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Le contentieux entre l'Algérie et le Maroc torpille le sommet de l'UMA à Tripoli

Ce devait être le premier sommet des cinq chefs d'Etat de l'Union du Maghreb arabe (UMA) depuis onze ans. Mardi matin 24 mai, son report sine die a été annoncé par le ministre mauritanien des affaires étrangères, Mohamed Vall Ould Bellal. Il faut attendre "que les idées mûrissent et qu'une réunion sans problème puisse se tenir" , a-t-il expliqué depuis Tripoli, en Libye.

En fait, l'ajournement du sommet à vingt-quatre heures de son ouverture ­ prévue mercredi ­ était prévisible depuis l'annonce, lundi, par les Marocains que le roi Mohammed VI annulait sa venue à Tripoli où il devait rencontrer ses homologues d'Algérie, de Libye, de Tunisie et de Mauritanie.

Depuis 2002, il s'agit du troisième report d'un sommet des chefs d'Etat de l'UMA et, comme les fois précédentes, celui-ci est motivé par le dossier du Sahara occidental. Il s'agit d'une vaste zone désertique, une ancienne colonie espagnole coincée entre le Maroc, l'Algérie et la Mauritanie, dont ses habitants, les Sahraouis, revendiquent l'indépendance depuis près de trente ans alors que le royaume, qui l'occupe militairement, entend l'intégrer à la couronne.

Même si le contentieux lié à l'avenir du Sahara occidental ne figurait pas au menu du sommet de l'UMA, une déclaration du chef de l'Etat algérien a suffit à mettre le feu aux poudres. Samedi, le président Bouteflika a mis à profit l'anniversaire de la création du Front Polisario, le mouvement indépendantiste, pour rappeler que l'Algérie "soutient cette cause (...) en vue d'aider le peuple sahraoui et tous les autres peuples à recouvrer leur liberté et leur indépendance"

Rabat n'a guère apprécié le message. Dimanche, la diplomatie marocaine faisait savoir qu'elle déplorait "vivement" les déclarations algériennes. L'Algérie "adopte un parti-pris systématique contre les intérêts supérieurs du royaume" , affirmait un message du ministre des affaires étrangères.

Le lendemain, la presse quotidienne du royaume y allait de ses critiques à l'encontre d'une Algérie accusée d'"entrave -à- l'édification du Maghreb" . Abdelaziz Bouteflika "a repris une posture d'activiste acharné de la cause du Polisario" , écrivait par exemple Libération, le journal officiel des socialistes. Quelques heures plus tard, c'était au tour du Palais royal de réagir par l'annonce que Mohammed VI renonçait à faire le déplacement à Tripoli. L'annulation du sommet ­ officiellement un report ­ est la conclusion logique de ce nouvel épisode de la crise interminable algéro-marocaine.

Ces derniers mois, pourtant, un rapprochement était perceptible. Il s'était concrétisé, en mars, par la venue de Mohammed VI dans la capitale algérienne à l'occasion du sommet de la Ligue arabe. Un entretien entre le roi et le président Bouteflika avait même eu lieu à cette occasion.

Peu après, Alger annonçait que les Marocains désireux de se rendre en Algérie étaient dispensés de visa d'entrée. Une mesure identique avait été prise, huit mois auparavant, par les autorités marocaines ce qui laissait entrevoir la possiblité de réouvrir la frontière terrestre entre les deux pays, fermée depuis les attentats de Marrakech en 1994.

Le Maroc était intéressé au premier chef par une telle décision. Au début des années 1990, près de 2 millions de visiteurs algériens traversaient la frontière contribuant à animer l'économie atone de la partie est du royaume, éloignée des grandes agglomérations comme Casablanca.

La presse algérienne était persuadée, ces dernières semaines, de l'imminence de la réouverture de la frontière algéro-marocaine. Une visite du directeur des douanes algérien le long de la zone frontalière, des travaux menés dans plusieurs postes de contrôle avaient achevé de la convaincre. Le report du sommet de l'UMA est là pour confirmer que le rétablissement de bonnes relations entre les deux pays n'est pas pour demain.

Un constat identique vaut pour l'établissement d'une marché commun entre les cinq pays membres de l'UMA. C'était pourtant l'objectif de l'organisme à sa création en 1989

Jean-Pierre Tuquoi
Source : Le Monde

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