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Al Hoceïma, un an après le séisme

Un an après le tremblement de terre qui a touché la région d’Al Hoceïma, la plupart des familles sinistrées n’ont pas encore été relogées. Elles accusent les autorités d’avoir pris un grand retard dans l’opération de relogement.

L’attente est le lot principal du quotidien de milliers de familles qui vivent encore dans des habitations de fortune, en proie aux intempéries, au froid, au vent glacial qui souffle en cet hiver sur toute la région, aux maladies, à l’exiguïté et surtout à l’oubli.

Des tentes déchirées et reprisées en maints endroits, des chabolas (habitations de fortune construites à l’aide de roseaux et de terre), du linge étalé sous le soleil et des ruines. C’est le décor à douar Aït Abdelaziz, l’un des douars les plus touchés par le séisme. Très isolé, la seule petite piste qui y mène, en longeant Oued Ghis, est particulièrement dangereuse. Les véhicules qui s’y aventurent prennent beaucoup de risques.

Dans un coin du douar, situé à cinq kilomètres d’Aït Kamra, les trente-quatre victimes du séisme … ont été enterrées dans une fosse commune. L’endroit a de quoi donner la chair de poule. La trentaine de logements qui constituaient le douar s’étaient complètement effondrés et des familles totalement décimées. “Nous avons beaucoup souffert et nous continuons à souffrir. Un an sans logement, c’est très difficile ”, affirme Rharbouzi Mohamed, qui a perdu six membres de sa famille dans le séisme. Père, mère, frères et sœurs… il ne lui est resté plus rien. Que des souvenirs douloureux.

Après une longue période d’attente, Mohamed, comme la plupart des habitants de son douar, a bricolé une “chabola”. Il assure que c’est du vrai parasismique. “Le tremblement de terre, dont on ressent quotidiennement des répliques plus ou moins fortes, peut facilement la détruire. Mais cela ne représente aucun risque pour les vies humaines”, souligne-t-il, avec satisfaction et aussi un brin de plaisanterie.

Devant la chabola de Mohamed se trouve la tente de son frère. En toile blanche, la tente n’a pas pu résister au vent, ni à la pluie. Encore moins à la neige tombée tout au long de janvier dernier. “La nature, comme pour compliquer les choses davantage, s’en est mêlée. La région n’a pas connu de neige depuis une trentaine d’années”, ajoute-t-il.

La seule chose qui a été réhabilitée dans ce douar est la petite école pour les élèves de la première et la deuxième années. Toutefois, leur nombre a baissé de moitié. Les autres ont préféré tenter leur chance ailleurs. Au fond de la petite classe construite avec du préfabriqué, l’instituteur a installé son lit. Quoiqu’il soit originaire d’un douar voisin, il préfère dormir dans sa classe plutôt que de partager une tente avec les siens.

En ce matin, la plupart des hommes du douar sont absents. Ils sont partis creuser la terre pour les fondations de la construction de leurs nouveaux logements dans un autre village, cinq kilomètres plus loin. Aït Abdelaziz est le seul douar qui changera d’emplacement. Les études ont montré que la terre bouge encore dans cette zone qui se trouve au voisinage d’une faille active et connaît des problèmes de glissement de terrain.

Les habitants sont contents de ce changement. “Nous étions isolés et très loin du souk, de l’hôpital, des écoles et nous n’avions pas d’électricité. Dans le nouveau village, nous serons mieux”, se félicite l’un d’eux. Tous les habitants du douar Aït Abdelaziz seront complètement pris en charge dans cette opération.


Prix symbolique

Selon un membre du groupement pluridisciplinaire qui chapote l’opération de relogement des victimes du séisme dans le monde rural, ce sont des bienfaiteurs d’Amsterdam qui vont prendre en charge l’achèvement de la construction des logements. Un autre bienfaiteur du coin leur a cédé le terrain à un prix symbolique.

A Imzouren, une trentaine de tentes sont encore dressées sur la route qui mène vers Al-Hoceïma. Elles sont les seules qui restent du grand campement qui a été installé après le séisme dans ce village. En lambeaux et régulièrement rapiécées, ces tentes sont loin de protéger leurs habitants des durs aléas climatiques. Le drapeau marocain est hissé sur la plupart d’entre elles. Au centre, se trouvent une décharge d’ordures et plus loin… des toilettes de fortune, crasseuses et puantes. “Nous n’avons nulle part où aller.

Nous résisterons dans ce camp jusqu’à obtention de notre droit: un logement décent ”, confirme Berkan Mohamed. “Les menaces répétitives et les interventions musclées des autorités pour nous forcer à quitter cet endroit ne nous font pas peur. Qu’est-ce qui peut nous arriver de plus grave?”, ajoute-t-il, déterminé. En effet, qu’est-ce qui peut arriver de plus grave à des gens qui ont vécu un tremblement de terre, perdu des êtres chers et pu tenir un an sous une tente ? Blasé et endurci par cette expérience douloureuse, Mohamed raconte la dureté de la vie dans des circonstances pareilles. “Vous ne pouvez pas imaginer ce que nous endurons en vivant sous une tente alors que nous étions habitués à vivre dans une maison, une vraie, en dur. C’est l’enfer et l’humiliation au quotidien”. En effet, à l’intérieur de la tente, vivent les six membres de la famille de cet homme, aux apparences élégantes. Le lit des parents au fond, les matelas des enfants à l’entrée de la tente.

De son côté, Fatima, qui a perdu deux fils dans le séisme, explique que le recensement des victimes a connu plusieurs injustices. “De vraies victimes ont été ignorées alors que d’autres habitants d’Imzouren, loin d’être touchés par le tremblement, ont bénéficié du programme de relogement”, avance-t-elle.

Mohamed AKISRA
Source : L'Economiste

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