Menu

Un projet de loi pour lutter contre l'exploitation des «petites bonnes»

Le travail domestique est une réalité sociale rencontrée presque dans la majorité des pays en développement. Au Maroc, le phénomène est en train de prendre de l’ampleur: en 2002, près de 86.000 filles, dont l’âge varie entre 7 et 15 ans, travaillaient comme des «bonnes» chez des familles. Elles travaillent plus de 67 heures par semaine dépassant de loin les normes appliquées pour les adultes.

Conscient de l’impact négatif de cette situation sur la crédibilité du Maroc en tant qu’Etat de droit, le gouvernement a affirmé sa détermination pour la mise en place d’un cadre juridique convenable permettant de garantir les droits socioéconomiques des travailleurs domestiques.

C’est dans cet esprit que le ministère du Travail et de la Formation professionnelle a organisé les 17 et 18 juillet un colloque national sur le thème «Travail des enfants au Maroc: pour une réglementation appropriée». Ce séminaire a été préparé avec la collaboration du Bureau international du travail (BIT), Unicef, IPEC (Programme international de lutte contre le travail des enfants) et le projet Aderos (programme contre le travail des enfants par le biais de l’éducation) financé par le ministère du Commerce américain. Les travaux de cette rencontre devront aboutir à des recommandations et des propositions qui vont permettre au ministère d’élaborer une loi sur la réglementation du travail domestique. «Tous les efforts seront déployés pour que ce projet de loi soit soumis au Parlement au mois d’octobre prochain», affirme Mansouri à L’Economiste.

Cette loi aura comme objectif la protection d’une catégorie de la population active: jardiniers, cuisiniers, gardiens de maison, chauffeurs, et ce qu’en appelle communément «femmes de ménage»… Quel que soit leur âge, ces personnes restent très vulnérables, et leur travail demeure socialement dégradé. Pour les personnes en âge de travailler, la loi devrait leur reconnaître le droit de travailler dans la transparence et la dignité, au même titre que les autres catégories de la population active. A ce titre, une liste surnommée «les pires tâches» devrait figurer dans le projet de loi.

Il s’agit de l’esclavage, les travaux forcés, les conflits armés, les tâches hors les capacités physiques et intellectuelles de l’enfant, les activités illégales telles que la prostitution et la production pornographique.

Pour ce faire, ce colloque devrait apporter des réponses concrètes à un certain nombre de questions soumises au débat par le ministère. La limitation de l’âge d’admission au travail domestique a constitué la problématique principale de ce projet de loi. A ce propos, Maie Ayoub von Kohl, représentante de l’Unicef au Maroc a rappelé «de prévoir les dispositions relatives à la limitation de l’âge minimum au travail domestique en adéquation avec le code du travail et les conventions internationales».

C’est dans cet esprit que le département de Mansouri a proposé l’âge de 15 ans comme âge minimum pour exercer un travail domestique. Cette proposition est en conformité avec les dispositions de la convention de l’OIT n° 138 de 1973.

D’autres volets se rapportant au travail domestique ont été également débattus lors de ce colloque. Il s’agit en particulier de la question du contrôle et de suivi, celle de la protection sociale, du salaire minimum et enfin de la nature et les conditions de travail (cf. www.leconomiste.com).

Les participants ont été unanimes sur la nécessité de la promulgation de cette loi. Mais, un travail énorme et de longue haleine reste à faire dans les domaines de la sensibilisation et de la prévention. Et ce, pour parvenir à attaquer ce phénomène au niveau de ses origines qui restent par excellence: la pauvreté et l’analphabétisme.

Le Sri Lanka, pionnier
Depuis près de vingt années, le travail domestique est considéré, dans les pays européens occidentaux, comme un travail noble et utile à la société. Pour cela, au niveau de sa législation, il est traité sur le même pied d’égalité que les autres formes de travail: industriel, marchand, service… et garantit par conséquent les droits et la protection des travailleurs.

Par contre la situation dans les pays en développement se trouve encore dans une phase embryonnaire. Cependant, quelques pays sont déjà dotés d’une loi sur le travail domestique. Il s’agit en particulier du cas du Sri Lanka où le contrôle du travail domestique est confié à une agence nationale chargée de la protection de l’enfant. Pour s’acquitter de sa mission, elle a plein droit de pénétrer dans les maisons des familles «employeuses». Une première dans le monde.

Pour sa part, les Philippines présentent un exemple édifiant dans ce domaine. Ceci, grâce à l’implication et l’engagement de la société civile. Celle-ci a réussi à organiser les travailleurs et travailleuses au sein de clubs ou dans le cadre d’associations. Ce qui va permettre de renforcer leur position au sein de la société, et également de créer un espace convivial pour partager l’information sur ce qui se passe derrière les murs.

Dans le monde arabe, seuls la Tunisie, le Soudan, l’Egypte et la Jordanie sont dotés d’une réglementation sur le travail domestique. Le Maroc s’y prépare activement.

Nour Eddine El Aissi
Source: L'Economiste

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com