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Crise Maroc-Algérie : Fausse alerte ?

Malgré la lettre de soutien au Polisario de Bouteflika et la vive réaction de Mohammed VI, le réchauffement n'est pas compromis.

Samedi 21 mai, à l’occasion du 32ème anniversaire du front Polisario, Abdelaziz Bouteflika a réitéré, par courrier, son "soutien au peuple sahraoui, en vue (…) de recouvrer (sa) liberté et (son) indépendance". Le lendemain, communiqué indigné de notre ministère des Affaires étrangères. Le surlendemain, torrent d’insultes à Bouteflika dans la presse marocaine, puis annulation du voyage royal en Libye, où devait se tenir un sommet de l’UMA. Du coup, annulation du sommet de l’UMA. Crise maghrébine, fin du rapprochement maroco-algérien ? Pas si vite…

Le "deal" de mars, conclu à l’occasion de la visite de Mohammed VI à Alger, était clair : chaque partie restait sur sa position concernant le Sahara, Marocains comme Algériens s’accordaient à éviter le sujet dans le cadre du processus de normalisation de leurs relations bilatérales… mais certainement pas dans l’absolu ! Se taire, pour l’Algérie, équivaudrait à "lâcher" le Polisario – ce qui n’était prévu par aucun deal. Ne pas envoyer cette lettre à Abdelaziz (rituel annuel s’il en est), ou même l’envoyer en en édulcorant le style, eût été politiquement très coûteux à Bouteflika, régulièrement accusé par les clans qui lui sont hostiles au sein du pouvoir algérien de "rouler pour le Maroc dont il est originaire". Il l’a donc envoyée, mais il a aussi envoyé, en même temps, son directeur des douanes à Zouj Bghal pour superviser la remise à neuf du poste frontière maroco-algérien, dont la réouverture est imminente. Duplicité ? Non, politique… Le communiqué bien senti de notre ministère des AE aurait suffi. Si la réaction marocaine a été plus loin, c’est probablement parce que, la presse ayant déjà allumé le feu, le Palais ne voulait pas paraître "faible" devant l’opinion publique.

Se réconcilier avec Alger sans aborder le problème de fond qu’est le Sahara et tout en continuant à faire, d’un côté comme de l’autre, des déclarations totalement inverses sur la question pourrait ressembler, après tout, à un marché de dupes. Mais après 30 ans de tension, c’est ce qu’on pouvait espérer de mieux. C’est ce qui s’appelle poser des bases. Et c’est la bonne voie. Contrairement à ce que cette semaine de tension pourrait laisser supposer, les pouvoirs des deux pays continuent à suivre cette voie. La preuve, c’est que, malgré les lettres, les communiqués et les annulations, la normalisation continue. La visite du Premier ministre algérien à Rabat est toujours prévue, une date a même été fixée : ce sera, de sources diplomatiques très proches du dossier, le 21 et 22 juin prochains. La grande foire d’Alger prévoit toujours une "journée du Maroc" le 5 juin, avec une forte présence des hommes d’affaires du royaume et même (c’est en projet), un concert à Alger de Jil Jilala. Et plusieurs contacts, moins visibles, continuent à être entrepris. Bref, des petits pas, pour une normalisation qui continue à se faire en marchant sur des œufs. Des œufs fêlés, même, puisque chacun des deux pouvoirs reste très sensible à ce que publie sa presse, et la presse de l’autre. Mais l’enjeu en vaut bien la peine.

Ahmed Réda Benchemsi
Source : TelQuel

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