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Darija: Les mots qui sonnent juste


La table ronde sur la darija comme langue de création culturelle ouvre le débat sur l'urgence de prendre au sérieux la seule langue qui unit les Marocains et leur permet de se comprendre.

Mercredi 31 mai au soir, à l'Institut français, le public était au rendez-vous, jeune, nombreux et réactif. D'emblée, les intervenants proposent que le débat se fasse en darija. Réda Zine est préposé à la traduction vers le français. Ali Essafi, modérateur, donne la parole en premier à Dominique Caubet, professeur d'arabe maghrébin à l'INALCO, en raison de l'ancienneté de son travail sur ce sujet. « Pas par galanterie…Kifech nqulu la galanterie b-ed-darija ? » « SAWB ! ! ! ! » crie la salle en rigolant.

D'emblée, Dominique Caubet balaie méthodiquement les idées reçues qui sont habituellement avancées comme arguments pour dévaloriser la darija. Arriération ? Non ! C'est de longue date une langue de création, qui se développe dans la modernité et s'approprie les nouvelles technologies (SMS, chats…) et c'est un outil possible de démocratisation. Langue incomplète ? Faux ! En témoigne la richesse de la langue. « Lugha zenqaouiya » ? Comme toutes les langues, elle a deux niveaux : un quotidien, et un littéraire, il n'y a qu'à voir le zajal, le melhoun, les proverbes… Parlers différents d'une région à une autre ? Normal, toute langue a ses variantes, mais la darija se distingue tout de suite de l'arabe algérien ou tunisien. Ca ne s'écrit pas ? Faux, on l'a toujours écrite quand on en avait besoin, en caractères arabes, hébreux puis latins, et dans le monde, sur 6000 langues, seules 300 environ s'écrivent. On la sait déjà, pas la peine de l'enseigner. Et le patrimoine alors ? Et l'intérêt pédagogique d'utiliser ce que les enfants savent déjà à l'école, pour l'apprentissage de l'arabe classique ? « On gagnerait 2 ou 3 ans ». Quant à Youssouf Amine Elalamy, auteur du savoureux « Tqarqib En-Nab », il considère « Messaoud » de Awdellil comme le meilleur texte poétique contemporain et évoque l'hostilité qu'a suscité son avis. Pour Ali Essafi, « le théâtre s'est popularisé avec le passage à la darija, la musique et le cinéma aussi. Pourquoi cette hypocrisie sur l'écriture ? » Le plus tonitruant était Réda Allali : « C'est une question d'identité, il est urgent qu'on se comprenne. Il faut être pragmatique : il y a un problème d'analphabétisme et de langue, pas d'analphabétisme seul. On est le seul pays au monde où on ne comprend pas notre hymne national. Ca créé un problème de ciment national. Est-ce qu'on va laisser aux commerçants le monopole de la compréhension ? ». Et d'insister sur le terme de maghribiya, plus fort que darija.

Barry, lui, envisage de mettre les manuels scolaires en darija. Quant à Adil Benchkroune de H-Kayne, il évoque le caractère poétique de la darija de création, avant d'illustrer en chantant un texte qui enflamme le public. Dans le cadre du Boulevard, la verve et l'éloquence sont de mise pour célébrer le parler vrai.

Source: Le Journal Hebdo

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