La petite Rawane est née de 31 août 2013 à l’hôpital d’Argenteuil. L’événement a été une grande source de joie pour ses parents qui ont voulu partager cela avec leurs familles au Maroc. Pour se faire, il faut un passeport, «c’est alors que je me suis rendue au consulat de Pontoise pour faire enregistrer mon bébé afin de lui établir son passeport», explique à Yabiladi Sara Louazzani, la mère de l’enfant.
Cependant, la jeune dame sera désagréablement surprise, lorsqu’elle apprendra que le prénom de sa fille n’est pas autorisé. «Ils m’ont dit que Rawane ne figure pas sur la liste détenue par le consulat et qu’il fallait le changer», relate la maman MRE.
Face à ce refus, Mme Louazzani décide de retourner à la mairie d’Argenteuil qui a établi l’acte de naissance du bébé pour voir comment changer son prénom. Les responsables «m’ont dit que la procédure est longue et complexe. Il faut un avocat, … et tout cela coûte de l’argent». La jeune maman retourne alors au consulat, leur faisant part de la réponse de la mairie, mais la tentative est vaine. Pour eux, «je suis la seule [Marocaine, ndlr] à leur demander d’enregistrer un enfant portant ce prénom».
Quelle liste ?
Pour montrer qu’elle n’est pas la première Marocaine à prénommer ainsi son bébé, Sara Louazzani a obtenu par le biais de son père, l’acte de naissance d’une «Rawane» au Maroc, copie qu'elle nous a d'ailleurs envoyés. «Je la leur ai ramené ce document et c’est alors que la vice-consule, Mme Zayri, a trouvé bizarre qu’on accepte ce prénom au Maroc et pas dans les consulats», explique-t-elle.
Franchement bizarre. Y aurait-il des prénoms pour les Marocains au Maroc et d'autres pour les MRE ? «J’ai pourtant une cousine en service au consulat de Lille qui m’a dit qu’on y enregistre le prénom Rawane», se souvient Mme Louazzani. De plus, le consulat de Pontoise parle d’une liste qu’elle n’a même pas pu consulter. «J’ai cherché même sur le site de l’Ambassade, je n’ai rien vu», souligne-t-elle. De quelle liste s’agit-il ?
«Prénom qui ne fait pas trop marocain»
Nous avons contacté le consulat du Maroc à Pontoise afin d’obtenir des éclaircissements. «Nous avons une liste de prénoms autorisés», s’est contenté de répondre notre interlocutrice. «Lorsqu’un prénom ne figure pas sur cette liste ou ne fait trop marocain, on envoie le dossier à la Cour suprême du Maroc, qui doit ensuite trancher», nous explique-t-elle, affirmant que le service d’Etat civil est «très occupé» pour s’adresser à la presse.
Concernant le cas de Mme Louazzani, «je m’en souviens», lance l’agente consulaire qui en parle comme une vieille affaire. «Nous avions écrit au Maroc, mais nous n’avons pas eu de réponse» dit-elle, concluant la conversation. Impossible de parler à la vice-consule, Mme Zayri, car «elle est en réunion avec le consul».
Pour avoir une idée de la règle à suivre dans les autres consulats marocains en France, nous avons tenté en vain d’en joindre plusieurs dont celui de Lyon, Paris et Montpellier. A l’ambassade du Maroc, on ne confirme, ni n’infirme l’existence officielle d’une liste de prénoms autorisés dans les représentations diplomatiques du royaume. «Il y a des prénoms qu’on ne doit pas utiliser, qui ne sont pas arabes et qui ont des significations non appropriées à nos traditions et coutumes», nous explique sous anonymat une agente. Celle-ci s’étonne cependant que «Rawane» soit rejeté. «Je connais une dame qui a ainsi prénommé son enfant», dit-elle comme pensant à haute voix, avant de se ressaisir : «oubliez ce que je viens de dire, c’est au consulat qu’il faut s’adresser».
Rawane est pourtant d'origine arabe
Une recherche simple sur le web montre clairement que Rawane est un prénom d’origine arabe. Le site Pageshalal.fr en donne même la signification.
Selon l’article 21 de la loi 37-99 relative à l’état civil, «le prénom choisi par la personne faisant la déclaration de naissance en vue de l’inscription sur les registres de l’état civil doit présenter un caractère marocain…». Il y a quelques années, ce sont les prénoms amazighs qui semblaient poser le plus problème, puisque de nombreux MRE dont les enfants en portaient, se retrouvaient dans le même situation que Sara Louazzani. Mais il faut croire que certains prénoms arabes peuvent aussi poser problème.
«C’est honteux d’aller à la mairie demander de changer le prénom de l’enfant parce que mon pays ne l’accepte pas, regrette Sara Louazzani. Même à la mairie, ils m’ont dit que ce serait difficile, parce que Rawane est un prénom arabe et répandu». La jeune MRE a contacté un avocat pour voir ce qu’il faudrait faire afin que le nom de son enfant soit reconnu par le Consulat du Maroc à Pontoise.