Les dernières intempéries ont ramené la tension entre les autorités et les populations. Quand les diplômés chômeurs y mettent du leur, c'est parfois l'embrasement. Pour ne rien arranger, la justice n'y va pas de main morte.
Vendredi dernier, des dizaines d'habitants de la tribu Ait Addi N'Tasrafet, province de Béni Melal, partaient pour une marche vers le chef-lieu de la région, soit pour parcourir près de 40 kilomètres. La raison ? Ces populations enclavées ont faim et, touchées sévèrement par les récentes intempéries, elles ont été ignorées lors des opérations d'acheminement et de distribution des aides. Des sources associatives surplace indiquent que les manifestants n'avaient plus rien à manger, après avoir épuisé toutes leurs provisions. Cependant, la marche a été interceptée par le représentant de l'autorité et empêchée de poursuivre son chemin. «Les protestations de ces populations ne sont pas seulement légitimes, mais une sorte de devoir pour faire entendre leur détresse au moment où elles sont ignorées partout le monde, autorité et élus compris», déclare Abdessalam Adib, membre du bureau central de l'Association marocaine des droits humains (AMDH). Pour ce dernier, le recours, par les autorités à la violence pour disperser ce genre de manifestations constitue une «violation de la loi et des normes internationales en la matière», surtout qu'il s'agit de «manifestations pacifiques».
Au nord du pays cette fois, les sections provinciales, à Al Hoceima, de l'Association nationale des diplômés au chômage (AND CM) ont organisé une marche le même vendredi. Cette marche a été précédée par une forte présence des forces de l'ordre amenées en grands renforts. Cette marche, qui finalement n'a pas eu lieu, a été devancée, mercredi, par une marche similaire des diplômés au chômage d'Imzouren, petite localité près d'Al Hoceima.
D'autres formes de protestation prennent forme un peu partout au Maroc. Dans le Moyen-Atlas, plusieurs tribus crient encore leur détresse face à la faim et au manque terrible de moyens. C'est notamment le cas pour la région de Boulemane et Missour, soit les régions qui avaient déjà été touchées par des inondations, il y a plusieurs mois. Dans ces contrées, en plus du manque de moyens, les populations souffrent le martyre à cause des prix pratiqués par les fournisseurs de bois de chauffage. Des marches sont d'ailleurs prévues pour protester contre le phénomène de «spéculation» qui touche ce domaine, à en croire des sources sur place.
Selon un rapport de l'OMDH (Organisation marocaine des droits humains), les dernières intempéries ont fait une trentaine de morts, mais surtout détruit des centaines de maisons en pisé. L'ONG relève surtout que des dizaines de douars étaient restés isolés pendant plusieurs semaines et que les secours et opérations de distribution d'aides étaient organisés de manière inégale dans les régions sinistrées. D'ailleurs, cette distribution des aides a été à l'origine d'émeutes, le 10 février dernier, quand les populations de Khnichet avaient manifesté leur colère contre la manière dont elles étaient distribuées. Réaction immédiate des autorités : la suspension des aides, une mesure qualifiée par les ONG de «punition collective». Mais le meilleur était pour jeudi dernier, quand les supposés casseurs étaient jugés par le tribunal de première instance de Sidi Kacem, qui a condamné 10 personnes à des peines allant de deux à dix mois de prison. Des verdicts qualifiés d' «excessifs» par Abdessalam Adib, qui y voit encore la preuve d'une «justice aux ordres».