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Incendie de Casablanca. La famille propriétaire de l'usine parle enfin

Ils sont les premiers concernés par l'incendie de Lissasfa. La famille Moufarreh, propriétaire de l'usine Rosamor, parle pour la première fois et donne une autre version du drame qui a fait 55 morts.

La famille propriétaire de l'usine Rosamor sort enfin de son mutisme. Alors que le procès a été reporté au 14 mai prochain à la demande du comité de défense des familles des victimes, Aminé Moufarreh, fils de Abdelali Moufarreh, propriétaire de l'usine dont l'incendie a fait 55 morts, brise un silence observé depuis l'éclatement de cette affaire. Le cadet de la famille (24 ans) s'occupait de la distribution au sein de la même usine avant d'aller gérer, il y a un mois, d'autres affaires de la famille. Son témoignage apporte un nouvel éclairage. A commencer par le démenti formel qu'il apporte quant à la fermeture de l'usine au moment où l'incendie a eu lieu.

Contacté par «Le Soir Echos», il affirme que la porte n'a à aucun moment été fermée.«Et l'usine n'est pas équipée de porte automatique», précise-t-il. Pour lui, si les ouvriers étaient restés bloqués à l'intérieur, c'est parce que le feu a pris au rez-de-chaussée, et qu'il s'était propagé à une grande vitesse à ; cause delà présence de matières extrêmement inflammables et toxiques. Il était ensuite devenu impossible de gagner la sortie. A cela s'ajoute la panique générale qui a donné lieu à des bousculades. Ceci, bien qu'entre les étages, toutes les portes étaient grandes ouvertes, selon Amine Moufarreh. «La raison est bien simple : dans l'usine, il existe toute une chaîne de production, de la menuiserie à l'assemblage en passant par la couture, répartie entre les différents étages et nécessitant un constant va et vient. Fermer les portes des étages revient à bloquer toute l'activité». Pour cela, les escaliers devaient également être d'une largeur conséquente. Alors que certaines victimes parlaient d'escaliers ne dépassant pas un mètre de largeur, Amine Moufarreh affirme lui, que la , largeur des escaliers de l'usine atteint 2 mètres. De même, des escaliers de secours existaient également. Ils n'ont pu être utilisés pour les mêmes raisons (panique et bousculade).

Autre révélation : «Dans chacun de ces étages, nous avions installé 7 extincteurs en plus de deux bouches d'incendie au niveau de tout l'établissement», jure notre interlocuteur, factures à l'ap­pui. Soit, pourquoi dans ce cas les fenêtres avaient-elles des barres de fer qui empêchaient toute possibilité de fuite ? «Tout ce qu'il y avait, c'était des grillages faciles à enlever. D'ailleurs, certains rescapés ont bel et bien emprunté les fenêtres qu'ils ont facilement brisées à l'aide des extincteurs», répond-il. A qui incombe alors, toujours selon Amine Moufarreh, la responsabilité de ce drame ? «Ce qui s'est passé est une véritable catastrophe, mais ce n'est ni plus ni moins qu'un accident. Dieu en a voulu ainsi. Je reste cependant convaincu que si les pompiers étaient arrivés au bon moment, et munis des équipements appropriés, nous n'aurions pas eu autant de morts», accuse Amine. Et d'expliquer que les sapeurs-pompiers n'étaient sur les lieux que deux heures et demi après que l'alerte ait été donnée par Abdelali Moufarreh, son père.

Le premier camion arrivé ne disposait pas d'échelles. Il aura fallu attendre plusieurs heures avant qu'un deuxième camion n'arrive en provenance de Settat. Autre problème : l'eau, qu'il aura fallu tirer d'une distance de 800 mètres et donc sans grande pression. «Le pire, c'est que ce ne sont pas les pompiers, mais des maçons qui travaillaient dans un chantier voisin qui ont sauvé les ouvriers en brisant un mur et en ayant le courage d'entrer dans l'usine», relate-t-il. Mais pour 55 du total de «115 ouvriers» qui se trouvaient à l'intérieur, il était déjà trop tard. Qui en porte la responsabilité? «Je répète, ce qui s'est passé est un accident, dû au jet du mégot d'un joint (cannabis) par une personne paniquée par le passage d'un de ses supérieurs à l'endroit où elle se trouvait». Les rumeurs ne vont pas moins bon train, parlant d'un pot-de-vin d'une valeur d'un million de dirhams que la famille aurait donné au concerné pour endosser la responsabilité du drame. «Foutaises ! Simplement, parce que cette personne a été arrêtée au même moment que mon père et qu'un million de dirhams reste une somme que nous ne pouvons pas débloquer du jour au lendemain». Autre précision : le gérant de l'usine et le frère d'Amine (Adil) n'ont pas été arrêté aux frontières, mais se sont livrés de leur plein gré à la police. Le père Moufarreh a même dû subir une hospitalisation après le choc de l'incendie. «Il aura fallu faire le tour des cliniques casablancaises pour qu 'il soit admis dans l'une d'elles, les médecins refusant de traiter une personne venue accompagnée d'agents de police», dit Amine Moufarreh.

Malika Guillemain-Loufida et Tarik Qattab
Source: Le Soir Echos

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