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Les «beurs» et l’exercice politique sous la Ve République. Mes ancêtres ne sont pas Gaulois, et alor

Mes ancêtres ne sont pas Gaulois, et alors…?

· La diaspora marocaine est face à des défis multiples
· La droite républicaine française est-elle «la bête noire» des MRE?

«Minorités visibles», «diversité et renouvellement» ou «produits exotiques», c’est ainsi que la communauté franco-marocaine est étiquetée en France par l’UMP et le PS. Quant au Maroc, sous le concept marketing de Marocains résidant à l’étranger (MRE) se cache un «je t’aime moi non plus» au parfum hypocrite et aux saveurs exotiques. Au final, plus de 3 millions de personnes marginalisées, très souvent à leur insu, et ce, par les gouvernants.

Chercheurs, sociologues ou encore hommes politiques, ils s’expriment tous sur le sujet, mais aucun n’a de remède pour une guérison… définitive. Et c’est bien pour cela que la situation est passée du stade d’inquiétante à celui d’alarmante, pour demain devenir…

La France, qui abrite à elle seule plus d’un million de Français d’origine marocaine, est face à un enjeu de taille: sa cohésion sociale. Elle n’a de sens aujourd’hui qu’au travers des prestations sociales car le lien social s’effrite et le sentiment d’inégalité y est grimpant. L’expression du peuple dans les quartiers en novembre dernier est là pour le rappeler. «La Ve République est-elle en danger?». Fondamentalement non! Et cela, pour plusieurs raisons dont une qui est majeure: la France a les moyens de réagir lorsqu’elle se sent menacée. Par contre, elle s’est retrouvée au pied du mur. Reconnaître que des Français nés en France sont Français même si leurs ancêtres ne sont pas Gaulois!

Là où ça bloque, c’est la combinaison au plus haut sommet de l’Etat entre une position politique (aller dans le sens de l’électorat), économique (réussir le pari de la diversité culturelle dans l’entreprise) et sociale (garantir la stabilité nationale et oeuvrer pour l’égalité des chances). Et ce n’est pas tout! Les «entrepreneurs politiques» doivent convaincre par l’exemple une société qu’ils ont «formatée» hier sur la base qu’un «Arabe» est un homme (et non un citoyen) de seconde zone. L’histoire a servi de repère pour «légitimer» cette appréciation et la démocratiser. Alors que des tirailleurs, goumiers et tabors marocains (algériens et tunisiens également) ont participé en masse à la campagne d’Italie et à la libération de la France en mai 1945, celle-ci a cultivé la différence. En effet, il y avait la solde du métropolitain et celle du soldat indigène qui était de moitié. Il existait (déjà) des quotas pour les grades, les permissions leur étaient moins souvent accordées…

C’étaient des «citoyens» de seconde catégorie alors qu’ils ont été en première ligne pour défendre le drapeau tricolore. Même si le contexte est différent, on serait tenté de dire que l’histoire se répète.

Comment pourrait-il en être autrement? Politiquement, l’absence de courage a entretenu la situation, économiquement, le premier choc pétrolier a sonné le glas du plein-emploi, et socialement, la construction de grands ensembles (cités) a favorisé la désintégration. «C’est un peu comme lorsque les états-majors politiques ont demandé aux Français de voter oui pour l’Europe alors que, durant des années, ils ont tiré à boulets rouges sur l’UE pour masquer leur impuissance», précise Abou, étudiant en région parisienne.

Pour essayer de masquer l’échec de l’intégration socioéconomique à la sauce «franchouillarde», les politiques optent pour le tout égalitaire (alors que le tout sécuritaire crée un climat austère pour la mixité) et ils essaient de concurrencer la grande distribution, sur le terrain des slogans avec l’immigration «choisie». Une dernière trouvaille qui semble tenir la corde dans l’Hexagone au vu des sondages d’opinion qui déclarent son initiateur, Nicolas Sarkozy, vainqueur à la présidentielle en 2007. Après la fracture sociale de 1995 qui avait propulsé Jacques Chirac à l’Elysée, pour le maintenir en 2002 dans des conditions très particulières (présence du front national au second tour), il semblerait que Sarko tient le bon bout. Tantôt adoptant un discours proche de la communauté maghrébine (mise en place du Conseil français du culte musulman), parfois provocateur (karcher), le chef de l’UMP a une stratégie claire pour capter l’attention du grand public. La première est «que peu importe si on parle de lui en bien ou en mal, le principal est qu’on parle de lui». Les JT et autres émissions politiques s’arrachent celui qui dope les taux d’audience. «Sarko facho!», dixit des jeunes «beurs». Pas pour tout le monde y compris à Rabat.

Est-il plus radical que ses prédécesseurs ou homologues européens actuellement aux affaires? Pas si sûr. Si le ton est plus policé chez certains dirigeants politiques, lui a choisi d’imposer sa marque de fabrique. Il faut savoir que la finalité est identique: maîtrise et contrôle de l’immigration. Dans ce contexte, une chose est sûre, si la diaspora marocaine ne se libère pas du piège du «tous fachos», elle sera (à nouveau) la grande perdante avec à la clef de nouvelles générations sacrifiées. Dans les quartiers sensibles, la misère intellectuelle et celle sociale frappent de plein fouet la communauté immigrée. Certes, ils sont nombreux à avoir réussi, mais le taux de déperdition est trop important. Et la réussite? S’agit-il d’une chance d’avoir un emploi? D’être chef d’entreprise ou d’avoir le rayonnement d’un Zidane? Ou tout simplement de se sentir Français et d’être perçu en tant que tel par la société. Appropriation de la République et de ses règles (et devoirs), citoyenneté pleine, sont les seuls chemins qui leur permettront d’entrevoir la lumière et de baliser le terrain aux générations futures. Et la position du Maroc? Elle doit être réfléchie, responsable et discrète afin de ne pas polluer un environnement qui manque cruellement d’oxygène et de bon sens. L’expression du «cœur» est noble, mais celle du portefeuille est plus réaliste. Au plus haut sommet de l’Etat, la droite républicaine a toujours eu les faveurs du pouvoir et ce n’est pas près de changer. Hier, le Général De Gaulle (fondateur de la Ve République en 1958), aujourd’hui le président Chirac, et demain le « feu follet» Sarkozy (s’il est élu) ne dérogent pas à la tradition. Les drapeaux marocains flottant au-dessus du toit de l’Elysée un soir de mai 2002 (le 5) avaient pris place pour fêter la réélection de Jacques Chirac. C’était également la victoire de ceux qui avaient «investi» sur l’ami du Royaume.

Rachid Hallaouy
Source: L'Economiste

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