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Maroc: Benmoussa ouvre un débat sur la répression des manifestations

Les forces de l'ordre marocaines sont critiquées pour l'usage excessif et disproportionné de la force. Aujourd'hui, c'est le ministère de l'Intérieur qui appelle au débat en partenariat avec le CCDH et des ONG.

Sefrou, Ksar El Kébir et Sidi Ifni ont connu des mouvements de protestation massive réprimés avec violence par les forces de l'ordre. Tous les rapports des organisations de défense des droits humains consacrés à ces événements ont relevé le constat et critiqué l'usage excessif de la force. Aujourd'hui, c'est le département de l'Intérieur qui revient sur cette question qui relève du droit à la libre expression. Il lui consacre un colloque qu'il organise en partenariat avec le CCDH. «L'initiative est, en soi, louable mais attendons de voir ses résultats», estime Abdelhamid Amine, vice-président de la l'AMDH. L'OMDH estime pour sa part que «c'est un point positif que l'Intérieur reconnaisse l'existence de cette problématique et qu'il veuille ouvrir un débat transversal sur la question», estime sa présidente, Amina Bouayach. «Nous espérons que les résultats de ce débat seront tout autant positifs», lance-t-elle. Car, sur le terrain, la situation est plus que préoccupante. «Nous estimons qu'il y a beaucoup de dépassements dans la gestion par le ministère l'Intérieur de ces mouvements de protestation», ajoute Abdelhamid Amine. D'abord, explique-t-il, «les forces de l'ordre ne respectent pas les modalités d'usage avant la division des attroupements par la force, qui consistent à aviser les protestataires de l'imminence d'une intervention avant de lancer l'assaut. Et ce faisant, la violence utilisée est souvent disproportionnée par rapport à l'ampleur de la manifestation»». Il y a pourtant des techniques et des manières d'intervention qui respectent les droits de l'homme, précise A. Amine. «Et c'est cela que nous attendons des forces de l'ordre, le respect des droits des manifestants».

Même son de cloche chez l'OMDH. L'organisation conclut à travers les rapports qu'elle a élaborés suite aux événements de Sefrou (23 septembre 2007), Ksar El Kébir (mars 2008) et Sidi Ifni (7 juin 2008) au «non-respect des mécanismes et procédures de bonne gouvernance sécuritaire» lors de l'intervention des forces de l'ordre lors de ces trois cas de figure. L'OMDH note en outre l'absence de mécanismes d'intermédiation et de règlement des conflits qui menacent la paix sociale, un constat que partage une autre ONG de défense des droits de l'homme. Selon Khalid Cherkaoui Semmouni, président du CMDH, «toutes les interventions des forces de l'ordre lors de mouvements de protestation collective ont été mal gérées». Il n'y a jamais eu de dialogue entre les manifestants et les forces de l'ordre avant l'intervention de ces dernières, soutient-il. Bien plus, ajoute le président du CMDH, «souvent, les forces de l'ordre interviennent sans même connaître la raison de la manifestation. Et dans bien des cas, la responsabilité incombe aux autorités locales». L'OMDH, pour sa part, déplore également l'absence de ces mécanismes de médiation qui «pourraient, sinon mettre fin à ces mouvements, du moins rapprocher les positions des deux parties».

La gestion de l'intervention des forces de l'ordre fait l'objet de critiques, non seulement de la part des associations de droits de l'homme, mais également d'autres acteurs politiques et sociaux. La célérité d'intervention et le respect des droits de l'homme dans la gestion de ces mouvements de protestation font également partie des recommandations de la commission d'enquête parlementaire sur les événements de Sidi Ifni. La commission recommande entre autres, «le traitement immédiat des protestations et sit-in contraires à l'ordre public dans le respect total de la loi». En ce sens, l'un des premiers dépassements des forces de l'ordre, estime A. Amine, est l'interdiction de sit-in pacifiques dont l'organisation, précise-t-il, n'est pas tributaire d'une autorisation préalable.

L'OMDH va plus loin et demande d'élaborer et de diffuser une liste des critères et des bases de bonne conduite lors de la dispersion des attroupements et leur mise en œuvre par les forces de l'ordre. Cela en plus d'un appel répété à intégrer la dimension des droits de l'homme dans le cursus de formation des forces d'intervention.

Bientôt, un comité de soutien aux victimes de la répression

Des avocats et militants des droits do l'homme ont décide tic mettre en place un comité de défense des victimes des violences policières. Le comité, qui compte une quinzaine de membres fondateurs, a aussitôt reçu une centaine de demandes d'adhésion. Depuis, le projet est en stand-by, en attendant de trancher la question de la participation des associations et autres acteurs de la société. Pour cela, une réunion est prévue au courant du mois prochain. Pour ce qui est du mode d'action, les fondateurs du comité entendent calquer la procédure d'écoute de l'IER «Nous allons écouter les victimes des graves atteintes aux droits de l'homme et enregistrer leurs témoignages au cas par cas», précise Adil Yousfi, responsable à l'AMDH et un des membres fondateurs du comité. Une fois ce travail accompli, le comité entend rendre publics ces témoignages et organiser un procès symbolique des auteurs des violations qui seront désignés par leurs propres noms. Le comité entend également saisir les ONG et instances de défense des droits de l'homme au niveau international.

Tahar Abou El Farah
Source: Le Soir Echos

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