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Maroc : l'ennemi venu du palais
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7 septembre 2004 09:20
voici un article paru dans le monde sur mandari. il signe stephen smith (aie!)

[www.lemonde.fr]



Maroc : l'ennemi venu du palais

LE MONDE | 06.09.04 | 14h46

Hicham Mandari, un Marocain de 32 ans, qui avait autrefois ses entrées à la cour de Hassan II, a été assassiné, le 4 août, en Espagne. L'épilogue d'un destin météorique pour un intrigant plein de ressources, qui menaçait de révéler les secrets de la monarchie chérifienne.
L'assassin n'a pas mis de silencieux. C'est l'unique dérogation à la sobriété du meurtre, très professionnel, de Hicham Mandari, le 4 août, près de Marbella (Espagne). Dans le dernier quart d'heure avant minuit, ce Marocain de 32 ans tombe face à terre, tué d'une seule balle - calibre 9 mm - tirée à bout portant dans la nuque, du bas vers le haut. Une mort par excès de confiance qui ne ressemble pas à la victime. En cavale depuis six ans, depuis qu'il avait fui le Maroc ou, plus précisément, le palais royal, Hicham Mandari nourrissait une méfiance grandissante envers tout et tout le monde : les galeries marchandes sans issue, les rendez-vous fixés trop longtemps à l'avance, les faux opposants, les gardes du corps "retournés" par les services secrets de son pays, constamment à ses trousses.

Une tentative d'enlèvement, puis trois tentatives d'assassinat - la dernière, à Paris, dans la nuit du 22 au 23 avril 2003, l'avait envoyé à l'hôpital avec trois balles dans le corps - avaient transformé ce golden boy de la jet-set marocaine. Gonflé de corticoïdes, il marchait avec une canne-épée, claudiquant du pied droit. Mais, dans sa tête, sa fuite en avant s'emballait, la martingale de ses révélations-chantages touchait au va-tout final. Amplifié par l'écho fou dans le parking fermé où s'est produit le crime, le règlement de comptes a été sonore. "Un bruit s'était échappé du méchouar", la cour du palais, commentera, en privé, un grand commis du pouvoir royal marocain. "Il a fait le tour du monde, mais il a été rattrapé."

Hicham Mandari embrasse le béton dans le garage no 5 du complexe résidentiel de Molinos de Viento, à Mijas, une localité entre Malaga et Marbella. Sous sa chemise arrachée du pantalon, également ouvert, perce le gilet pare-balles léger qu'il s'était habitué à porter. Ce n'était pas une découverte pour son assassin. Celui-ci l'a fouillé pour enlever de la petite boîte noire en plastique que la victime portait cachée sous l'aisselle, une clé parmi des versets du Coran. La police espagnole ne trouve que ces bouts de sainte écriture et, joli pied de nez de quelqu'un qui brassait l'argent comme d'autres l'air, 170 euros. Une misère.

A quel trésor la clé dérobée donne-t-elle accès ? Ce n'est pas la seule question sans réponse. La Guardia Civil recueillera les témoignages contradictoires de plusieurs habitants. L'un affirme avoir vu "trois Arabes" se disputer, peu avant le crime, sur le trottoir, dehors. Un autre dit avoir aperçu des hommes s'engouffrer dans le parking au moment où en sortait une voiture. Un troisième, un enfant, prétend avoir vu deux hommes s'enfuir du parking, après le coup de feu, puis monter dans une fourgonnette blanche qui les attendait, avec un troisième homme au volant... "On n'a qu'une seule certitude, confie une source proche de l'enquête. Mandari a été tué le jour même de son arrivée en Espagne. En fait, il s'est rendu directement à ce rendez-vous fatal."

Mais qui pouvait bien être la connaissance intime qui lui inspirait confiance au point de le faire accéder à l'immeuble par le parking fermé où il a été abattu, sans offrir de résistance, surpris avant d'atteindre l'une des deux portes permettant de monter dans les appartements, dont beaucoup sont loués par des Marocains ? "On va le savoir, et même assez rapidement", assurent les enquêteurs espagnols.

Ces derniers ont fait preuve d'habileté. Pendant huit jours, ils n'ont pas rendu publique l'identité de la victime, officiellement parce que la police française a tardé, jusqu'au 11 août, à répondre à leur requête lancée, via Interpol, à partir d'une carte téléphonique France Télécom et d'un - faux - permis de conduire italien trouvés sur Mandari. En fait, le ministère de l'intérieur espagnol a attendu jusqu'au 13 août avant de révéler l'assassinat, pour repérer les proches du Marocain et "voir qui allait s'inquiéter de sa disparition".

La ruse a permis de remonter jusqu'à un Franco-Algérien domicilié en région parisienne, qui avait fourni à la victime le faux permis italien. C'est lui, aussi, qui avait vu Mandari juste avant son départ en avion, le mercredi 4 août, en fin d'après-midi. "Je vais pour deux jours en Espagne, et peut-être en Italie. Si je reste plus longtemps, tu me rejoins", lui avait-il dit autour d'un café. Geste sans précédent, même s'il ne semblait traduire aucune inquiétude particulière, il lui avait confié l'un de ses téléphones portables et, surtout, son agenda.

La police espagnole espère trouver dans cet agenda le nom qui manque au rendez-vous avec la mort sur la Costa del Sol. Peine perdue, selon plusieurs proches de Hicham Mandari. "Chez lui, tout était codé", affirment-ils à l'unisson. "C'était un rendez-vous galant, glisse l'un d'eux, sans dire d'où il tient cette information. Hicham allait voir une femme dont il était fou, qu'il couvrait d'or." Et de citer le nom, très connu, d'une fille de la nomenklatura du royaume, qui, comme tant d'autres, était en effet en vacances à Marbella au début du mois d'août.

Se non è vero, è ben trovato : l'homme qui devait tout aux femmes, sa jeunesse dorée, son entrée au palais, "son" argent et son butin de secrets, aurait péri par la faute, volontaire ou involontaire, de l'une d'entre elles.

Le quartier Hassan, à Rabat, dans les années 1980. Fils d'un couple séparé, élevé par sa mère, Sheherazade Mandari, née Fechtali, le jeune Hicham grandit, en fait, au foyer de Hafid Benhachem, futur directeur de la Sécurité nationale, dont les deux fils adoptifs forment avec leur copain un trio inséparable. Jamais à court d'argent, ils sont les premiers à avoir des motos pétaradantes, les premiers aussi à fréquenter la boîte de nuit la plus huppée de la capitale marocaine, le Jefferson, dont Hicham est la star-caïd dès l'âge de 15 ans. S'ensuit une fugue amoureuse qui aurait pu mal se terminer. Hicham ravit Hayat Filali, fille du conservateur du palais royal de Bouznika. Les jeunes amoureux sont rattrapés. En lieu et place du châtiment redouté, ils obtiennent la bénédiction du roi - indispensable aux parents de tous les serviteurs en vue au palais - pour pouvoir s'unir légalement.

La responsable de ce miracle est une tante de Hayat, Farida Cherkaoui, concubine favorite du souverain, le grand amour de sa vie. C'est elle qui apaise l'orgueil bafoué du père et obtient l'arbitrage du roi. Celui-ci fait même entrer le jeune Hicham dans ses services, comme "chargé de mission" au département de la sécurité que préside Mohamed Médiouri. Hassan II ne se doute pas qu'il provoque ainsi le premier court-circuit qui fera disjoncter le centre névralgique du makhzen, le pouvoir traditionnel au Maroc, fondé sur l'accumulation de richesses - le mot est à l'origine du terme "magasin", en français - et sur des réseaux personnels d'allégeance. Mohamed Médiouri était en effet épris de l'épouse légitime de Hassan II, "la mère des princes". Il l'épousera après la mort du roi, en 1999, et vit aujourd'hui avec elle entre Versailles et Marrakech.

Le roi connaissait-il les sentiments de l'homme qui veillait sur sa sécurité ? Nul ne le sait avec certitude. Mais Mandari, lui, n'ignorait rien du secret de son supérieur, sans doute grâce à sa grande amie Farida Cherkaoui. D'ailleurs, il n'était pas à un viol d'intimité près. A peine admis au palais, il commençait à apporter des cadeaux aux femmes du harem, avant de distribuer aux recluses du roi, interdites d'accès au téléphone, des portables, dès que ceux-ci ont été mis en vente au Maroc...

Un futur chroniqueur de la dynastie chérifienne, vieille de quatorze siècles, devra consigner le nom de Hicham Mandari comme celui de l'homme qui perça les murs épais du palais et éventa les arcanes d'une monarchie de droit divin rendue mortelle par les mœurs humaines, trop humaines, de la famille régnante. Il devra ajouter, s'il est scrupuleux, que le même Hicham Mandari vola son roi, quand celui-ci fut à l'article de la mort, et tenta de faire chanter son fils et successeur, Mohammed VI.

En trente-huit ans de règne, Hassan II a fait trembler ses sujets, jamais à l'abri d'une arrestation arbitraire, d'un passage à tabac dans un commissariat, d'une séance de torture dans un "point fixe" du réseau parallèle des centres de détention, voire d'une "disparition" ou de l'envoi dans un bagne secret, tel que celui de Tazmamart.

Mais, à la fin de sa vie, l'autorité du souverain, rongé par la maladie, ne suffisait plus à contenir la rapacité de ses serviteurs les plus proches. Craignant la remise en question de leur rente de situation à l'heure de la succession, ceux-ci se sont mis à piller le palais, à en emporter tout ce qui pouvait l'être : vaisselle, tableaux, tapis et meubles... Or seul Hicham Mandari, grâce aux complicités féminines, mais, aussi, en associant d'autres courtisans au partage, a eu le bras assez long pour atteindre le saint des saints, la chambre servant de coffre-fort au palais de Rabat.

Qu'a-t-il subtilisé ? Une dizaine de chèques du roi, c'est sûr. Des bijoux de famille, selon certains. Des "documents secrets" et, en particulier, l'inventaire du patrimoine royal placé à l'étranger, selon ses propres dires. Vrai ou faux ? En tout cas, Mandari a fait de cette rumeur, pendant six ans, un moyen de chantage très efficace et un feuilleton médiatique à rebondissements.

Mais, d'abord, il lui a fallu fuir, quand le secrétaire particulier de Hassan II, Abdelfettah Frej, après un séjour à l'hôpital, a été joint par une banque luxembourgeoise lui demandant d'authentifier le paraphe royal au bas d'un chèque portant sur une forte somme. Quand Hassan II l'a appris, les murs du palais ont tremblé. Cependant, son "chargé de mission" lui a échappé. Prévenu par ses complices bien placés, Hicham Mandari, sa femme Hayat et leur bébé, une fille, ont pu gagner l'étranger, aussitôt pris en chasse par les services secrets marocains.

"Sa Majesté m'a confié l'enquête sur ces vols", raconte au Monde Driss Basri, qui fut pendant vingt ans l'inamovible ministre de l'intérieur de Hassan II, son "grand vizir" comme on aurait dit du temps du sultanat. "Par déférence pour le roi", Driss Basri n'a pas cherché à savoir ce qui s'était passé à l'intérieur du palais. Mais, dès l'été 1998, spécialement envoyé à Paris pour quérir le concours des autorités françaises, il avait conclu au sérieux de l'affaire. "Je pense que Mandari détenait effectivement trois ou quatre secrets d'Etat." M. Basri aurait-il livré cette confidence s'il n'était pas lui-même, aujourd'hui, en froid glacial avec Mohammed VI, s'il n'était pas de fait exilé à Paris, sans passeport marocain valable ni titre de séjour en France ?

Via Paris, Bruxelles et Francfort, Hicham Mandari et sa famille finissent par gagner les Etats-Unis, sur les conseils d'un avocat américain, Me Ivan Stephen Fisher. C'est lui, aussi, qui mènera, à Chicago, des négociations avec des représentants du Maroc, l'ambassadeur à New York, Ahmed Snoussi, le numéro deux du secrétariat particulier de Hassan II, Abdelkarim Bennani, et Driss Benomar, alors au ministère de l'intérieur à Rabat. Un grand cabinet d'avocats à Washington, Zuckerman, est commis pour prodiguer ses conseils au royaume. Dès lors, les quatre fils conducteurs de l'"affaire Mandari" - les tractations, les chantages par voie de presse, les violences et l'assourdissement judiciaire - ne cesseront plus de s'enchevêtrer, dans une spirale ascendante.

L'échec du tour de table de Chicago précède de peu la publication, le 6 juin 1999, dans le Washington Post, d'un encart publicitaire dans lequel Mandari s'adresse au roi chérifien. Le fugitif s'y affirme "victime de mensonges", demande la restitution de ses "bijoux" en même temps qu'une "grâce royale", mais prévient aussi, sans détour : "Comprenez, Majesté, que, pour ma défense et celle de mes proches, j'ai préparé des dossiers qui contiennent des informations (...) dommageables pour votre image à travers le monde." Douze jours plus tard, Mandari fait l'objet d'une tentative d'enlèvement à Miami, en Floride, où il s'est installé. Il en réchappe.

En juillet 1999, Hassan II meurt. Mais, pour le moins, l'arrivée au pouvoir du prince héritier ne vide pas l'abcès d'un scandale que Mohammed VI s'emploiera également à étouffer par tous les moyens. La présence de Hicham Mandari aux Etats-Unis commence à peser sur les relations entre Rabat et Washington, comme l'atteste une note, datée du 5 août 1999, du Diplomatic Security Service du département d'Etat, qui souligne le "très grand intérêt" que le royaume attache à la récupération de ce ressortissant en situation irrégulière sur le sol américain.

L'ex-ministre marocain de l'intérieur, Driss Basri, confirme avoir diligenté des démarches officielles auprès du gouvernement américain, sur instruction de Mohammed VI, afin d'obtenir l'extradition de l'ancien courtisan, voleur mué en marchand de secrets. M. Basri se souvient aussi à quel point le dossier des "faux dinars du Bahreïn" - la contrefaçon et la mise en circulation de l'équivalent de 350 millions de dollars, dans laquelle Hicham Mandari est impliqué - a été une aide providentielle pour envoyer le racketteur du roi en prison et, par la même occasion, l'assécher financièrement par le blocage de ses comptes.

En août 1999, dans le cadre des poursuites engagées contre les faussaires de dinars bahreïnis, Mandari est arrêté aux Etats-Unis. Débute alors, pour lui, la période la plus noire de sa longue épreuve de force avec le trône alaouite. Il va se ruiner en frais d'avocat, en honoraires pour un détective privé, et finira "essoré" par des "amis" qui lui proposent une aide dont il pense ne pas pouvoir se passer. Il restera presque trois ans enfermé dans une cellule de la prison fédérale de Miami, se battant pied à pied pour éviter ce qui aurait été la fin pour lui : son extradition au Maroc.

Dans ce combat inégal, il se trouve un allié, un autre courtisan tombé du carrosse royal, Ali Bourequat, l'un des trois frères à la double nationalité française et marocaine, qui, pour s'être également mêlés de secrets d'Etat et d'alcôve, avaient été emmurés pendant dix-huit ans dans le bagne-mouroir de Tazmamart. Après leur libération et leur arrivée en France, le 3 janvier 1992, les frères Bourequat, eux aussi, avaient "négocié" avec Hassan II leur silence et obtenu, chacun, 10 millions de francs qu'ils avaient encaissés dans une banque à Genève. Mais c'est son statut de réfugié politique aux Etats-Unis qui rend Ali Bourequat particulièrement précieux pour son compatriote aux abois. Car Ali Bourequat ne s'est pas vu octroyer cette protection, le 31 mars 1995, en raison du calvaire subi au Maroc, mais à la suite de menaces pesant sur lui... en France et dans lesquelles serait impliqué l'ancien ministre de l'intérieur Charles Pasqua !

En gagnant Ali Bourequat comme "témoin expert" à son procès, Mandari espère bâtir une défense contre son éventuelle extradition vers la France, antichambre d'un renvoi au Maroc, puisque Paris, à la différence de Washington, est lié par un traité d'entraide judiciaire avec Rabat. En effet, c'est la justice française qui a lancé le mandat d'arrêt international en vertu duquel, pour l'affaire des faux dinars, Hicham Mandari a été placé sous écrou extraditionnel.

Jamais le pouvoir chérifien n'aura été aussi près de faire rendre gorge à Mandari que du temps de sa détention en Floride, entre 1999 et 2002. Parce que ce qui est dur pour le prisonnier est à la limite du supportable pour sa femme Hayat et sa petite fille. Hayat vit à Miami sans papiers et presque sans argent, à la merci de la générosité occasionnelle de proches. Une fois par semaine, elle se rend à la prison - un trajet d'une heure et demie - pour soutenir le moral de son mari. Celui-ci payera mal en retour sa loyauté. Mais, en attendant, le couple fait face au pouvoir royal, qui pense avoir opté pour la bonne stratégie. L'affaire des faux dinars du Bahreïn lui permet, avec l'aide de la France, d'actionner le bras de la justice, sans parler de l'embarrassante effraction au palais de Rabat. Encore que ce transit par la France n'inspire rien qui vaille au roi. "En France, la justice et la presse ne sont plus tenues. On va avoir des problèmes", aurait-il maugréé, selon Driss Basri. C'était bien vu.

Hicham Mandari mènera grand train à Paris. Extradé par les Etats-Unis, en mai 2002, sous réserve que la France ne le livre pas au Maroc (un engagement - public - cependant jamais formellement acté dans le dossier d'instruction), l'homme qui veut faire chanter le roi du Maroc finit par être remis en liberté provisoire et retrouve sa marge de manœuvre, considérable à en juger les résultats : il roule dans des Mercedes 4 × 4 aux vitres fumées, précédé et suivi de ses propres motards, entouré de gardes du corps, avec oreillettes et lunettes noires... Il fait des Champs-Elysées son golden mile, s'installe à demeure dans des hôtels de luxe, distribuant des pourboires faramineux, entretenant toute une cour de Franco-Maghrébins et de Franco-Libanais, de "Tony", le loueur de limousines, à "Amina", qui coiffe et masse le seigneur de l'argent facile.

D'où lui viennent les sommes considérables qu'il dépense sans compter, entre autres en cadeaux encombrants pour des récipiendaires qui ne lui ont parfois rien demandé ou craignent les "services" qu'ils auront un jour à rendre à leur munificent bienfaiteur ? De son temps de missi dominici au palais chérifien, Hicham Mandari a gardé de lucratives relations, de sincères amitiés comme des liens plus interlopes, les deux n'étant d'ailleurs pas exclusifs.

C'est ce qu'illustre l'affaire des "faux dinars du Bahreïn". Lié au prince héritier bahreïni de l'époque, entre-temps devenu roi dans son émirat, Mandari fréquente également un Zaïrois proche de la famille de feu le maréchal Mobutu, Richard Mwamaba, qui songe à une variante d'un tour de passe-passe inventé par l'ancien maître de Kinshasa. Celui-ci fit imprimer, à l'étranger, des "double séries" de sa monnaie non convertible, alimentant ainsi l'hyperinflation, mais, aussi, sa cour, son armée, ses services de sécurité tentaculaires.

Cette fois, l'idée consiste à imprimer, avec un mandat légal de l'autorité monétaire du Bahreïn, une monnaie convertible : de vrais-faux billets de 20 dinars, en de telles quantités que la mise en circulation devait s'opérer simultanément dans de nombreux pays, les "changeurs" obtenant une commission de 10 pour 100. Huit tonnes de coupures, dont chacune valait environ 50 euros, devaient faire l'affaire de beaucoup de monde, dont des chefs d'Etat... Mandari ne cherchait qu'à encaisser son "courtage", en plaçant, sous sa vraie identité, plusieurs millions de dinars dans des bureaux de change sur les Champs-Elysées et à Beyrouth. Mais c'est ainsi qu'il s'est fait ferrer dans un dossier qui ne devait être, pour lui, qu'une levée de fonds parmi d'autres.

"Il croyait qu'on pouvait tout acheter, que chacun d'entre nous avait un prix." Anas Jazouli, demandeur d'asile en France, garde des souvenirs mitigés de son aventure au côté de Mandari. Marocain, ancien organisateur de concours de beauté, en délicatesse à la fois avec les islamistes et avec le pouvoir, il a monté en France l'Association des opposants marocains à l'étranger, qui recrute parmi les jeunes de la banlieue parisienne. "Vous avez besoin d'argent et moi de troupes", lui avait expliqué Mandari, avant de fonder avec lui et un pseudo-opposant vite approché par les services secrets du royaume, le Conseil national des Marocains libres (CNML). C'était en mai 2003, à peine un mois après le second attentat, sur le sol français, contre Mandari, atteint de trois balles, dont une avait failli toucher la moelle épinière.

Dans ce contexte, le CNML lui sert de sigle à apposer sur des communiqués incendiaires, lui confère une légitimité politique pour publier des interviews-chocs dans la presse espagnole et algérienne, parfois en rémunérant le journaliste. L'été 2003, pour narguer les dignitaires marocains sur leur plage préférée, des "militants" du CNML, une dizaine d'hommes recrutés pour l'occasion, exhibent, à Marbella, des T-shirts portant l'inscription "Le Maroc en danger ! Ensemble, réagissons !".

A la même période, en juin 2003, l'ultime lien qui amarrait Hicham Mandari à un bonheur autre que l'amour de l'argent et la haine du palais se brise : délaissée à Miami, abandonnée avec sa petite fille, Hayat négocie avec le pouvoir royal son retour au pays. Perdant ainsi son dernier centre de gravité, Hicham Mandari sort de l'orbite, plonge dans le vide. Il affirme désormais urbi et orbi être le fils de Hassan II et de sa favorite Farida Cherkaoui, et donc le frère de l'actuel souverain, Mohammed VI.

La dernière négociation entre l'"opposant" et le palais sera le bouquet final d'une mauvaise foi partagée. Surnommé dans son pays "le banquier du roi", Othman Benjelloun, président de la Banque marocaine du commerce extérieur et du Groupement professionnel des banques du Maroc, en même temps que patron du groupe de presse qui édite Le Matin du Sahara, le journal officiel du royaume, se déclare victime d'un "chantage" et porte plainte pour "extorsion de fonds" contre Mandari. Ce dernier prétend que son interlocuteur, en mission commandée pour le roi, a tenté de lui racheter ses fameux secrets, de le réduire au silence sous un épais matelas de billets.

Le fait est que les deux hommes ont déjeuné, le 11 septembre 2003, dans l'un des meilleurs restaurants de Paris. Le banquier a donné à l'ennemi public numéro un du Maroc d'abord 230 000 euros, puis, le lendemain, en l'emmenant dans son jet privé à Genève, 2 millions d'euros de plus, le tout en liquide. Ce n'est que sept jours plus tard, lors du rendez-vous pour un deuxième versement, qu'Othman Benjelloun fait intervenir la brigade de recherches et d'investigations financières, qui arrête Mandari dans un hôtel de la place Vendôme. Il y attend de se faire payer 2,2 millions d'euros supplémentaires par Othman Benjelloun. Celui-ci explique avoir accepté de payer pour préserver sa bonne réputation professionnelle qu'aurait menacé de salir le destinataire de ses fonds...

Mandari repart en prison. Remis en liberté provisoire en janvier 2004, il enfreint le contrôle judiciaire qui lui est imposé en voulant se rendre en Espagne, en voiture. Il est intercepté par la police près de Bordeaux, lors d'un contrôle de routine, auquel il tente de se soustraire en usurpant l'identité d'un membre de la famille royale marocaine. De nouveau incarcéré, il sortira seulement le 15 juillet de la maison d'arrêt de la Santé, à Paris. Il ne lui reste alors que vingt jours à vivre.

L'épilogue est digne d'un destin d'exception, même si Hicham Mandari ressemblait plutôt à une fleur du mal. "Il était comme une orchidée, opine l'un de ses amis, beau à regarder, mais enraciné dans la boue." S'étant répandu en confidences sur de prochaines "révélations", il devait annoncer, à Marbella, l'ouverture d'une station de radio-télévision locale émettant en direction du Maroc. Dans un communiqué publié le 2 août, une association marocaine implantée sur la Costa del Sol avait d'ailleurs fait savoir qu'elle ne se laisserait pas embrigader dans ce énième chantage d'apparat. Deux jours plus tard, Mandari s'est écroulé dans le parking de Mijas.

Qui l'a tué ? L'un de ses anciens obligés cite, sans preuve, le nom de "son garde du corps russe", en fait un Caucasien qui lui aurait initialement servi de "protecteur" à la Santé, où Mandari a en effet été sévèrement tabassé par un codétenu, le 8 mai 2004. "Le Russe lui a été mis dans les pattes pour exécuter un contrat." En admettant que cela soit vrai, qui a été le commanditaire du crime ? Toutes les pistes, aussi crapuleuses, restent ouvertes, même si l'on ne peut qu'être intrigué par un coup de pouce du sort qui a, peut-être, expédié de vie à trépas l'ex-courtisan transformé en "vengeur d'argent", selon l'heureuse expression d'un enquêteur espagnol. Le 27 juillet, Le Journal hebdomadaire, un magazine indépendant édité à Casablanca, a publié une interview fracassante de Mandari et plusieurs articles le concernant, tout un dossier titré - de façon prémonitoire - "Du méchouar à Marbella : l'énigme Mandari". Y était annoncée, pour le 1er août, "une campagne de communication particulièrement nuisible pour le Maroc". Mais, surtout, y étaient reproduits, en fac-similé, deux des chèques dérobés au palais de Rabat. Pour la première fois, après tant d'années de vaines menaces, une preuve matérielle du butin secret était ainsi jetée sur la place publique, qui plus est au Maroc. Cette fois, Hicham Mandari allait donc franchir la ligne rouge, commencer à "déstocker". Tout le monde l'a pensé. Or Le Journal avait omis de préciser que ces fac-similés lui avaient été fournis non pas par Mandari, mais, depuis les Etats-Unis, par Ali Bourequat, auquel l'ancien détenu à Miami les avait confiés dans un moment de désespoir, quand il n'avait plus cru à sa bonne étoile...

Stephen Smith

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 07.09.04
s
7 septembre 2004 12:13
Et bien, que de révélations et d'éclairssisement dans ce dossier.
Mais il y a une moralité dans tout ca.
A ceux qui ont encore des doutes il y a une justice de dieu. Il a volé, trahi,oublié sa femme et sa fille pour à la fin mourrir il a tout perdu son honneur, sa femme et sa fille, et sa réputation. Son nom est salie dans la presse sa vie même la plus intime est dévoilèe au monde entier, au début de sa vie il ne manquait de rien, il a épousé la femme qu'il aimait, un bon poste que voulait il de plus.
Enfin, paix à son âme et que sa femme et sa fille n'en subissent pas les conséquences.

c'est triste et moche comme faits divers.
a
7 septembre 2004 13:02
aie aie...c´est un article tres chaud avec plein de revelations. Mediouri est marié avec "la mere des princes", c´est la revelation de l´Annee, tout le reste ca ete deja dit!

Je crois que Mr. Tuquoi a eu grande contribution dans cet article sans signer l´article ( le meme style de son livre "le dernier roi"winking smiley.

Le systeme d´une monarchie fermé sur elle meme dans tt ce qui est relatif a la famille royale, et entretenant des supsenses et des secrets derrieres les murs tres hauts des palais, donne envie aux lecteurs et aux journalistes de decouvrir le secrets de ce monde enferme et d´apparence heureuse...
___________ Mehr licht.
k
7 septembre 2004 14:27
Il n’y a aucun doute. Mandari a été liquidé de peur que ce dernier dévoile le secret du palais.
r
7 septembre 2004 15:59

Aucune information nouvelle, sauf ce mariage de Mediouri...

Cet article est trop long, c'est un dossier, et c'est curieux le Monde n'a pas l'habitude de publier des dossiers, c'est le role du Monde diplomatique....

Sinon aucune nouvelle révélation, c'est juste une synthèse de ce qui a déjà été publié...


Regardez dans www.lejournal-hebdo.ma

En plus les questtions pertinentes demeurent sans réponse!!!
b
7 septembre 2004 17:03
je n'ai pas encore lu l'article entierement, mais je pense que comme dit rme ces journalistes n'ecrivent rien de vraiment nouveau. deja a son temps gilles perrault n'avait rien rapporte de vraiment nouveau, mais le merite de son livre etait de mettre noir sur blanc ce qui se marchandais comme speculation, comme rumeurs et relevait du marche noir de l'information, et de mettre ensemble les parties d'un grand tableau dont chacun n'avait que certains aspects dans la tete.

si le travail de gilles perrault, malgre des lacunes et des critiques, etait paru a un temps ou on en avait comme grand besoin, remplissant ainsi une certaine mission, les tuquoi et stephen smith continue comme des autistes a ignorer que les choses ont vraiment evolue, et que meme les realites douleureuses qui font le maroc d'aujourdhui ont change. il y a quelque chose qui fait qu'elles ne sont plus comme avant. "l'ambiance" pour ainsi dire n'est plus la meme.

au temps de hassan 2 - entre autre - ce genre de revelation d'informations sur le palais relevait de l'explosif. m6 a ouvert les portes des palais aux concobines de son pere et ceux qui savent, savent depuis longtemps deja que sa mere s'est remarie avec douiri.

je ne crois pas que cette histoire de mandari et que les stephen smith et les tuquoi arriveront a rendre le palais serieusement nerveux. mais je pense que c'est plutot un gachis, car des gens comme eux ont serieusement participe a l'ouverture du maroc et a la fermeture de tazmamarte et autre bagnes.

ils, tuquoi et smith, mais aussi des journalistes comme lemrabet et d'autre le journalhebdo, devrait changer de style a mon avis, et ils ne reussieraient qu'en se debarassant d'une attitude raide et profondement rancuniere que la majorite des marocains percoivent comme hainneuse.




g
7 septembre 2004 19:46
ce mandari, que dieu aie son ame, n'est qu'un exemple du modele des gens qui fréquente le palais royale et les grandes entreprises de l'état.

j'espere que cela changera un jour, sinon le Maroc est, et restera en danger entre les mains de ces rattés !!!

j'espere aussi que notre roi M6 comprendra que les marocains ont marre de voir l'argent de l'état gaspier par ces salauds en alcool, drogue et prostituées.
et que dieu lui pretera raison de changer ce system qui range le maroc de l'interieur.

le maroc a besoin de la monarchie pour stabiliser la politique, mais n'a pas besoin des mandaris, des filalis, des basris et des autres voleurs de peuple, qui vivent comme des princes au pays des bidonvilles et du chomage suicidaire !!!!

que dieu prete raison á notre roi M6 qui est l'un des espoires des marocains.

getch
7 septembre 2004 21:53

Date: le 07 septembre 2004 à 17h03

bikhir a ecrit:

"je n'ai pas encore lu l'article entierement, mais je pense que comme dit rme ces journalistes n'ecrivent rien de ................"



mais c'est dingue!!!!!







b
8 septembre 2004 09:28
salam,

ayant fini la lecture maintenant j'ai comme l'impression que stephen smith essait d'adoucir un peu de style. c'est comme s'il a la trouille et qu'il raconte ce qu'il sait, TOUT ce qu'il sait, tel un enfant qd surprend en trainde commettre une betise ou un trop vieux qui se repentit en faisant la paix avec le monde juste avant sa mort. peut-etre qu'il a apige enfin, meme s'il ne s'empeche tjrs pas de ces reflexes autistes. voici un paragraphe qu'il ajoute, sans vraiment de laison necessaire, comme si son texte avait besoin de prolongement:

"En trente-huit ans de règne, Hassan II a fait trembler ses sujets, jamais à l'abri d'une arrestation arbitraire, d'un passage à tabac dans un commissariat, d'une séance de torture dans un "point fixe" du réseau parallèle des centres de détention, voire d'une "disparition" ou de l'envoi dans un bagne secret, tel que celui de Tazmamart."

voila qu'il nous apprend du nouveau...

c'est une impression personnelle.

cependant l'interview de l'ex de mandari a alm reste comme sans suite. est-ce le calme avant la tempete ? est-ce cela qui a pousse s. smith a nous raconter ce long recit ? je suis trop curieux de savoir un peu de verite dans tout cela. manadari etait certainement entoure par les services secrets algeriens comme un charogne par les mouches, et le role de journalistes "militants" qui "aiment" le maroc est encore a eclaircir. mais peut-etre que par desire de discretion le palais royale menera cette affaire au calme sans trop de bruit ??

je rejoins getch dans sa remarque que c'est en partie le genre de personne qu'on croise au palais et au gouvernement (meme s'il faut tjrs garder la foi quil y a des gens honnetes). ceux qui ont essaye de tirer profit poltique d'un escroc doivent se demander aussi s'il ne sont pas a joindre a cette categorie de personnes.



k
8 septembre 2004 14:12
Un voleur qui s'est fait volé.
Dans son temps, Hassan II disait qu’il était au courant de tout ce qui se passait dans son royaume. Pourquoi donc avait il choisi d’introduire chez lui un gamin fourbe âgé de 20 ans?
Si les moeurs du palais étaient irréprochables, Hassan II n’aurait jamais engagé des voyous comme Oufkir, Dlimi et Mandari. Un adage dit qui se ressemble s’assemble.






Modifié 1 fois. Dernière modification le 08/09/04 14:13 par kardach.
8 septembre 2004 20:54
venu du palais
Auteur: bikhir (IP enregistrée)
Date: le 08 septembre 2004 à 09h28


salam,

ayant fini la lecture maintenant j'ai comme l'impression que stephen smith essait d'adoucir un peu de style. c'est comme s'il a la trouille et qu'il raconte ce qu'il sait, TOUT ce qu'il sait, tel un enfant qd surprend en trainde commettre une betise ou un trop vieux qui se repentit en faisant la paix avec le monde juste avant sa mort. peut-etre qu'il a apige enfin, meme s'il ne s'empeche tjrs pas de ces reflexes autistes. voici un paragraphe qu'il ajoute, sans vraiment de laison necessaire, comme si son texte avait besoin de prolongement:



tu peut nous expliquer un peu plus maintenant que que t'as fini de lire ton sujet???
s
8 septembre 2004 22:04
On apprend que le fonctionnement du palais et régi par LE TRAFIC DE TOUT GENRE, des histoires de Q. Bref, ca ne changera jamais.
Bien entendu, la France veille!

Le palais ennemi du peuple marocain. Les rois reignent par la force!
Le peuple crêve. Mieux encore, il va chercher l'argent à l'etranger. On les appelles des RME!

e
15 septembre 2004 19:43
• Interview réalisée par Khalil Hachimi Idrissi,journaliste au quotidien marocain aujourd'hui le maroc.




ALM : Avez-vous une idée sur qui a bien pu assassiner Hicham Mandari, votre ex-mari?
Hayat Filali M’Daghri : Aucune idée. Il était assez secret sur ses affaires. Et quand il me parlait, je n’arrivais jamais à distinguer le vrai du faux. Il était comme ça. Insaisissable. En plus, ses fréquentations étaient nombreuses et assez obscures. On ne savait jamais dans quelle direction il allait. Moi, il ne me mêlait jamais à ses affaires.

On a souvent parlé de vous à travers cette affaire, sans jamais vraiement savoir qui vous étiez. Qui est Hayat Filali M’Daghri et comment avez-vous connu Hicham Mandari?
Hayat Filali M’Daghri : Vous savez, je suis quelqu’un tout ce qu’il y a de plus simple. J’ai eu le bonheur de grandir au Palais royal où j’ai été protégée de tout, surtout après l’accident de voiture qui m’a privée de ma mère et de ma soeur. J’avais 7 ans. Mes parents étaient alors conservateurs du Palais royal de Fès. Mon père et les sien avant lui ont toujours servi la famille royale. Alors j’ai grandi au Palais, fait ma scolarité avec les Princesses, j’ai eu une vie heureuse jusqu’à ce que je connaisse Hicham Mandari. Ce n’est qu’après notre mariage, que j’ai compris qu’il a tout fait pour m’épouser pour que je devienne son laissez-passer au Palais. Je l’ai compris trop tard...

A un moment, vous et votre fille, vous étiez quand même en cavale avec lui en Amérique. Forcément, vous étiez au courant de ses activités ?
Hayat Filali M’Daghri : Lors de cette période, c’était l’enfer et être au courant de certaines choses et se taire la peur au ventre, ne veut pas dire être complice. Là-dessus, je tiens à mettre les points sur les i : je n’ai jamais fait l’objet d’aucune poursuite au Maroc. La seule fois, c’était à cause de l’un de mes chèques que Hicham avait falsifié et la situation a été clarifiée depuis...
Je n’ai jamais volé ou trahi mon pays ou la famille royale. On a écrit, on a dit beaucoup de choses sans connaître la vérité et je suis décidée à attaquer en justice quiconque remettrait en question ma sincérité. Je n’ai fait que suivre mon mari. Vous ne pouvez imaginer ce que j’ai enduré avec ma fille. Il avait les Fédéraux aux trousses. Il changeait de ville chaque quatre ou cinq jours. On le suivait la nuit comme des fantômes : Chicago, Las Vegas, San Diego... Il réservait sur Internet et on partait comme des voleurs, en plus avec un bébé dans les bras. C’était intenable. A la fin on s’était installés à Miami.

Pourquoi Miami, c’était plus sûr?
Hayat Filali M’Daghri : Son premier avocat, Ivan Fisher, un New-yorkais, lui avait présenté un certain Richard Ashenof qui se disait détective privé. Celui-ci était installé à Miami. C’est lui qui s’occupait de tout. Même après l’incarcération de Hicham à la prison fédérale de Miami, il a continué à s’occuper de moi et de ma fille. C’était un monsieur qui a été très dur avec nous et qui nous a beaucoup fait souffrir, moi et ma fille.

Pourtant il était au service de votre ex-mari ?
Hayat Filali M’Daghri : Il considérait que je n’étais pas assez coopérative. Et quand l’argent commençait à manquer, il est devenu violent avec moi. Moi j’aime mon pays et je ne ferais jamais quelque chose contre mon pays. Lui et ses amis n’aimaient pas mon attitude.

Qu’est-ce qu’ils voulaient au juste?
Hayat Filali M’Daghri : Ils voulaient que je passe à la télévision, que je parle à la presse ou que j’écrive un livre. Ils me disaient qu’en parlant j’aurais droit à des avocats, à une “Green Card“ et que j’obtiendrais beaucoup d’argent. J’ai toujours refusé. Ils étaient, tous, furieux contre moi. La pression était terrible. Mais, grâce à Dieu, j’ai tenu bon. C’est la foi qui sauve dans ce genre de situation.

Mais, à part Richard Ashenof, qui a fait pression sur vous ?
Hayat Filali M’Daghri : Surtout un journaliste français qui était en affaires avec Hicham. Il s’agit de Jean-Pierre Tuquoi avec qui Hicham était entré en contact par Internet. Il a eu l’idée de le contacter après qu’il ait lu des articles que Tuquoi avait écrits sur le Prince Moulay Hicham et Ahmed Rami. En fait, Tuquoi a été le seul journaliste à lui répondre parmi tous ceux que Hicham avait tenté de mobiliser et il y en a eu plusieurs ! Ils l’ont tous envoyé balader, sauf Tuquoi, qui est venu plusieurs fois à Miami pour voir Hicham. Moi, je sais qu’il m’a beaucoup utilisée.
Jean-Pierre Tuquoi voulait m’utiliser pour ses affaires. Il m’a dit qu’il faisait un livre et qu’il voulait discuter avec moi. Il disait que ça allait être un livre positif sur le Maroc. Mais ça se voyait qu’il mentait. Il posait toujours des questions contre le pays, le Roi et la famille royale. Voyant que je refusais de rentrer dans son jeu –je crois bien qu’il m’enregistrait – il m’a dit qu’il avait des sources plus importantes que moi et que lui il voulait que je parle uniquement pour me sauver. En fait il voulait m’utiliser pour masquer ses informateurs.

Vous l’avez vu plusieurs fois ?
Hayat Filali M’Daghri : Il me harcelait. Quand il n’était pas chez Hicham en prison, il faisait pression sur moi. Il voulait absolument que je parle. Il a demandé a Malika Oufkir de venir me voir à Miami. Elle s’est même installée quelque temps à côté de chez nous. Elle m’a proposé de passer à la télévision, comme elle, et de faire, comme elle a fait, un livre avec ce journaliste pour gagner de l’argent -Richard Ashenof continuait toujours à nous maltraiter – et sauver ma vie et celle de mon enfant. J’ai refusé. C’était louche. J’ai résisté à ses offres et après, voyant qu’elle ne pouvait pas m’utiliser, elle est partie. C’est Dieu qui m’a donné la force.

Qui vous a encore contacté à Miami ?
Hayat Filali M’Daghri : Un ex-ami de Hicham Mandari. Ils étaient fâchés pour des histoires d’argent. Ali Bourequat m’a dit que Hicham l’avait escroqué. Moi je n’étais au courant de rien. Ali Bourequat ne cherchait que l’argent, il voulait mettre en relation Hicham avec un colonel algérien et des gens du polisario. Je crois qu’il y a eu entre eux de l’argent donné par l’Algérie. C’est pour cela qu’ils se sont fâchés.

Mais que voulait au juste Ali Bourequat?
Hayat Filali M’Daghri :Lui, son problème, c’est l’argent. Il m’avait rendu visite lui, sa femme et son avocat, Me Bourdon, pour aider son fils Stéphane à faire un livre. J’ai refusé, malgré son insistance. Il me disait que si je ne parlais pas j’allais mal finir. J’avais peur de ces gens. La première fois que j’ai connu Ali Bourequat, c’est quand il est venu témoigner pour Hicham. C’était chez Hélène Trenor l’avocate fédérale.

Quel rapport y avait-il entre Ali Bourequat et Jean-Pierre Tuquoi?
Hayat Filali M’Daghri :Je ne sais pas trop. Mais Ali Bourequat n’aimait pas, non plus, ce journaliste. Je crois que c’est à cause de Me Bourdon. C’est Ali Bourequat qui a présenté à Hicham cet avocat.

Quand avez-vous vu pour la dernière fois Ali Bourequat ?
Hayat Filali M’Daghri :Il rendait visite à Hicham à la prison fédérale. La dernière fois, il était venu chez moi, tout seul. Il pensait que Hicham n’était pas très sérieux. Il avait gardé pour lui l’argent des Algériens et que lui il ne trouvait pas son compte. Hicham disait, aussi la même chose. Et pourtant c’est Ali Bourequat qui avait mis Hicham en contact avec eux.

Est-ce qu’on vous a proposé d’aller en Algérie ?
Hayat Filali M’Daghri :Richard Ashenof m’avait demandé d’y aller avec un passeport diplomatique. Les Algériens qui, selon lui, payaient déjà les avocats s’occuperaient de tout. Il disait que c’était plus sûr pour moi d’aller là-bas qu’au Maroc. J’ai refusé et j’ai compris que cela devenait très dangereux. Dieu m’a aidée.

A part vous, qui rendait visite à Mandari à la prison fédérale ?
Hayat Filali M’Daghri :Moi, il ne me laissait pas y aller tout le temps. Les droits de visite de la famille étaient soi-disant épuisés alors que je n’y allais pas tout le temps. J’ai posé la question à Hélène Trenor, son avocate, mais elle était gênée. J’ai compris que l’on voulait me cacher des choses. Il se disait qu’un homme important, un officiel, venait lui parler sans laisser de traces. Il y avait aussi un Algérien qui s’appelait Zerhouni, qui était beaucoup lié à Hicham. Il y avait aussi Jean-Pierre Tuquoi et Ali Bourequat. Mais les visiteurs les plus réguliers s’arrangeaient pour ne pas laisser de traces de leur passage.

D’autres personnes ont-elles essayé de faire pression sur vous?
Hayat Filali M’Daghri :Oui. Des avocats, des journalistes, je crois même qu’un journaliste marocain a fait le déplacement pour lui rendre visite en prison. Jean-Pierre Tuquoi voulait me mettre en relation avec plusieurs personnes, il m’a même demandé à plusieurs reprises d’appeler le Prince Moulay Hicham, dont il m’a proposé le numéro de téléphone aux USA. Il pensait qu’il pouvait me mettre en confiance en me disant que le Prince s’était exilé aux Etats-Unis après une histoire d’anthrax. Il insistait beaucoup pour que je l’appelle sous pretexte qu’il pouvait m’aider moi et ma fille, mais je ne l’ai jamais appelé, et Tuquoi en était très irrité. Je n’ai jamais compris pourquoi.

Est-ce que Hicham Mandari avait un passeport marocain diplomatique ?
Hayat Filali M’Daghri :Non, il avait un passeport normal qu’il avait recouvert en plastique de couleur bordeaux. Il me disait que c’était pour mieux le protéger. Mais tout le monde le savait même son ami Jean-Pierre Tuquoi.

Vous qui avez partagé la vie de Hicham Mandari était-il, comme Jean-Pierre Tuquoi l’a écrit plusieurs fois dans son journal, le conseiller spécial de Feu S.M Hassan II ?
Hayat Filali M’Daghri :Hicham ne pouvait être le conseiller de personne. Tous ceux qui l’ont vraiment connu savent qu’il n’avait pas d’instruction, il n’avait aucune connaissance en politique. C’était un garçon très simple. On a dit sur lui beaucoup de choses et c’est cela qui lui a fait beaucoup de mal. Il n’était ni conseiller, ni homme politique, mais tout le monde voulait le manipuler, chacun pour des raisons qui lui sont propres. Il aimait se faire passer pour ce qu’il n’était pas, mais il ne trompait pas grand monde, sauf ceux qui voulaient, pour leur intérêt, être trompés.

A quel moment avez-vous su qu’entre vous et Mandari c’était fini ?
Hayat Filali M’Daghri :Vous savez quand on s’est marié en 1994, on avait vingt ans. Ce n’était pas toujours facile avec lui. Très vite notre mariage est devenu très pénible.
Mais je me disais que, malgré tout, avec la naissance de la petite, les choses allaient s’arranger. Mais bien au contraire, en quatre ans de mariage, tout allait de travers et ma vie se compliquait de plus en plus. C’était un homme très difficile à vivre. Il n’est plus de ce monde, maintenant, que son âme repose en paix. Mais il reste le père de ma fille.

Mais à quel moment précis avez-vous su qu’entre vous et lui c’était véritablement fini ?
Hayat Filali M’Daghri :En juin 1999 quand ils ont sorti la publicité dans le Washington Post. Il m’a dit que ce n’était pas lui qui avait fait ça et que ce n’était qu’un brouillon qu’ils ont publié contre son avis. Je ne sais pas si c’est vrai. Mais ce que je sais c’est que de décembre 1998 à la parution de la lettre, il allait tous les jours dans le petit bureau de Richard Ashenof. Il me disait qu’ils préparaient des dossiers importants. Je ne sais pas si Jean-Pierre Tuquoi travaillait avec eux, mais ce qui est sûr c’est qu’il est venu à Miami à cette époque.
Vous savez, il faut bien comprendre, que Hicham et l’écriture, cela fait deux. En tout cas, c’est à ce moment que j’ai compris que, lui et moi, c’était vraiment fini.

Et tout a commencé pour lui ?
Hayat Filali M’Daghri :Oui, malheureusement. Ils ont fait de lui un conseiller spécial, un opposant, un homme politique et que sais-je encore. À partir de ce jour, il a commencé à appartenir aux gens qui le manipulaient. Lui ne savait pas toujours et véritablement pourquoi. Mais, eux, ils savaient.

Il est même allé jusqu’à dire qu’il avait une filiation royale. Est-ce vrai ?
Hayat Filali M’Daghri :C’est ridicule. Comment pouvait-il prétendre en même temps être le fils de Farida Cherkaoui, alors qu’elle est ma propre tante maternelle?
Moi, je connais bien qui était Hicham Mandari. Ses parents sont toujours en vie et ils savent bien qui est leur fils. Posez leur la question. Ne trouve la vérité que celui qui la cherche vraiment. Elle est plus simple que toutes les impostures.





Modifié 3 fois. Dernière modification le 16/09/04 10:30 par estria.
 
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