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Sahara: Le détail du rapport de HRW

S'il a été loquace sur les dérapages des autorités marocaines, le rapport de Human Rights Watch sur les droits de l'Homme au Sahara et dans les camps de Tindouf n'a pas tout dit sur les dépassements du Polisario et de l'Algérie. Compte-rendu.

Très attendu, le rapport, deuxième du genre, de l'ONG Human Rights Watch sur l'état actuel des droits de l'Homme au Sahara et dans les camps du Tindouf est enfin tombé... et en a déçu plus d'un. Présenté vendredi à Rabat lors d'une conférence de presse qui a fait foule, le document n'en donne pas moins un aperçu plus au moins objectif sur un sujet qui fait jaser. Dans le volet réservé au Sahara, le rapport constate certes que le Maroc a fait des progrès, mais «les limites sont évidentes». «Le gouvernement refuse la reconnaissance juridique des organisations de défense des droits humains. Par ailleurs, les forces de sécurité arrêtent les manifestants et les militants sahraouis présumés de façon arbitraire, leur infligent des coups et des tortures, et les forcent à signer des déclarations incriminantes, et cela en toute impunité. Enfin, les tribunaux les déclarent coupables et les emprisonnent suite à des procès inéquitables». De tels actes, dit l'ONG, sont en contradiction avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), dont le Maroc est signataire. «Le gouvernement marocain ne cesse de nous demander de le juger sur la base des standards internationaux en matière de droits de l'homme. Au regard du ceux-ci, il lui reste encore beaucoup à faire», a ironisé Sarah Leah Whitson, directrice Moyen-Orient de HRW. L'ONG s'attarde également sur le problème des lois marocaines qui interdisent les atteintes à «l'intégrité territoriale» du pays, citant notamment l'article 19 de Constitution et le Code de la presse. S'abstenant de prendre position dans le conflit, le rapport, évoquant la proposition d'autonomie, affirme que «toute configuration politique qui empêche des personnes de s'exprimer... constituerait une atteinte aux droits humains».

Le motif d'ordre public et de sécurité invoqué par les autorités marocaines, des cocktails Molotov ayant été jeté en de nombreuses manifestations, ne suffit pas aux yeux de l'ONG. «Le gouvernement marocain interdit quasiment tous les rassemblements à partir du moment où il soupçonne leurs organisateurs d'être favorables à l'indépendance», écrit-on dans le rapport. Parlant des camps de Tindouf, en Algérie, le rapport est moins loquace. Il en ressort que «les droits des réfugiés restent fragiles en raison de l'isolement des camps et du flou juridique les concernant». L'Algérie, dont les responsables n'ont pas daigné répondre aux demandes d'entretien et questionnaires de HRW, «a de fait abandonné sa responsabilité concernant les violations des droits humains commises par le Polisario sur son territoire. Ceci est inacceptable». Autrement, tout va presque bien dans les camps. Les détentions politiques «sont rares voire inexistantes». Les Sahraouis «peuvent critiquer et critiquent le Front Polisario sur la manière dont il gère les affaires quotidiennes dans les camps». Quant à la liberté de circulation, Human Rights Watch dit ne pas avoir trouvé «de preuve de véritables restrictions empêchant les réfugiés de partir des camps». «On ne peut donc pas parler de population séquestrée», a expliquéEricGlodstein,responsableMaroc de HRW Et l'esclavage ? Celui-ci «se présente aujourd'hui sous la forme d'une seul pratique en particulier: le refus par certains juges d'état civil locaux (les cadis) de marier des femmes noires, familièrement appelées esclaves, à moins que leur propriétaire ne donne son consentement». Et c'est fier de ses constats que HRW nous gratifie de bon nombre de recommandations. A la tête desquelles l'extension du mandat de la Minurso afin d'y inclure les droits humains, ou alors la mise en place d'un autre mécanisme onusien dédié. Le Maroc, lui, doit abolir les lois qui rendent illégaux les discours et les activités politiques portant atteinte à son intégrité territoriale. A lui également de veiller à l'équité des procès et de punir les responsables des atteintes aux droits dé l'Homme.

Le Rapport de HRW se veut l'aboutissement d'un travail de longue haleine (2006-2008). Mais aux camps, les trois chercheurs de l'ONG ne se sont rendus qu'une seule fois et y ont passé pas plus de 4 jours. Quant à l'Algérie, partie prenante au conflit, aucune visite n'a été autorisée par elle et aucune demande d'information n'a été satisfaite. S'appuyant en grande partie sur les témoignages des habitants, le rapport a omis dans sa partie réservée aux camps de préciser que les policiers en civil n'étaient jamais loin aux moments où les interviews étaient réalisées (de l'aveu même d'Eric Goldstein). A cela s'ajoute une vision globalisante de HRW, sa directrice pour la région voulant que le Maroc ne soit ni plus ni moins qu'un autre pays du Moyen-Orient, mettant le caractère «sacré» de l'intégrité territoriale dans le même panier que l'état de santé du président égyptien Hosni Moubarak, les deux conduisant à la prison. Au risque d'en offusquer plus d'un, à commencer par le militant associatif sahraoui Dahi Guay, victime de 6 années de prison chez le Polisario. Autre indélicatesse de Sarah Leah Whitson, le fait d'avoir sommé les journalistes présents ce jour là de ne plus la questionner sur les camps de Tindouf, provoquant la colère d'une assistance médiatique et associative décidément (trop) nationaliste à ses yeux. Un manque de tact, mais d'équilibre dans le traitement des deux réalités qui a même suscité rire d'associations comme l'Association le Sahara Marocain qui a dénoncé dans un communiqué «la partialité flagrante et le manque de sérieux et de professionnalisme» du rapport.

Tarik Qattab
Source: Le Soir Echos

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