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Mohammed VI : 10 ans de relations avec les Marocains de l’étranger

La presse nationale et internationale s’étale sur le bilan des dix ans du règne de Mohammed VI depuis quelques semaines. Politique, économie, grands projets, nouveau code de la famille, liberté de la presse etc… tout y passe. Néanmoins, un pan important de la politique du nouveau roi est oublié : la relation du Maroc avec les Marocains résidant à l’étranger (MRE). Cette communauté représente 10% de la population marocaine et la deuxième source de devises pour l’économie après le tourisme. Elle constitue un atout indéniable pour le développement du pays et a rencontré dès le début une attention particulière de la part du souverain. Retour sur ces 10 années de règne sous le prisme de la diaspora.

Depuis qu’il était prince héritier, Mohammed VI avait l’habitude d’effectuer des visites sur les points d’entrée au Maroc des MRE. Son statut de roi n’a pas changé la donne. En 2001 et 2003, il s’est rendu au port de Tanger pour s’enquérir de l’opération Marhaba, une activité supervisée par la Fondation Mohammed V pour la Solidarité. Deux années plus tard, c’est l’aéroport Mohammed V de Casablanca qui a été visité par le souverain. L’objectif est de se rapprocher davantage du peuple et d’avoir un « contact direct » avec lui. L’engouement du roi pour les MRE, qui font partis intégrante du Maroc, n’a jamais fléchi. Une bonne partie de l’interview (la seule faite par un journaliste Marocain) accordée le 10 juillet 2002 par le roi à la revue « La Médina », fondée et dirigée Hakim El Ghissassi, journaliste- écrivain Franco-Marocain, était justement consacrée aux MRE.

A la question du journaliste quels sont les nouveaux contours de la politique incitatrice envers les MRE, le roi répondit que la nouvelle stratégie se décline en quatre axes : « renforcer et améliorer les missions et les prestations des services consulaires, recentrer avec une restructuration appropriée les actions de la Fondation Hassan II, charger la Fondation Mohammed V de l'accueil et de l'assistance de la communauté marocaine, et mettre sur pied des structures adéquates pour répondre aux besoins en investissement des opérateurs. Comme vous le voyez, notre vision est globale mais sa mise en application incombe à différents acteurs en fonction de leurs missions et de leurs spécificités. ». Cette même année 2002 a vu la réapparition du ministère chargé des MRE, en léthargie depuis 1998.

En général, la politique de gestion des affaires menée par le Maroc à l’égard des MRE est basée sur les orientations royales contenues dans plusieurs discours adressés à la nation. Certaines mesures énoncées ont été concrétisées comme la reforme du code de la nationalité. Dans son message du 30 juillet 2005 à Tanger, le roi Mohammed VI avait décidé d'octroyer à la femme marocaine, le droit de transmettre sa nationalité à ses enfants nés d'un mariage avec un père étranger. La reforme est devenue effective le 23 mars 2007. Désormais les marocaines, particulièrement celles de la diaspora où on dénombre beaucoup de mariages mixtes, peuvent transmettre leur nationalité. Toujours en 2005, le 6 novembre, Al Amir Al Mouminine annonça quatre décisions importantes et complémentaires les unes des autres. Cependant, hormis la dernière, les autres n’ont pas été appliquées.

La première conférerait aux MRE, le droit de se faire représenter à la Chambre des Représentants, la deuxième porte sur la création des circonscriptions législatives électorales à l'étranger, pour permettre aux MRE de choisir leurs députés dans la première Chambre du Parlement. En vertu du principe d’égalité dans la citoyenneté, la troisième décision accorde aux nouvelles générations de la communauté marocaine de l'étranger, le droit de voter et de se porter candidat dans les élections à l’instar de leurs parents. Justice rendue ? En effet les MRE ont perdu leur droit de vote depuis 1992. Enfin la quatrième et dernière décision, était la création sous la présidence du roi, d’un Conseil Supérieur de la Communauté marocaine à l'étranger (CCME). Le droit des MRE à une participation à la vie politique nationale a été évoqué dans le discours du 6 novembre 2006, de même que la création du CCME sous l’égide du Conseil consultatif des Droits de l'Homme. Finalement seul le CCME verra le jour durant l’année 2007.

Une autre initiative royale a institué la Journée nationale du migrant. Elle est célébrée le 10 août de chaque année depuis 2003. Elle vise pour objectif, la consolidation des liens entre MRE et la mère-patrie d’un côté, et l’instauration d’un dialogue entre migrants et différents acteurs économiques et sociaux de l’autre. Pour saluer leur engagement en faveur du pays d’origine, la création d’un « Prix Mohammed VI pour les Marocains résidant à l’étranger » a été envisagée en 2007. Les futurs prix seront décernés en trois catégories le 10 août. Le premier consacre la créativité (arts, littérature, sports...), le deuxième est dédié à l’investissement et l’économie, et le troisième consacre un MRE qui s’est identifié dans l’associatif.

Sur un autre plan, l’arrivée au trône de Mohammed VI a été marquée par le retour de certains exilés politiques ainsi que leurs familles. Ainsi, le mois de septembre 1999 est marqué par le retour d’Abraham Serfaty, principal opposant au roi Hassan II. Sa nationalité marocaine est reconnue officiellement et sans contestation possible. Quelques semaines après, en novembre, c’est le tour de la famille Ben Barka de fouler la terre marocaine après 34 ans d’exil. Moumen Diouri est aussi rentré au bercail en septembre 2006 après 35 ans. Entre ces dates, il y a eu la création par le souverain en 2003 de l'Instance équité et réconciliation (IER). Cette institution a eu pour but d'établir la vérité sur les atteintes aux droits de l'Homme de l’indépendance à nos jours.

Voilà un bilan d’étape pour les 10 ans de règne qu’il faut évidemment mettre en perspective avec les réalisations -plus timides- des 10 années qui ont précédé l’accession au pouvoir du roi Mohammed VI. Si on peut applaudir l’attention particulière du souverain à l’égard de nos concitoyens expatriés, il convient de souligner les nombreuses revendications ou doléances des MRE insatisfaites par les autorités de tutelle. Problèmes consulaires, citoyenneté pleine et entière, démocratisation des instances en charge des MRE, prix exorbitant de la traversé du détroit, implication de MRE dans les décisions touchant la communauté,…
Il y aurait-il un problème d’exécution des instructions royales pourtant claires sur toutes ces questions ? Face aux nombreux défis qui attendent le Maroc, le pays ne peut se permettre de traiter la problématique des MRE que 2 mois seulement sur 12.

Ibrahima Koné & Mohamed Ezzouak
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