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Identité. L’IRCAM en questions

Créée en 2002, l’institution berbère devait être le porte-voix officiel des Amazighs. Six ans plus tard, sur les trois principales revendications identitaires, le bilan est mitigé.

Constitution, en amazigh dans le texte ?

Intégrer l’identité amazighe dans la Constitution marocaine était l’une des revendications principales des militants de la cause. Une fois à l’IRCAM, des fers de lance de ce combat ont attendu un signal encourageant du roi pour relancer l’épineux sujet. L’Institut a lancé une sonde en avril 2007, cinq ans après la signature de son acte de naissance par Mohammed VI. Le climat s’y prêtait alors, suite aux appels du pied du Palais, qui laissait planer une hypothétique réforme de la Constitution avant les élections de septembre 2007. Un appel du pied fait à toutes les formations politiques et sur lequel ont surfé les membres de l’IRCAM : “Nous en avons profité pour inscrire la question à l’ordre du jour de notre assemblée”, confie Ahmed Assid, membre de l’IRCAM. L’ordre du jour est soumis dans la foulée au Palais, comme le veulent les statuts de l’Institut. Il trouve écho : “Le conseiller royal Meziane Belfqih nous a encouragés à en débattre”, raconte Assid. Cet OK de principe du sherpa du roi en poche, l’IRCAM soumet à Mohammed VI une “plateforme” de réformes souhaitables. Point essentiel : la reconnaissance de la dimension amazighe dans le préambule de la Constitution. Depuis, la fenêtre de tir s’est refermée aussi mystérieusement qu’elle s’était ouverte, la question n’étant plus à l’ordre du jour, royal celui-là. Il n’y a même pas eu de retour à l’envoyeur. “De toute manière, la seule réponse aurait été une réforme de la Constitution”, philosophe un membre de l’IRCAM. Ladite plateforme n’était pourtant qu’une version édulcorée des revendications historiques du mouvement amazigh. “Une version expurgée”, accusent des associations amazighes, qui n’y ont vu qu’une réformette comparée à leurs exigences : fédéralisme, laïcité du Maroc, abrogation de l’article 19… “L’IRCAM est une institution officielle. Elle outrepasserait son rôle en demandant un débat sur le fédéralisme ou la laïcité”, se justifie Assid. L’officialité de l’IRCAM est justement le principal grief des ultras du mouvement amazigh à son encontre. Dès sa création, l’Institut a été contesté, accusé d’être une simple succursale royale, au mieux une IER des Amazighs, créée pour canaliser les revendications du mouvement contestataire. “Ce discours manque de pragmatisme. Le mouvement amazigh n’a pas encore la force nécessaire pour imposer une réforme constitutionnelle”, se défend Assid. Une forme d’entrisme défendue par des membres de l’IRCAM, et qui a ses avantages (le roi n’était-il pas intervenu quand ils ont dénoncé l’interdiction de certains prénoms amazighs ?), mais qui ne règle pas la question de fond. L’amazighité est-elle bien vue de tout le monde ? “Sans le roi, rien ne se fait. Le gouvernement et l’Administration ne nous soutiennent pas. Et tant qu’on aura besoin de l’intervention royale, cela n’avancera pas”, analyse Assid.

Tamazight, tu écriras ?

Le tamazight a été introduit dans l’enseignement primaire depuis la rentrée des classes de 2003. Quatre ans plus tard, le bruit fait autour de cette révolution s’est révélé n’être qu’un effet d’annonce. “Sur le papier, tout est parfait. Par contre, sur le terrain, les résultats sont alarmants”, s’insurge Meryem Demnati, en charge du dossier à l’IRCAM. Selon elle, on n’apprend toujours pas le tamazight aux élèves dans les régions de Tanger, Tétouan et Kénitra, alors que les documents du ministère de l’Education nationale affirment le contraire.

Officiellement, la langue est enseignée dans les 16 académies du royaume en 2007. Officieusement, seules sept seraient réellement concernées, soit à peine une de plus que l’année dernière. “Les inspecteurs du ministère de l’Education nationale sont réticents. Certains ordonnent aux enseignants de réduire le nombre d’heures de tamazight, car ils considèrent cela comme superflu”, accuse Meryem Demnati. Le différend entre L’IRCAM et le ministère de l’Education ne date pas d’hier. En 2004, sept membres avaient claqué la porte de l’Institut avec fracas, accusant le ministère de freiner l’enseignement du tamazight. Trois ans plus tard, les deux tourtereaux se chantent toujours le même “Je t’aime, moi non plus”. C’est ainsi qu’à la rentrée 2007, les manuels de tamazight, conçus par l’IRCAM, n’étaient toujours pas inscrits sur la liste officielle des ouvrages scolaires du ministère de l’Education nationale. Ces manuels sont d’ailleurs souvent introuvables sur le marché, faute d’être distribués. “Un instituteur de Tata a dû se déplacer jusqu’au siège de l’IRCAM pour récupérer des manuels. D’autres fabriquent le matériel eux-mêmes avec des bouts de carton”, raconte Meryem Demnati. Bilan plutôt négatif, voire catastrophique : l’enseignement de la langue amazighe n’a pas seulement pris du retard. Dans certaines régions, il serait même en recul, selon des contrôles sur le terrain menés par l’IRCAM.

Médias, où sont les Amazighs ?

Rendre visible la culture amazighe dans les médias était une des missions prioritaires de l’IRCAM. Les Amazighs auront leur chaîne de télévision, c’est promis juré, assure à ce propos Ahmed Assid, en charge du dossier de l’audiovisuel à l’IRCAM. Sa création, qui devait être annoncée par Abbas El Fassi lundi dernier, a été cependant reportée. “La HACA a pris du retard dans l’étude du dossier, mais devrait rendre sa copie dans quelques jours”, se veut rassurant Assid. Le Premier ministre, tout arabiste qu’il soit, aurait piqué une petite
colère face à ce contretemps. Le signal de départ, une fois donné, la nouvelle venue du PAM commencera à diffuser à la fin de juin prochain, bénéficiant d’un budget de 170 millions de dirhams. La future chaîne amazighe sera généraliste et émettra six heures par jour (de 18 heures à minuit), un peu à la manière de la TVM à ses débuts. “La HACA voudrait qu’elle diffuse 12 heures par jour. C’est impossible, car la production audiovisuelle amazighe ne fournit pas suffisamment de programmes de qualité pour étendre la plage de diffusion tout de suite”, explique Ahmed Assid. Les 28 sociétés de production de programmes amazighs seraient suffisantes pour composer le menu (émissions de débat politique, journaux d’informations, films, etc.). Quelques-unes ont même gagné la confiance de 2M ou Al Aoula, qui leur achètent des produits clés en main. Mais pour des raisons identitaires, le débat sur la qualité des programmes est relégué au second plan : “Le premier film amazigh produit en 1993 est meilleur que le dernier en date. C’est un signe de régression”, constate Assid, qui annonce une réunion “créa” avec les producteurs du secteur. “On ne leur demandera pas des films d’auteur, mais des œuvres de meilleure facture”, poursuit-il. Selon le principe des vases communicants, la programmation de la future chaîne amazighe se remplira, alors que celles d’Al Aoula et de 2M risquent de se vider. La création de la chaîne est même devenue, toujours selon Assid, “un argument pour la SNRT, afin de revenir sur ses engagements à diffuser des programmes en tamazight”. Cette volte face de la SNRT en est-elle vraiment une ? “Les 12 films et pièces de théâtre amazighs que la SNRT et 2M s’étaient engagées à produire en 2006 n’ont jamais vu le jour”, dénonce Assid.

Hassan Hamdani
Source: TelQuel

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