Le rapport du «Comité de suivi des affaires consulaires en Espagne » dresse un état des lieux alarmant quant aux structures et services consulaires marocains de l'autre côté de la Méditerranée. Lecture.
Saviez-vous que le consulat général du Maroc en Espagne ne disposait ni d'eau ni de réseau d'assainissement depuis des années ? Que votre demande d'inscrire votre enfant à l'état-civil peut être rejetée à cause d'une banale retranscription du prénom en phonétique espagnole ? Et que, enfin, les services consulaires les plus basiques, et gratuits par la force de la loi, sont payés au prix fort en terre ibérique ? Ce sont quelques conclusions d'un rapport incendiaire préparé par le fraîchement constitué Comité de suivi des affaires consulaires en Espagne. Il s'agit d'un comité regroupant les associations de Marocains d'Espagne les plus actives. Dans leur rapport, celles-ci dressent un état des lieux on ne peut alarmant de ce qui est censé renvoyer l'image de tout un pays (8 consulats, un consulat général et une ambassade pour700.000 résidents marocains en Espagne). Des infrastructures dégradées et dégradantes à la qualité des services, en passant par des procédures d'un autre temps, tout y est.
Le rapport s'intéresse de près au cas du consulat général à Madrid qui s'occupe des 180.000 Marocains résidents en Espagne en plus de délivrer des visas aux étrangers souhaitant se rendre au Maroc. Le tout, avec un effectif ne dépassant pas 31 personnes, consul général compris. On y manque de tout. La bâtisse ne dépasse guère les 500 m2 sur quatre étages, avec une bonne moitié de l'espace réservée au bureau du consul général (tout le quatrième étage) et à la Banque populaire (le rez-de-chaussée). Tous les services (police, état-civil, justice de la famille, services sociaux, passeports, légalisation) sont entassés dans l'autre moitié, selon le même rapport. Difficile donc de trouver un espace pour accueillir les milliers de personnes qui défilent tous les jours devant la porte du consulat et qui doivent subir de longues heures d'attente, sans sanitaire ni eau courante. Le rapport nous informe que les responsables ont dû couper l'eau après qu'une fuite a atteint plusieurs canalisations, menaçant de faire écrouler toute la bâtisse. Et pour cause, «tout au long des 15 dernières années, aucun effort d'entretien n 'a été consenti», note le rapport.
Il en va de même pour l'hygiène, totalement absente. Motif invoqué : pas de budget. Ceci, à l'exception de l'étage supérieur, celui du consul général, auquel se consacre entière la seule femme de ménage de tout le consulat.
Et les services consulaires ?
Concernant la qualité des services, le rapport relève plusieurs dysfonctionnements. Au problème de qualification des agents et fonctionnaires du consulat s'ajoute une bureaucratie digne de l'Union soviétique. C'est au service de l'état-civil où le plus d'aberrations est enregistré. Quand un Marocain présente un acte de naissance pour faire inscrire son enfant à l'état-civil, sa demande est automatiquement rejetée dans un premier temps. Et pour cause, dans les actes de naissance espagnols, on retrouve aussi bien le nom de famille du père que celui de la mère. Une hérésie au regard de nos agents. Mieux encore, le rejet peut se faire pour la simple raison qu'écrit en latin, le prénom du nouveau-né obéit à la règle phonétique espagnol. Yassine donnerait ainsi Yasin. Inacceptable pour nos services consulaires. C'est une fois la «correction» apportée, les allers-retours entre administrations et tribunaux espagnols ainsi effectués, que la demande est enfin considérée. Autres perles : en cas de perte d'un passeport, il faut attendre trois mois. Une mère ne peut, seule, demander un passeport pour son enfant, en infraction des dispositions du nouveau code de la famille.
En matière de mariage et de divorce, c'est pire. Il existe un seul juge habilité à autoriser les contrats de mariage pour toute l'Espagne... et le Portugal. Obtenir un contrat de mariage relève ainsi du chemin de croix. La tâche est d'autant plus ardue que certains consulats ne disposent pas des deux adouls comme à Séville, Algesiras et Almeria. A noter également qu'aucune traduction officielle du code de la famille n'existe encore en espagnol.
Toujours selon le rapport, tout tampon, et il y en a beaucoup, coûte 5 euros (65 dirhams). Le plus ironique est que cette manne est destinée... à l'entretien des consulats. Tous les Marocains d'Espagne doivent s'acquitter d'un droit d'inscription mais ne reçoivent pas pour autant leur carte consulaire. Et le rapport de s'interroger sur la destination réelle de cet argent. Si la loi stipule la gratuité de certains services, comme les actes de naissance et de décès et les contrats de mariage, nos Marocains d'Espagne doivent d'acquitter de frais allant de 3 à 60 euros (40 à 800 DH) !
Tarik Qattab
Source: Le Soir Echos