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Le Maroc à l'épreuve de la menace djihadiste

Un mois après un attentat-suicide, le 11 mars, dans un cybercafé à Casablanca, la mort de quatre kamikazes et d'un policier, mardi 10 avril, ranime le spectre du terrorisme dans la capitale économique du Maroc. En effet, le 16 mai 2003, une série d'attentats avait déjà causé la mort de 45 personnes.

L'attaque de mardi attribuée aux islamistes intervient à cinq mois des élections législatives, où le Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste modéré, dénoncé par les groupes djihadistes) est donné pour favori. Selon le récit de la police marocaine, les événements de mardi ont débuté au petit matin, alors que les forces de l'ordre encerclaient une maison où quatre hommes suspectés de préparer de nouveaux attentats passaient la nuit, dans le quartier populaire de Hay Farah.

Vers 5 heures, un premier homme est sorti, muni d'un sabre et d'une ceinture lourde de 4 kg d'explosifs. Après avoir menacé les policiers de son arme, il a été tué après un tir de sommation. Un second homme est alors monté sur le toit, puis a sauté sur une terrasse avant de se faire lui-même exploser, probablement pour échapper aux policiers.

Les deux kamikazes ont été identifiés par les autorités comme étant respectivement Mohamed Mentala et Mohamed Rachidi, tous deux soupçonnés d'avoir participé à la préparation des attentats-suicides de 2003 à Casablanca. Le troisième suspect, qui était parvenu à s'enfuir, s'est fait exploser, mardi après-midi, non loin du lieu de la première déflagration, alors que le quartier était bouclé par la police. Cette dernière explosion a grièvement blessé un policier qui est mort durant son transfert à l'hôpital. Dans la soirée, un quatrième kamikaze s'est donné la mort après s'être dirigé vers un groupe de policiers. Cinq personnes, dont deux membres des forces de l'ordre, ont été blessées.

TRENTE PERSONNES IMPLIQUÉES
La police affirme que ces "terroristes" étaient aussi liés à l'attentat du 11 mars. Ce jour-là, dans un cybercafé de Casablanca, Abdelfettah Raydi avait trouvé la mort en actionnant des explosifs qu'il portait sur lui, au moment où le tenancier du café le surprenait à surfer sur des sites Internet djihadistes, selon le récit des autorités. Son complice Youssef Khoudri et trois clients du cybercafé avaient été blessés dans l'explosion. De source officielle marocaine, on indique que le kamikaze mort mardi après-midi serait Ayoub Raydi, frère du terroriste ayant opéré au cybercafé.

L'enquête sur ces événements aurait mené les policiers sur la piste d'un projet d'attentats plus ambitieux impliquant 30personnes et visant le port de Casablanca, des commissariats de police et des sites touristiques.

La police avait répliqué aux attaques de 2003 par l'arrestation de milliers de suspects. Le kamikaze mort dans le cybercafé en faisait partie, mais il avait été remis en liberté après avoir bénéficié d'une grâce royale. La période d'incarcération dans des cellules surpeuplées aurait servi à certains détenus de "formation accélérée" en matière de maniement d'explosifs.

L'existence d'un lien avec les réseaux islamistes étrangers est une question qui divise les observateurs alors qu'Al-Qaida a récemment annoncé la création d'une branche au Maghreb. "Ces kamikazes ne présentent aucune revendication politique, estime Ali Amar, directeur de l'hebdomadaire Le Journal. Ils viennent des bidonvilles et sont davantage le produit de la fracture sociale marocaine que d'une volonté politique. Al-Qaida leur a donné un modèle "vu à la télévision" via les paraboles. Ils agissent individuellement, comme des "franchisés'' de la nébuleuse terroriste."

Alors que les autorités ont présenté l'attentat de mars comme un "produit purement marocain", le politologue marocain Mohammed Darif qualifie les kamikazes de "salafistes djihadistes" endoctrinés pour servir de martyrs. "Je ne dis pas qu'ils sont membres d'Al-Qaida, mais tout tend à montrer que nous sommes face à un réseau organisé qui vise le Maroc et dont les têtes pensantes ont des liens avec l'étranger", analyse-t-il. A ses yeux, la montée dans l'opinion du PJD répond à la stratégie de la monarchie marocaine visant à intégrer ces islamistes modérés pour contrer les djihadistes.


Chronologie

16 mai 2003. Cinq attentats-suicides visent des restaurants fréquentés par des étrangers et des établissements de la communauté juive à Casablanca. Ils causent la mort de 45 personnes dont 12 kamikazes et sont attribués au mouvement Salafia Jihadia.

18 août. La justice marocaine condamne à de lourdes peines - 4 condamnations à mort, 37 à la prison à vie - 87 complices des attentats du 16 mai.

31 août 2006. Le ministre de l'intérieur marocain annonce l'arrestation de 56 membres d'un "réseau terroriste" incluant des militaires.

11 mars 2007. Un kamikaze se donne la mort dans un cybercafé de Casablanca. Son complice et trois clients sont blessés.


Philippe Bernard
Source: Le Monde

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