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Débat : Quel devenir pour les jeunes issus de la migration ?

La population qui nous concerne dans cette contribution se constitue :

- des jeunes primomigrants qui ont réalisé eux-mêmes leur projet ;
- des jeunes qui ont accompagné leurs parents lors de la migration ou ceux qui les ont rejoints dans le cadre du regroupement familial principalement;
- Ceux qui sont nés à l'étranger en première ou seconde génération.

Le projet migratoire répond, pour la première catégorie, à des besoins vitaux de recherche d'emploi ou bien il s'inscrit dans une stratégie de promotion sociale et professionnelle. Il répond aussi parfois à un désir d'émancipation et de découverte.

A noter que l'émigration pour des raisons politiques n'a jamais dépassé quelques centaines de personnes et qu'actuellement le Maroc est avec le Japon, les deux pays qui ont enregistré zéro demande d'asile politique en France en 2003. Pour les deux autres catégories de jeunes, la problématique concernée s'articule autour des processus d'adaptation ou d'assimilation dans la société d'accueil avec une revendication identitaire plus ou moins marquée.

Le retour mythe ou réalité :
L'imaginaire du retour a été très présent au sein des familles. Les autorités publiques du Maroc et des pays d'accueil ont elles-mêmes longtemps considéré le phénomène migratoire comme un processus réversible et qui répondait, pour les uns et pour les autres à une adaptation conjoncturelle de la main-d'œuvre.

Aujourd'hui le constat est le suivant:

Le flux migratoire ne s'est pas tari malgré les fermetures des frontières ; les chiffres récents qui concernent la France révèlent qu'en 2002 :
- Le flux d'entrée des marocains en France a atteint 21.400 personnes (chiffre arrondi) soit 17,2% de l'ensemble du flux enregistré ;
- 34.000 marocains ont acquis la nationalité française dont 11.350 jeunes nés en France âgés de 13 à 17 ans (chiffres de l'OCDE de fin année 1999);
- Les marocains arrivent en première place pour les nouveaux arrivants en France, en Italie, aux Pays-Bas et les premiers nouveaux arrivants non communautaires pour la Belgique ;
- Les ressortissants marocains ou d'origine marocaine constituent la première communauté étrangère établie aux Pays Bas, en Belgique et en Italie, les seconds en France et en Espagne.
Cette tendance n'a pas fléchi au cours de ces quatre dernières années.
- La plus forte communauté marocaine ou d'origine marocaine est établie en France avec 521.000 personnes dont 133.400 ont acquis la nationalité française.
Insertion dans le pays d'accueil :
L'intégration des migrants s'opère principalement par la communauté de travail, la scolarisation et la participation à la vie de la cité.

En suivant ces étapes, nous essaierons de mettre en valeur les mutations qui se produisent au sein de la communauté. A noter la difficulté d'isoler les jeunes en général, les statistiques selon les âges sont peu disponibles, particulièrement pour les jeunes issus de l'immigration considérés comme autochtones et très rarement étudiés comme tels par souci de non discrimination.

L'insertion professionnelle :

Traditionnellement les marocains occupaient majoritairement des emplois d'ouvriers peu ou pas qualifiés dans les secteurs des mines de l'industrie et de la construction.

En France :
Une enquête publiée en 2003 par l'INSEE démontre que les actifs marocains ne sont plus qu'à 12,7% dans l'industrie et les mines et 8,5% dans la construction. Ils se retrouvent actuellement à 32,9% dans les services aux entreprises et aux particuliers confinés dans les basses besognes d'hommes d'entretien ou de femme de ménage.
Le secteur du commerce et des réparations constitue le second pôle pour les marocains dans la mesure où il est abandonné par des autochtones compte tenu de la concurrence des grandes surfaces et du peu de qualification requise, 12,5 % des marocains occupent ce secteur en France.
Il en résulte selon ce même sondage 2003 que 43,9 % des marocains sont classés dans la catégorie d'ouvriers et 30% dans celle d'intermédiaire.

En Espagne :
La situation des marocains est encore plus précaire. Ils constituent le segment le plus pauvre et le plus marginalisé. Il y a 8 ans, 45 % des marocains travaillaient sans contrat et 39 % ne percevaient pas l'équivalent du SMIC. La situation de la femme marocaine y était encore plus aggravée: 67 % occupaient des tâches domestiques et 10 % celle de cuisinières. Cette situation s'est sûrement améliorée avec les opérations successives de régularisation de clandestins.

Les jeunes diplômés en croissance :
De l'autre côté du spectre social, nous assistons, toujours selon ce sondage de 2003 en France à l'ascension d'une nouvelle frange sociale privilégiée.
En effet, 9,4 % des marocains occupent des postes qui requièrent des compétences d'intellectuels supérieurs et 6,5 % sont des chefs d'entreprises. Selon les critères universitaires et scolaires:
• 8,7 % des marocains ont un niveau bac + 2 ou un diplôme supérieur ;
• 4,6 % ont obtenu le baccalauréat ou ont poursuivi des études jusqu'à bac + 2 ;
• 9,4 % ont obtenu un baccalauréat ou un brevet professionnel ;
• 10,8 % ont obtenu un CAP ou un BP.
Il reste bien sûr 60,8 % de non diplômés ou non scolarisés alors que cette population n'atteint pas 25,2 % chez les autochtones.
Ces indicateurs par la profession ou le niveau de scolarité révèlent que le flux migratoire concerne dorénavant une frange de jeunes qualifiés et formés. Ce flux s'apparente au phénomène de fuite de cerveaux et à l'installation définitive dans le pays d'accueil de jeunes ayant émigré pour des raisons universitaires.

Insertion professionnelle et ethnicité :
Les jeunes migrants ou issus de la migration communément appelés “beurs” ne correspondent plus à l'ouvrier, corvéable à merci, nécessaire au secteur secondaire de l'économie. Ils aspirent à une mobilité socioprofessionnelle ascendante par rapport aux anciens et commencent à occuper des situations généralement intermédiaires entre celles qu'occupaient leurs parents et celles, qu'occupent les autochtones de leur génération.
Cette ascension se heurte néanmoins à des difficultés. En effet le “marocain” et les maghrébins en général ont toujours occupé une image particulière dans la société d'accueil.
Les beurs constituent le groupe le plus visé par les préjugés et les stéréotypes ethno-culturels dans l'ensemble des pays d'accueil européens.
Ceci a un impact direct sur l'emploi des jeunes beurs. La discrimination ethnique à l'embauche est un phénomène enregistré dans l'ensemble des pays d'accueil. La gravité de ce préjugé a amené certains acteurs économiques à imposer l'anonymat dans les C.V. présentés pour l'embauche. En effet, la discrimination se manifeste dès que le candidat décline sa nationalité et avant même l'exposé de sa formation et de ses compétences.
Cette discrimination s'amoindrit, lors de l'entretien. Une enquête du bureau international du travail révèle qu'en Belgique 35 % de candidats à l'embauche d'origine marocaine se heurtent à ce phénomène. Ce racisme à l'emploi s'exerce fortement dans les branches où le contact avec la clientèle est une composante essentielle du service fourni. La jeune femme marocaine, quant à elle, affronte une situation aggravée par le sexisme.
La conséquence de ceci amène certaines catégories de beurs dans le besoin de disposer de liens personnels forts : familles, compatriotes ou relations personnelles pour avoir une chance de trouver un travail.

Brahim Ouchelh
Militant associatif engagé dans des question concernant notamment l'immigration

Source : Le Matin

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