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Mouna Benabderrassoul, la dame du Taekwondo

Ahmed Benabderrassoul ne pouvait soupçonner que sa petite fille, frêle, chouchoutée et très gâtée, allait être un jour … idolâtrée. Mouna a connu une enfance assez perturbée sur le plan de la santé.

Elle a été hospitalisée à sa naissance avant de récidiver à l'âge de 7 ans. La famille Benabderrassoul est de tradition sportive. Ahmed voulait que Mouna rompe la tendance pour donner à la famille une intellectuelle. Mais la pratique sportive est sans doute génétique chez les Abderrassoul. Mouna démentira les présages de la famille et fera carrière dans les arts martiaux.

Tout a commencé quand elle a accompagné son père à une finale du championnat du Maroc de Tae kwondo à Meknès. Elle venait juste de souffler ses 11 bougies. Ennoujoum, l'équipe coachée par son papa, se distingua brillamment. Du retour à Rabat, elle pria son père à l'autoriser à se joindre au groupe pour pratiquer le Tae kwondo. La surprise n'avait d'égale que la déception du tuteur. Adieu l'idée d'intellectuelle et puis, il savait que l'enfant était sérieux dans sa demande et savait qu'il ne pouvait lui refuser sans conséquences.

Aussi, a-t-il obtempéré. Un acquiescement conditionnel toutefois, à savoir qu'elle devrait accepter le régime draconien des entraînements. Fini les chouchoutements. La vérité, Ahmed seul la connaissait et la gardait pour lui. En acceptant d'enrôler sa fille, c'est sa compétence à coacher le groupe qu'il mit à l'épreuve. Il ne sera pas déçu car sa fille était douée. Elle allait s'imposer prématurément en 1998, à l'âge de 14 ans, remportant haut la main le championnat national cadettes. Elle réussira un parcours unique dans la catégorie juniors rempotant systématiquement le titre trois années d'affilée avant de passer senior en 2000.

Là encore, elle instaura une suprématie inédite, plaçant 5 sacres de championne d'affilée. Elle était un maillon essentiel de l'Equipe nationale pour ne pas dire l'élément central. Le Tae kwondo international découvrit ce nouveau prodige au Canada en 1999, à l'occasion des championnats du monde. Mouna occupa une honorable 9e place. En 2001, elle fit encore mieux en Corée (3e rang). Son ascension fulgurante lui valut une notoriété planétaire. Elle se distingua sur l'autre front de la Coupe du monde avec une 5e place en Allemagne (1998), une 4e au Vietnam, 3e au Japon (2002).

Mouna est au firmament, sous les feux de la rampe, pistée par une presse friande de nouvelles de cette femme pas comme les autres. On pouvait lire la fierté des fédéraux qui voyaient là le fruit d'une politique d'incitation des clubs à produire des champions. Mouna a banalisé le championnat national au niveau de sa catégorie. L'opinion sportive commençait à se poser la question de savoir si Mouna était une fille exceptionnelle ou bien c'est le niveau qui était relativement bas. En fait, la réponse est à chercher au niveau de son encadrement. Mouna a la chance d'avoir en permanence l'entraîneur national à son chevet.

Celui-ci n'est autre que son père qui a coaché l'Equipe nationale alternativement depuis quelques années. « Ma fille n'avait pas de souci ni pour ses entraînements, ni pour les besoins de la vie. Ajouter à cela l'affection et l'amour de la famille ». Mouna a profité de l'expérience de son père qui traîne derrière lui une carrière de 30 ans dont 10 années en tant que pratiquant. Il a gagné le championnat du Maroc à 5 reprises en tant que joueur et était considéré comme l'un des éléments essentiels de la sélection nationale. Il a défendu les couleurs du pays à la Coupe du monde de 1979 en Allemagne marquée par une médaille de bronze remportée par Bachir Ouazzani, résidant actuellement aux Etats-Unis. Son métier d'encadreur dure depuis 20 ans.

Il eut l'idée de créer son propre club déjà en 1982. A côté d'Ennoujoum, il en crée un autre, le Hilal, en 1993. Son club est actuelement le plus titré au Maroc, avec 500 médailles. Il mit bas plus de 200 champions au point que ses athlètes sont toujours présents au sein de la sélection nationale.

Grâce à ces prodiges et ceux d'autres clubs, le Tae kwondo a gagné ses lettres de noblesse et cassé l'hégémonie médiatique des disciplines reines. Mouna sera la première femme à s'imposer en tant que meilleure sportive de l'année en arts martiaux, en 2004. Elle avait déjà annoncé la couleur l'année précédente en se classant à la 2e place des sondages des médias.

En 2005, Mouna compte faire des bouchées doubles. A commencer par les Jeux Méditerranéens de Séville qui devront s'inscrire dans la lignée des précédents qui eurent lieu en Italie 2001 et Tunisie 2003 où elle a glané à chaque fois de … l'or ! Tout reste possible car Mouna dis
pose d'une marge de manœuvre encore large. Elle est âgée seulement de 21 ans.

Et pourtant, elle a failli ne pas être présente aux J.O d'Athènes faute de moyens. « J'ai frappé à toutes les portes pour obtenir de l'aide. Finalement, elle a été à Athènes grâce au soutien de M. Driss El Hilali, président de la Fédération, et Mme Nawal Al Moutawakil », nous explique Ahmed Benabderrassoul.

Malgré ses possibilités techniques et physiques, Mouna reste dépendante de son père dont la présence est nécessaire pour l'aiguiller et surtout la rassurer aux moments difficiles. Mais celui-ci risquerait de ne pas être à ses côtés à Séville dans 4 mois car il a été privé de visa. « Jusqu'à présent, je ne comprends pas les raisons d'un tel refus par le Consulat d'Espagne, moi, qui ai voyagé dans le monde et qui ne fais que du sport.

Ce qui me touche est que je vais rater l'occasion d'accomplir mon devoir national. Je souhaite que le CNOM et le département de tutelle me soutiennent. Sans ma présence, ma fille risquerait de rater le podium qu'elle a dominé jusqu'à présent sur le plan méditerranéen ».

Brahim Oubel
Source : Le Matin

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