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Comment le Maroc défend son islam

Comment recadrer le champ religieux, couper la route aux dérapages et surtout préserver les spécificités de notre pratique religieuse conformément au rite malékite. C’est le défi auquel s’attelle l’Etat et le ministère des Affaires islamiques en particulier.

Télé-prédication, documentaires, capsules (TVM et Assadissa), formation des imams, des muezzins et autres mourchidates, verrouillage de la construction et de la gestion des mosquées… La liste n’est pas exhaustive. La sensibilisation autour de l’islam marocain, autour des constantes et piliers de la religion, du rôle des zaouïas, des mosquées, des imams et mourchidates, la notion de Commandement des croyants, etc. sont les ingrédients du programme concocté par la tutelle. Une journée nationale des mosquées vient également d’être décrétée. Dans la même optique, une série de conventions viennent d’être signées pour verrouiller les lieux de culte et les prêches. Celles-ci impliquent une nouvelle approche et une mobilisation permanente et pluridisciplinaire. Mais attention à ne pas verser dans la lecture simpliste et chercher à relier la nouvelle mise à niveau du champs religieux – lieux et acteurs - aux attentats terroristes, prévient le politologue Mohamed Darif. Selon lui, «ll faut se garder de faire l’amalgame entre le terrorisme et l’intégrisme». Si le premier, selon lui, nécessite une approche sécuritaire, le second appelle à une mobilisation tous azimuts pour contrer l’idéologie extrémiste. Et c’est ce qui fait a priori l’esprit de la nouvelle «thérapie». La nouvelle thérapie, c’est d’abord offrir des conditions de vie décente aux prédicateurs. C’est aussi la mise à niveau de quelque 42.000 mosquées. Une mise à niveau qui implique différents acteurs avec des paramètres qui s’inspirent de modes de gestion d’entreprises structurées. Ainsi, les Finances, la CDG, le privé… sont appelés à la rescousse. Les départements de l’Intérieur, l’Habitat, l’Agriculture et développement rural en plus des offices (ONEP et ONE) sont également mis à contribution.

L’Etat lance avec le département de l’Intérieur une opération pour répertorier l’existant et dresser des cartographies des différents lieux de culte.

Dans cette réforme, le facteur humain occupe une place de choix. Quoi en effet de mieux que des acteurs bien formés pour faire face aux discours obscurantistes? Chaque année, 150 imams et 50 mourchidates bénéficieront de cycles de formation. «Un programme sans précédent, soutient-on auprès du ministère de tutelle, qui vise à améliorer la sensibilisation religieuse, rehausser la qualité des prêches». Désormais, l’Imamat ne se décrètera plus.

Ce statut est ouvert aux titulaires d’une licence ou diplôme équivalent, avoir moins de 45 ans à la date du recrutement. Par ailleurs, les candidats imams doivent justifier de la mémorisation du Saint Coran dans son intégralité. Les candidates, elles, devront mémoriser la moitié au moins. Cette première fournée d’imams et mourchidates servira de relais pour former d’autres recrues. Outre leur maîtrise des affaires de la religion, «ils devront développer leurs connaissances pour une meilleure adaptation à la réalité contemporaine et empêcher ce qui pourrait contrevenir au respect dû à la sacralité des mosquées», souligne la tutelle.

Des exigences qui requièrent une revalorisation des conditions de travail. Celle-ci passe par une revalorisation de la rémunération et d’aides au logement. «Un imam gagne actuellement un minimum de 927 dirhams par mois». Le salaire devra tourner autour de 4.000 DH pour un statut échelle 10. Par ailleurs, une convention a été signée avec la compagnie d’assurances Es Saâda, adjudicataire d’un appel d’offres lancé en février dernier. Le schéma concocté pour les imams est similaire à celui des fonctionnaires et leur donne donc droit au remboursement et à la prise en charge des frais de soins curatifs et préventifs.

Le taux de couverture, identique à celui de l’AMO, sera de 80% pour les actes de médecine générale et de spécialité et 90% en cas d’hospitalisation.

Un compte de soutien et de financements des mosquées sera créé à Bank-Al Maghrib dans le cadre d’une convention avec les Finances. Ce compte spécial sera alimenté par les contributions de personnes morales et physiques nationales et étrangères, le mécénat, dons et legs, contribution du fonds spécial des Habous, la contribution du budget général de l’Etat… Un rapport sur les recettes du compte et autres opérations réalisées sera publié annuellement. A côté, un audit des différentes ressources et dépenses.

300 millions de DH. C’est le montant global des fonds Habous dédiés aux investissements et qui fait l’objet d’une convention entre le ministère des Habous et la CDG. Les fonds seront injectés dans des projets immobiliers à vocation locative. Les revenus seront versés dans l’entretien et la gestion des mosquées. La Caisse aura pour mission d’identifier des opportunités d’investissement, lancer des études de faisabilité, réaliser les projets immobiliers et en assurer éventuellement la gestion.

Mais, il n’en demeure pas moins que des voix s’élèvent déjà. Des observateurs estiment qu’il ne faut surtout pas focaliser sur les mosquées uniquement. Le contrôle des prêches et des mosquées ne devrait pas dispenser d’une veille mobilisant l’ensemble des citoyens.
«Les extrémistes savent maintenant que les lieux de culte sont dans la ligne de mire d’une volonté de verrouiller le champ religieux», rappelle Darif. Il faut donc, selon lui, s’attendre à ce que de nouveaux modes opératoires soient trouvés. Les canaux ne manquent pas entre l’offre satellitaire, le Net sans oublier le contact direct… les éventuels malintentionnés n’ont que l’embarras du choix.

Le «Chart» réhabilité
Le Chart… Cette tradition qui consiste en un accord tacite, un pacte, entre un imam et les villageois est ressuscitée. En contrepartie, des services rendus à la collectivité (diriger la prière, enseignement du Coran et du Hadith, conseils, prêches…), l’imam est pris en charge par celle-ci. Il va sans dire que la réhabilitation de cette pratique renforcera les liens avec le Fquih, ce «alem» qui est désigné par l’Etat. Ce qui lui donne une légitimité auprès des fidèles et partant coupera l’herbe ous les pieds à ceux s’autoproclamant prédicateurs.

"La tutelle et le ministère de l’Intérieur, dans le cadre d’une convention, s’attelleront à l’élaboration d’une cartographie de mosquées au niveau de chaque province et préfecture. Des cartes seront aussi élaborées pour identifier des zones susceptibles d’accueillir des mosquées ainsi que des dispositions pour faciliter la cession gratuite de terrains pour la construction de lieux de culte.
Curieusement, le Grand Casablanca qui représente à lui 12% de la population, ne dispose que de 3% de l’ensemble du patrimoine. Au total, le nombre des lieux de culte est estimé à 441.755 dont près de 11.000 salles de prières. Plus de 50% sont localisés dans la région de Souss-Massa-Darâa. Vient juste après Taza-Al Hoceima-Taounate (6,1%).
Les provinces du sud, Rabat-Salé, Zemmour Zaër et le Grand Casablanca affichent une moyenne d’une mosquée ou deux pour 5.000 habitants, contre une moyenne nationale de 7 mosquées pour 5.000 fidèles"

Khadija El Hassani & Amin Rboub
Source: L'Economiste

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