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« Les mousquetaires du web » marocain piratent des sites israéliens

Le 28 juin dernier, un groupe de hackers marocains se faisant appeler "Team Evil - Reason for Hate" a fracturé et endommagé plus de 750 sites israéliens dont beaucoup ne sont toujours pas réparés aujourd'hui. Pourquoi ?

En représailles à l'opération militaire d'envergure poétiquement appelée"Pluie d'été" dans la bande de Gaza le même jour pour récupérer un soldat de Tsahal. Selon des ingénieurs de maintenance informatique de l'agence de presse francophone Guysen Israël, « l'attaque était très sérieuse et aurait pu avoir des conséquences désastreuses si nous n'avions pas intercepté le virus à temps ». Figurent au palmarès impressionnant de ce viol virtuel les plus importants sites du pays comme les banques Hapoalim (la plus grande du pays) et Otsar Ha-Hayal, BMW Israël et l'hôpital Rambam de Haïfa, entre autres. Le groupe, qui dit être composé de six jeunes âgés de moins de 20 ans, selon Guysen, était déjà connu des services de police du web israélien. En effet, ils avaient essayé plusieurs fois de pirater des sites importants comme celui de l'Institut National de Recherche Biologique et de Mac Donald's Israël, et finalement réussi en avril dernier. Team Evil n'en est donc pas à son coup d'essai. En 2004, le groupe débute sa "carrière" en attaquant des sites gouvernementaux américains en laissant des messages tels que : "Longue vie à la Palestine", "Les Etats-Unis et Israël sont des terroristes".

Le Maroc, champion du piratage informatique ?
« Les crackers marocains sont les deuxièmes plus forts au monde après les Brésiliens », c'est ce qu'affirmait, il y a deux ans, Nabil Ouchn, secrétaire actuel du Computer Coordination Center of Morocco (CCC). Cyber-terrorisme, cyber-criminalité ou cyber-militantisme ? Un porte-parole de Team Evil avait déclaré à une importante agence d'informations israélienne qu'ils pirataient des sites israéliens tous les jours "en signe de solidarité avec la guerre de résistance menée contre Israël". Il ajoute "c'est notre devoir". Et : « le hacking n'est pas un crime. Cessez de tuer des enfants et nous cesserons de pirater ». Le message est clair : il ne s'agit pas de frimer ou de s'adonner à l'amour du risque. Pirates ou hackers ? On confond souvent les deux termes. Le hacker est mû par une idéologie : il s'agit de se dépasser et de trouver les failles des systèmes sans en tirer un profit autre que celui de se voir reconnaître comme hacker. De plus, le hacker se bat pour que le monde du Net soit moins contrôlé et que l'information soit accessible au plus grand nombre. Donc le véritable hacker n'est pas un criminel. Le pirate, lui, utilise ses compétences informatiques pour tirer un bénéfice financier ou nuire à des individus ou à des institutions. Il pourrait donc aussi avoir des convictions politiques. Une troisième notion, voisine, est celle de cracker. Le cracking touche le domaine de la contrefaçon. Les crackers sont destructeurs et sont considérés comme des hackers criminels. Dans quelle catégorie peut-on ranger objectivement Team Evil ? L'opinion publique marocaine, attentive à la tragédie palestinienne, a tranché et les appelle déjà les "mousquetaires du web".

Jeunes diplômés en mal d'emploi
De son côté, le CCC note qu'« en une année presque, les crackers marocains sont à la une de tous les journaux mondiaux pour délits liés à la cyber-criminalité » et qu'« il est temps que le gouvernement marocain communique autour de la stratégie défensive et des lois anti-piratage informatique ». Mais que fait la police ? Les jeunes cyberflics d'« ashourta attiqnia » s'activent depuis maintenant dix ans contre le détournement, l'usage fallacieux de cartes de crédit et autres trafics de drogue via le Net. La cyberpolice marocaine a été créée au milieu des années 90 pour faire face à la ruée sur l'informatique dans le pays. A cette époque, les cybercafés fleurissent et se peuplent de jeunes diplômés en mal d'emploi. Le terreau idéal pour une cyber-délinquance épanouie… On se souvient de l'histoire de Farid Sebbar, lycéen de 18 ans à l'époque, qui, sans formation mais passionné d'informatique, avait confectionné, avec un complice turc, les virus Zotob, Rbot et Mytob en août 2005. Il avait réussi à paralyser des milliers d'ordinateurs à travers le monde et notamment ceux de grands médias comme les chaînes de télévision CNN et ABC News, ainsi que le New York Times. La filière Disney et l'aéroport de San Francisco s'en souviennent également. Peut-on prédire à ce jeune génie de l'informatique une belle carrière au sein de la police ? Tout est possible. En effet, les consultants et les experts en sécurité manquent cruellement au Maroc, très en retard par rapport à l'Inde, la France ou l'Italie par exemple. A titre indicatif, un pirate informatique risque entre 5 et 10 ans de prison, en vertu de l'article 294 du Code pénal marocain. Si l'Etat hébreu décide de prendre l'affaire de Team Evil au sérieux
- et il le fera très certainement- les sanctions seront sans aucun doute plus graves : il est question d'atteinte à la sécurité et à l'économie nationale. A l'échelle mondiale, le phénomène inquiète. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, n'importe quel individu équipé d'un ordinateur et d'une ligne téléphonique peut avoir la même audience, les mêmes moyens de pression qu'une multinationale ou même qu'un Etat. Avec le Net, les gens découvrent une nouvelle voie pour s'exprimer et se mobiliser. En témoignent les tracts électroniques envoyés depuis la jungle du Yucatán par le sous-commandant Marcos, chef de la guérilla zapatiste mexicaine.
Farid Sebbar avait commis son crime pour la gloire et pour l'argent. El Diablo -pseudo auto-attribué- s'en était d'ailleurs vanté en publiant une photo où son visage était en partie masqué. Souvent, la cyber-délinquance commence comme cela, par un besoin d'affirmation de soi, une envie de reconnaissance. Team Evil semble avoir dépassé ce stade. Et de loin.

Affifia Kadri
Source: Le Journal Hebdo

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