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Maroc: L'incendie de l'usine Atlas relance le problème de la sécurité au travail

L'unité de fabrication de peinture Atlas a été complètement ravagée par le feu. Un autre incendie industriel qui soulève le problème de la sécurité sur les lieux de travail.

«Dorénavant, il n'y aura jamais de Rosamor II auMaroc». La promesse du ministre de l'Emploi, Jamal Rhmani, a failli tomber à l'eau mercredi, à Casablanca. Un terrible incendie a ravagé une unité industrielle de peinture, appartenant à la société Atlas et sise dans la préfecture de Hay Mohammadi-Aïn Sebaâ. L'incendie s'est déclaré aux alentours de 15h30, lorsque des produits de fabrication de peinture, réputés inflammables, ont pris feu. L'ombre de l'incendie de l'usine Rosamor planait sur les lieux et les pompiers craignaient la reproduction du même scénario, avec des morts à la pelle. Les flammes enragées et la fumée épaisse n'auguraient rien de bon. Surtout que l'unité industrielle emploie environ 350 personnes.. .Plus de peur que de mal au final, puisque l'incendie n'a pas causé de pertes humaines, mais les dégâts matériaux sont «énormes», selon une source de la protection civile. On parle de dizaines de minions de DH partis en fumée. Matériels informatiques, machines de production, bureaux... ont tous brûlé.

Selon des témoins oculaires, les éléments de la protection civile, impuissants, ont dû faire appel aux extincteurs de la société «Afriquia Gaz» pour venir à bout des flammes. L'eau utilisée par les pompiers n'a fait qu'empirer les choses. «Dans ce cas de figure, l'eau est à bannir. Elle ne fera que raviver les flammes», commente Tarik Afilal, directeur de la sécurité au sein de Richbond. «A l'intérieur des sites, l'eau est inefficace. De simples foyers fixes, les flammes se transformeront en foyers mobiles etferaient plus de ravages», poursuit notre source.

Sur les lieux, le spectacle était d'ailleurs digne d'une grosse production hollywoodienne : le feu a généré une fumée noire et épaisse, visible à des kilomètres à la ronde. Le trafic autoroutier proche du site de l'incendie a été complètement perturbé à cause de celle-ci. Certains témoins parlaient d'une visibilité zéro au pic de l'incendie. «Les risques d'explosion étaient énormes», souligne une source à la société Atlas. En effet, le site industriel contenait des produits chimiques qui risquaient d'exploser à tout moment. La catastrophe a été évitée de justesse. La protection civile a dû mobiliser une centaine de sapeurs-pompiers et neuf fourgons «Pompe Tonne» pour lutter contre les flammes et empêcher la propagation du feu. Selon des sources officielles, une enquête a été ouverte pour déterminer les causes exactes de ce sinistre.

Cet effroyable incendie pointe du doigt, encore une fois, la sécurité dans les entreprises. La tristement célèbre affaire Rosamor est encore vive dans tous les esprits. «Il y a eu beaucoup de réunions après l'incendie de Rosamor entre les différents intervenants, publics et privés. Mais on est revenu à l'état initial. Aucune recommandation n'a été concrétisée pour le moment», estime Tarik Afilal, de Richbond, ajoutant que ce genre d'incendie pourrait se répéter encore une fois si la question de la sécurité n'est pas prise au sérieux une fois pour toutes. Un professionnel va plus loin, qualifiant toutes les installations industrielles dans le pays de véritables «bombes à retardement». Il cite à titre d'exemple la raffinerie de Samir. «S'il y a le moindre problème susceptible de mettre en danger les installations, c'est la panique : la moitié des habitants de la ville de Mohammedia passent la nuit à Rabat, et l'autre moitié à Casablanca pour fuir les risques d'explosion de la raffinerie», ironise notre source.

Sur le plan juridique, le Code du travail impute la responsabilité de la sécurité des installations aux patrons, en premier heu. Ils doivent s'assurer de l'identification des dangers, et de leur énumération, et faire un inventaire précis les regroupant, retouchable en cas de changement. La prévention technique s'articule autour de deux volets. D'un côté, il y a la collective, comprenant le choix, l'entretien et le contrôle des machines, une signalisation dans l'entreprise connue et comprise par tous, une éducation sanitaire et un affichage des règlements. Et d'un autre, la prévention individuelle : port de combinaison, masque, casque.... L'inventaire de tous ces éléments est communément appelé par les professionnels «Cahier Unique». Une sorte de registre, actualisable, qui regroupe l'ensemble des risques et les moyens mis en place pour les prévenir. «Peu d'entreprises disposent d'un cahier unique. Pour la simple raison que la loi ne les oblige pas, expressément, à le mettre en place», indique T. Afilal, directeur du comité de sécurité de Richbond, installé depuis 2000, date du dernier incendie au sein de l'entreprise. Depuis, la firme a beaucoup investi dans les équipements de sécurité (800.000 DH, rien que pour l'année 2008). La société s'est même dotée d'un logiciel d'évaluation des risques baptisé «Didero». «La matrice informatique est tout simplement un outil de veille et de mise à jour. Elle est alimentée au fur et à mesure par les données de notre comité de la sécurité», rapporte-t-il.

En théorie, c'est l'inspecteur du travail qui devrait s'assurer du respect des normes de sécurité dans les sites industriels. «Nos inspecteurs du travail ne sont pas formés pour mener à bien de telles missions. Ils s'occupent plus à régler les litiges entre les employés et le chef de l'entreprise», regrette Tarik Afilal. La mise à niveau du métier d'inspecteur du travail a été d'ailleurs au centre de la dernière convention des cadres du ministère de l'Emploi.

Mais selon Afilal, l'effort de sensibilisation devrait toucher les éléments de la protection civile eux-mêmes. «La protection civile ne dispose d'aucune division spécialisée dans la prévention des sinistres», déclare-t-il. Ce professionnel de la sécurité des installations propose d'établir une liste qui répertorie les sites industriels où les risques d'incendie sont énormes. «En temps de paix, une telle division devrait travailler en concertation avec les chefs d'entreprises pour prévenir les risques», poursuit-il.

Youssef Boufous
Source: Le Soir Echos

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