Les entreprises européennes sont à la traîne en matière de politique prônant l’égalité. 40% des salariés du privé préfèrent se taire lorsqu’ils sont victimes de pratiques discriminatoires.
« Les résultats sont inquiétants mais les efforts sont payants ». Tel est pour Louis Schweitzer, le président de la HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, le bilan général des deux dernières études consacrées à la lutte contre les discriminations. L’une émane de Vigeo, l’agence de notation sociale présidée par Nicole Notat, pour le compte du BIT. Elle porte sur 562 entreprises européennes appartenant à 18 secteurs d’activité. L’autre est un sondage mené par le CSA pour la Halde auprès d’un échantillon de 1000 personnes environ. Un chiffre ? L’an dernier, la moitié des quelque 6200 réclamations déposées à la Halde relevaient du monde du travail.
Concrètement, d’après le CSA, un salarié du privé sur quatre déclare ainsi avoir été victime au moins une fois de discrimination, laquelle revêt de multiples formes (handicap, âge, sexe, religion, orientation sexuelle, nationalité, grossesse, opinion politique, etc…). Parmi les critères les plus manifestes, citons le handicap, l’âge (+ de 45 ans), l’origine étrangère et l’appartenance syndicale. Pire. Dans les firmes de plus de 5000 personnes, la proportion des victimes monte à 31%. Soit presque 1 sur 3. A contrario, parmi les entreprises ayant signé un accord en faveur de l’égalité, elle tombe à 17%. Généralement, la discrimination émane du n+1 mais aussi de la direction elle-même (40% des cas).
Autre indication forte : si la majorité des sondés estiment que la lutte contre les discriminations est une affaire collective, 57% des salariés d’entreprises ayant pourtant signé un accord en faveur de l’égalité préfèrent cependant se taire lorsqu’ils sont eux-mêmes victimes. Pour l’ensemble des travailleurs du privé, la proportion tombe aux alentours de 40%. Dans l’étude Vigeo, le processus de non-dicrimination est aussi aveugle pour 32% des firmes consultées. En clair, personne, aucun service dédié n’est affecté à la politique de non-discrimination.
« Il ne faut pas se le cacher : la marge de progression est énorme. Car le niveau médian est relativement médiocre » souligne l’ex-présidente de la CFDT. Et Nicole Notat de préciser qu’hormis la pharmacie et l’assurance, tous les autres secteurs sont à la traîne. Par pays, excepté la Norvège dont le niveau moyen atteint 51 sur une échelle où l’indice100 correspond à la plus haute maîtrise du risque de discrimination, toutes les Nations du Vieux Continent se traînent entre 20 et 40, avec un point noir criant en Islande (18,1).
Plus inquiétant encore, la non-discrimination est bien brandie comme une des valeurs de l’entreprise dans 89% des cas. En revanche, celle-ci n’est appliquée que dans 11% des cas d’après l’étude Vigeo/BIT. Et 60% des sociétés qui se fixent un programme en la matière se bornent à de l’information et de l’affichage. Un grand écart qui semble renvoyer les bonnes pratiques au rang d’opérations de communication. C’est d’ailleurs le sentiment de 7 salariés sur 10 du secteur privé (CSA).
En attendant, Louis Schweitzer, qui vient d’accepter par ailleurs de présider le conseil de surveillance du Monde, ne cache pas sa déception en constatant que l’accord interprofessionnel de fin 2006 entre patronat et syndicat n’est toujours pas effectif, faute de décrets d’application. « C’est d’autant plus désolant que les deux parties n’ont pas d’intérêts contradictoires ».