Les retraités migrateurs: Les néocolonialistes

Un des trois sujets proposés par Françoise Joly et Guilaine Chenu a particulièrement attiré notre attention : « les retraités migrateurs ». Le reportage avait les éléments pour analyser cette nouvelle vague de retraités français qui passent trois mois par an au Maroc ou en Tunisie. Mais voilà, les commentaires sont superficiels et parfois choquants. Les trois couples de retraités sont présentés comme des rebelles ou des joyeux retraités et sont systématiquement opposés aux vieux ringards Français, qui vont dans les maisons de retraite. Les uns vivent dans une caravane au bord de la mer. Les autres louent une « maison de standing dans un quartier chic » à Agadir et vivent comme des nouveaux riches, avec deux « domestiques ». Les troisièmes passent leur temps dans un club de vacances en Tunisie, avec « tarot, fléchettes, boules et sieste ».

À aucun moment, les journalistes n’évoquent la question du comportement colonialiste de ces retraités vis-à-vis des Marocains ou des Tunisiens. À aucun moment ils n’interpellent les trois couples sur la situation économique et sociale des deux pays. Le discours et le comportement du chef d’entreprise nantais et de sa femme sont ceux de colons. « Alors Saïd, tu manges du poisson de riche ? » dit le Français à l’Arabe. Le couple qui est dans le centre de vacances explique, ravi : « Nous n’avons même pas besoin de sortir. Tout est ici ». Et la journaliste d’ajouter : « Il y a un souk grandeur nature et une infirmerie ». Les derniers, qui vivent dans leur caravane, passent leur temps au bord de la mer à ragoter sur « les Allemands ou les Suisses qui prennent les bonnes places ». Et on verra même monsieur se rendre chez le dentiste qui lui a fait son dentier, car « ici aussi c’est moins cher ». Alors avec tous ces touristes, « les Marocains sont aux petits soins ». Le reportage se termine par « repos bien mérité » et « partir c’est vieillir en mieux ». On regrette profondément que les journalistes donnent un point de vue gentillet sur des attitudes qui le sont beaucoup moins.

Source: L'Humanité