Changement de stratégie vis à vis de la diaspora marocaine

Cela dure depuis des années mais, jusqu’à présent, Rabat n’avait pas tiré tous les enseignements de ces phénomènes.

Durant toutes ces années, le Maroc a gardé les yeux rivés sur le ratio des transferts d’argent et la gestion certes compliquée des retours estivaux. Il n’avait pas vraiment vu qu’il avait une diaspora qui comptait dans les pays où elle était implantée. Bien peu d’efforts avaient été mis sur les rares essais de créer des réseaux d’intellectuels et de cadres, sur les correspondances avec les étudiants, sur les échanges avec les entreprises créées à l’étranger par les Marocains. Et quand effort il y avait, il était un peu décalé par rapport aux attentes de cette diaspora: la seule idée vraiment développée en leur direction était celle du retour. Comment imaginer que des personnes ou des familles lâcheraient les fruits d’années d’investissements personnels pour l’incertitude d’un recommencement à zéro dans un contexte qu’elles ne connaissaient pas? Pendant ce temps, Erdogan, le Premier ministre turc, parcourait l’Europe en disant: «Investissez là où vous êtes, mariez-vous y, envoyez vos enfants à l’école et faites-y de la politique». Les extrémistes islamistes ont été encore plus malins: c’est en Occident qu’ils ont le plus développé leurs réseaux d’influence, pas dans leurs pays d’origine.

Petit à petit, le Maroc est en train de revoir sa stratégie. Cela ne se fait pas sans grincements car même si l’ancien système a failli, il lègue une quantité de micro-intérêts individuels, comme les postes distribués par les consulats ou les facilités des Amicales. Autant d’opposition à la construction d’une nouvelle politique. Désarmer ces micro-intérêts sera le plus difficile.

Nadia Salah
Source: L'Economiste