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Les députés invités à réviser leur copie sur la colonisation

Le PS propose d'abroger l'article de février réhabilitant le passé français.

Faut-il que les programmes scolaires mettent l'accent sur «le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord», comme le stipule l'article 4 de la loi du 23 février 2005 ? Les députés socialistes auront mis du temps pour découvrir que cet article avait été voté et, neuf mois, le temps d'un accouchement, pour proposer, ce matin à l'Assemblée nationale, de l'abroger.

Flanqué de son collègue Victorin Lurel, député de la Guadeloupe, le président du groupe PS à l'Assemblée, Jean-Marc Ayrault, a réuni hier la presse pour s'expliquer. Difficile de justifier l'apathie des rares députés PS présents dans l'hémicycle clairsemé lorsqu'un sous-amendement à un amendement de l'article 4 arriva sur le tapis un jour de l'hiver dernier. «Il y a eu un manque de vigilance», concède Ayrault, soulignant que «l'amendement a été présenté à la sauvette un vendredi» (comprenez : les députés étaient déjà partis dans leurs circonscriptions pour le week-end) et sans qu'il y ait eu un débat au sein du groupe PS. Mais au Sénat, les socialistes n'y virent aussi que du feu.

«Niche». En revanche, quand la loi fut publiée au Journal officiel, elle n'échappa pas à la vigilance des historiens et professeurs d'histoire qui montèrent au front à coups de pétitions, de tribunes, pour ruer dans les brancards d'une histoire officielle. L'affaire fit boule de neige. Au début de l'été, les socialistes demandèrent au Premier ministre de presser le Parlement d'abroger l'article. Matignon renvoya le dossier devant une commission d'historiens qui, l'automne venu, ne s'est toujours pas manifestée. Alors, les députés socialistes ont décidé de profiter d'une «niche» parlementaire pour en finir. Le calendrier est au petit poil : la «crise des banlieues» lui donne un étonnant relief. Le débat promet d'être animé et de déborder de son cadre initial : l'enseignement de la colonisation dont «la réhabilitation constitue une faute politique et éducative», selon Ayrault.

Prenant de la hauteur, il entend situer le débat dans la «crise d'identité» que «la France traverse», insistant sur «les conflits de mémoire entre communautés» que cette loi exacerbe. «L'histoire d'un pays comme le nôtre n'est pas en noir et blanc, précise Ayrault. Elle a connu des pages glorieuses qu'il faut célébrer. Elle a connu des pages sombres qu'il faut comprendre et reconnaître. Il ne s'agit pas de faire repentance. Nous ne sommes pas comptables des fautes de nos pères. Nous ne sommes pas tenus de les répéter. Il nous faut trouver une mémoire partagée. C'est la meilleure manière d'unir un peuple aux racines multiples et parfois opposées.»

Balance. Bref, pas de vision manichéenne de la colonisation, mais la balance penche plus du côté négatif que du côté positif. Il y a eu des «avancées en matière d'équipement, d'éducation ou de santé», reconnaît Ayrault, mais cela «ne peut justifier l'essence de la colonisation qui a été un système de domination d'un peuple sur d'autres». Ce matin, l'hémicycle ne devrait pas être clairsemé.

Source: Libération

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