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Le malheur des enfants marocain fait le bonheur de certains

Plusieurs raisons acculent les enfants à travailler. Certains sont poussés de force par leurs parents et d'autres de leur propre gré cherchent à besogner pour des raisons purement pécuniaires. Quelques-uns de ces enfants travailleurs sont à cheval entre l'école et le travail alors que d'autres enfants-employés ont abandonné l'instruction pour la troquer contre le travail seulement !

Pour la plupart des chérubins bosseurs, ils sont âgés entre 7 et 14 ans, voire moins. Les métiers qu'ils peuvent exercer ne sont pas légion. Ils sont en général des apprentis mécaniciens, tapissiers, agriculteurs, éleveurs, vendeurs, travailleurs domestiques, aides cuisiniers, Ces dernier n'ont pas de contrat bien évidemment et sont sous-payés pour la plupart. Des employeurs peuvent être parfois compatissants et charitables en offrant en plus de la paye, des vêtements de saison voire même de la nourriture sur place et pour emporter.

Des patrons moins altruistes, en revanche, imposent à ces chérubins des tâches tellement incommodes comme les longs trajets, les postures trop fatigantes, les lourdes charges. Il est aussi important de soulever que la majorité des enfants travailleurs manipulent des produits dangereux, inhalent des gaz toxiques même, ce qui prouve que l'employeur ne pense même pas au dispositif sécuritaire de protection, tel que les masques, gants, lunettes et tenue spécifique. Cette forme d'insécurité peut avoir un impact majeur sur la croissance et la santé des enfants : retard de croissance, dermatoses, plaies infectées, atteintes pulmonaires, accidents de travail. Et comme bien sûr, l'assurance est inexistante, si le jeune présente un problème de santé quelconque ou est accidenté sur son lieu de travail, il est immédiatement renvoyé sans aucun dédommagement.

Ainsi, «ces petits» sont considérés par ces derniers comme des esclaves qui n'ont pas droit ni au repos, ni à l'hygiène, en plus ils subissent des horaires drastiques qui dépassent des fois les 12 heures par jour tout en travaillant dans des conditions climatiques dures pour certains ruraux.

Saïd, qui malheureusement porte mal son prénom, travaille dans une laiterie ouverte 24 h sur 24 depuis deux ans. Ce dernier qui va bientôt faire 14 ans, supporte toutes sortes d'insultes, réprimandes, gifle et coups de poings. Durant son service, Saïd se doit de faire des va-et-vient multiples, de transporter des bonbonnes de gaz lourdes sur son dos pour les livrer à domicile, de préparer les commandes des clients et de les servir même à leur voiture des fois. Ces tâches sont accomplies par Saïd sans rechigner et malgré tout son employeur n'est pas à 100% satisfait. Avec une relation aussi orageuse enfant-employeur, Saïd n'a pas d'autres choix que de plier l'échine parce qu'il estime qu'il est mieux payé que certains de ses petits compères. Il touche 500 DH mensuellement qui sont perçus directement par ses parents. Moins de 50DH de cette rémunération ridicule lui revient ! Les horaires de Saïd ne sont pas du tout flexibles. Son service commence à 5h du matin pour ne prendre fin que vers 19h. Un retard de 5 minutes le matin peut lui coûter une correction.

«En fait, tout dépend de l'état d'âme du grand chef. Des fois, il est de bonne humeur et, par ricochet, il se contente de me faire juste la remarque, mais en règle générale, j'ai droit à une baffe !», nous a-t-il confié résigné. Le péché mignon de cet adolescent reste néanmoins la lecture. Il s'y emploie à chaque opportunité de temps libre s'offrant à lui. Ayant quitté l'école dès la première année du collège, Saïd regrette cette situation et prévoit de se cultiver lui-même faute de temps dans un premier temps, pour ensuite pouvoir suivre des cours d'alphabétisation ou autres.

Malgré ce traitement esclavagiste, le petit Saïd nourrit de grands espoirs quant à son avenir. Yamna et Nourreddine sont frères et soeurs, âgés respectivement de 13 et 11 ans, et ils vivent des calvaires avec leurs employeurs. Yamna travaille comme petite bonne chez une famille à Aïn Diab II.

Son frère, quant à lui, a été placé par leurs parents dans une autre famille au quartier Bernoussi. La fille est obligée de se réveiller à l'aube pour passer la serpillière, faire le parquet pour qu'au réveil des employeurs, l'immense villa soit clean. Un simple oubli d'un recoin poussiéreux est synonyme d'une bastonnade. «Nous vivons comme dans un système militaire. Tout est régi par le majordome. C'est lui qui nous donne les instructions et nous paie aussi. Mes parents reçoivent mensuellement 600 DH de lui. Nous n'avons pas le droit de parler aux maîtres de la maison. Notre supérieur hiérarchique a le droit de nous virer quand il le souhaite. Et il est très strict et dur. Il est vrai que pendant la période des fêtes, ils nous donnent des vêtements usagés d'enfants des propriétaires et il nous permet d'emmener également des provisions à ma famille. Mais quand il est furax, gare aux employés ! Ça pourra barder!»

Le frère de Yamna subit presque les mêmes traitements ou presque. Il officie chez une famille qui a fait de lui en même temps un coursier, un domestique. En effet, il se doit de porter plusieurs casquettes s'il veut rester dans cette famille qui remet à ses parents 400 DH par mois. Nourreddine fait toutes les tâches ménagères - sauf la cuisine - et il ramène également les enfants de l'école en plus de quelques autres corvées habituelles qu'il doit faire sans rouspéter. Sinon, ses parents ont donné le feu vert à ses employeurs pour le «corriger».
Chose qui arrive fréquemment surtout de la part du père de famille. «Il s'énerve pour un rien et il a l'habitude de passer sa colère sur moi. A n'importe quelle dispute conjugale, il se défoule sur moi et toujours en me sortant sa fameuse phrase : j'ai l'accord de tes parents pour te tabasser ! Mais bon, c'est une situation à laquelle je me suis habitué.» Les histoires des petits chérubins qui travaillent durs pour des enfants de leur âge et qui sont malgré tout malmenés par leurs employeurs font fondre le coeur, mais c'est une réalité avérée hélas.

Les différentes associations qui s'occupent de ces cas de maltraitance pourront certes limiter les dégâts, quoiqu'elles ne peuvent pas prendre en charge toutes les familles nécessiteuses du Maroc ! Pavé dans la mare, plusieurs familles pauvres marocaines vivent justement des ces petites rémunérations de leurs enfants pour payer le loyer, la nourriture, les factures et le cas échéant ce sont tous les membres de la famille qui se retrouveront à la rue !

Meyssoune Belmaâza
Source: Al Bayane

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