dizaine de villes, Milan et Bologne, entre autres.

Au Maroc, la nouvelle fait le tour des rédactions. La MAP, se basant sur la dépêche diffusée par sa consœur italienne, reprend le relais, dans les «règles de l'art», et s'intéresse surtout au volet des financements d'Al Adl.

La Jamaâ, elle, réagit et avance des éclaircissements pour, en gros, écarter tout lien avec le terrorisme. Ses responsables commencent par préciser qu'il n'a jamais été question en Italie d'arrestation de ses membres, mais de perquisitions de routine menées de manière régulière dans ce pays depuis les attentats du 11 septembre 2001. Omar Mkassou, secrétaire général adjoint du Cercle politique d'Al Adl, va même plus loin pour remettre en cause la totale appartenance à la Jamaâ des personnes interrogées en Italie. «A l'instar des Frères musulmans par exemple, Al Adl Wal lhssane est une école qui peut inspirer des musulmans de toutes les nationalités sans que ces derniers en soient forcément membres», précise le responsable adliste. Il ajoute toutefois que, même si le lien se limitait à cet aspect, lesdites personnes sont tenues d'observer les principes de base d'Al Adl et, en premier lieu, le rejet de la violence. «Si cela n'est pas le cas, nous affirmons ne pas être du tout concernés», ajoute-t-il.

Omar Mkassou, pour expliquer cette nouvelle escalade, déclare que son mouvement n'écarte pas plusieurs hypothèses, les unes aussi valables que les autres. Pêle-mêle, il rappelle la «campagne» menée contre les mouvements islamistes par une députée italienne d'origine marocaine «allergique à toute forme d'engagement religieux» et qui viendrait renforcer les rangs de l'extrême droite, également en croisade contre les musulmans dans ce pays. «Il se pourrait aussi qu'il s'agisse d'une nouvelle campagne, à l'international, du Makhzen pour diaboliser notre mouvement à l'occasion de l'affectation de nouveaux ambassadeurs», conclut M. Mkassou. Cependant, pour ce dernier, ce genre de démarches a peu de chances d'aboutir. «Les milieux politiques et sécuritaires étrangers, et particulièrement en Europe, connaissent bien notre mouvement et ses orientations. Il nous arrive même de coordonner sur des questions relatives à la communauté musulmane», insiste le responsable adliste. Quant aux répercussions de ces développements au Maroc, des sources à Al Adl Wal Ihssane affirment qu' ils ne changeraient rien. En attendant peut-être des conclusions potentiellement plus accablantes de la part des enquêteurs italiens. Ou, s'agirait-il alors d'un coup d'épée dans l'eau, un énième ?.

Al Adl tisse sa toile en Europe

Ce n'est un secret pour personne. Al Adl Wal Ihssane a bien tissé sa toile en Europe et notamment dans les pays à forte présence de la communauté marocaine.

Mohamed Abbadi, numéro deux de la Jamaâ, multiplie les va-et-vient entre le Maroc et l'Espagne où il veille à encadrer moult rencontres avec les disciples de Abdessalam Yassine à Madrid, mais aussi à Murcie, à Barcelone et à Valence. Al Adl est même parvenu à placer les imams qui en sont proches à la tête de plusieurs mosquées parmi celles qui comptent le plus chez le voisin du Nord. En Belgique, l'influence de la Jamaâ est plus que visible au nez d'un Exécutif des musulmans de Belgique érigé en interlocuteur officiel des autorités de Bruxelles.

Idem aux Pays-Bas et en Allemagne où les adlistes n'hésitent pas à descendre dans la rue pour manifester à plusieurs occasions. Juste après le début, fin 2005, du bras de fer entre les adeptes de Abdessalam Yassine et les autorités, les adlistes d'Europe n'ont pas hésité à manifester publiquement en Europe, y compris devant les chancelleries marocaines, pour dénoncer la guerre menée contre leur mouvement. Aujourd'hui, au niveau central, est de nouveau avancée, à mots à peine voilés, l'éventualité d'une délocalisation du conflit. «C'est devenu une sorte de mode à chaque fois que se présente une occasion particulière», affirme un jeune responsable d'Al Adl qui fait allusion aux préparatifs du Hajj en Europe : un rendez-vous où s'implique à fond Al Adl Wal Ihssane pour les besoins de l'encadrement. La partie n'est pas finie. Elle est déplacée sur un autre échiquier.

Mohammed Boudarham
Source: Le Soir Echos

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