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Ramadan. Pourquoi tant de bouffe

Des queues interminables devant les pâtisseries, des foules dans le marché. La rage de la consommation reprend au mois de ramadan. Un phénomène psychosocial légitimé par l'envie de se faire plaisir quel qu'en soit le coût.

Des queues à ne pas en finir devant les boulangeries et pâtisseries et dans les marchés. Les foules vous feraient croire que les stocks ne suffiront jamais à satisfaire la demande. Bref, c'est de la rage de la consommation dont on parle et le mois de ramadan en est l'exemple type. A la même période de chaque année, la frénésie des Marocains reprend, comme réglée «biologiquement». En fait, comme pour les traditions, cette rage de la consommation s'est ancrée dans les habitudes au point de devenir un phénomène psychosocial dont les racines remontent vraisemblablement aux quinze dernières années. En tout cas, c'est ce que constate l'éminent professeur Mouhcine Benzakour, psychosociologue, pour qui ce phénomène est apparu plus exactement après les années 80. «On a commencé à faire ce genre d'achats pendant le ramadan après l'accès de la femme dans le monde du travail. C'est là que ce phénomène psychosocial s'est installé», explique le Pr. Mouhcine Benzakour.

Moins de temps à passer dans la cuisine, c'est donc de l'extérieur qu'on apportera ce qu on veut manger à la rupture du jeûne. «Socialement parlant, les Marocains aiment se faire plaisir en se permettant des folies et dès qu 'on dit ramadan, on pense immédiatement aux sucreries et pâtisseries», indique ce psychosociologue.

Des «folies», le mot s'impose de lui-même face à cette envie de se permettre tout, car ce n'est pas tous les jours qu'on en a l'occasion. Le Pr Mouhcine Benzakour le souligne d'ailleurs en insistant sur le fait que cette rage de la consommation est légitimée par l'envie de profiter d'une occasion qui ne se présente qu'une fois par an.

Il arrive ainsi que l'on se fasse prendre dans le piège du plaisir qui, après le f'tour, perd tout d'un coup sa valeur lorsque l'estomac est plein à craquer. On réalise alors qu'on a dépensé plus que manger, mais le lendemain, on n'hésitera pas refaire de même. «Sur le plan psychologique, la frénésie d'achats augmente surtout avant le f'tour, car le jeûne est interprété comme un manque, une privation», constate le Pr. Mouhcine Benzakour.

Le principe religieux cède donc la place au traumatisme de la privation. Des sucreries à gogo, pourtant déconseillées, du point de vue santé. L'effet est négatif lorsque ce phénomène est placé sous la loupe médicale. Il est attesté que c'est en période de ramadan que les maladies gastriques, surtout les colopathies, enregistrent une augmentation spectaculaire dans nos hôpitaux. Le déséquilibre alimentaire en est la cause principale.

Rien ne vaut une bonne hygiène, vous diront les médecins, c'est-à-dire, s'hydrater en buvant deux litres d'eau (surtout au «s'hor»), manger des fruits et des légumes et surtout éviter les sucreries et les fritures. Les plaisirs coûtent cher à la santé mais aussi à la bourse, pourtant les Marocains préfèrent l'indifférence. «On ne réalise pas que l'on dépense beaucoup. C'est comme pour le mouton de l'Aïd el Kébir, le chef de famille sait qu'il doit faire de lourdes dépenses et il s'y soumet», indique le Pr. Mouhcine Benzakour. On passe à la caisse comme par logique de cause à effet. Mais c'est au moment où l'on se pose la question qu'on réalise enfin avoir commis «une bêtise». C'est à ce moment que se rétablit l'équilibre, selon ce psychosociologue. La rage de la surconsommation aura toutefois réussi à pousser les ménages à se surpasser, à se faire prendre au piège.

L'arrivée du ramadan génère aussi des paniques quant aux ruptures des produits essentiels dont le sucre, le lait et le beurre. Ce qui expliquerait la frénésie d'achat même si le gouvernement assure que le marché est bien approvisionné.

L'offre dépassera même la demande, avait indiqué le ministre de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies, Ahmed Réda Chami, à quelques jours du mois sacré.

Une frénésie injustifiée

Le gouvernement a été clair pour éviter les paniques populaires injustifiées du moment que l'offre dépasse la demande. Des exemples, il y en a. La demande en sucre pour ce mois de septembre est estimée à 98.180 tonnes, alors que les stocks prévisionnels sont de l'ordre de 229.136 T pour la même période qui coïncide avec le mois de ramadan. De même, les disponibilités en beurre seront de 6.927 T ce mois-ci pour une demande estimée à 3.100 T, ce qui assurera un approvisionnement «normal» de cette matière durant le mois sacré. Pour ce qui est du lait, les quantités qui seront mises sur le marché national sont de 77 millions de litres, dont 65 millions de lait pasteurisé et 12 millions de litres de lait UHT, pour une demande estimée à 67 millions. Concernant les oeufs, le ministre a noté que le marché sera suffisamment approvisionné avec une offre de 250 millions d'unités en septembre.

Leïla Hallaoui
Source: Le Soir Echos

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