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Al Jazeera. Le gouvernement marocain campe sur ses positions.

C'est toujours l'impasse concernant la suspension de la licence du J.T du Maghreb arabe d'AI Jazeera. La HACA n'a encore pris aucune décision et l'élaboration d'un cahier des charges a été suspendue.

La «crise» entre les autorités marocaines et le bureau d'Al Jazeera à Rabat n'est pas près de connaître une issue. Hier lundi, la HACA (Haute autorité de la communication audiovisuelle) s'est réunie pour, entre autres, débattre du sujet, mais aucune décision n'a été prise.

Du côté de la chaîne qatarie, on affirme toujours ne pas connaître les réelles motivations de la décision de l'ANRT, la semaine dernière, de suspendre le journal du Maghreb que la chaîne produisait à partir de la capitale marocaine. «La direction centrale attend de connaître les réelles causes qui ont poussé à une telle décision», déclare au «Soir échos» Hassan Rachidi, patron du bureau d'Al Jazeera à Rabat. Au ministère de la Communication, on s'en tient toujours à l'explication avancée jeudi dernier par Khalid Naciri. «Il s'agit d'un problème purement technique et juridique qu 'il faut résoudre et qui ne concerne que la diffusion du journal télévisé du Maghreb arabe», affirmait le ministre PPS.

La solution, elle, passe d'abord par l'élaboration et la signature d'un cahier des charges.

Problème : ce document n'a jamais quitté les tiroirs de la Haca. «Près de deux mois après le début de la diffusion du JT d'Al Jazeera, des experts juridiques de cette chaîne et des responsables de la Haca se sont longuement retrouvés pour tracer les lignes d'un cahier des charges, surtout que, dans ce cas de figure, il s'agissait d'une chaîne appartenant a un Etat étranger», indique une source informée. «Nous n'avons jamais reçu de proposition d'un cahier des charges même si je n'ai pas arrêté de relancer, presque chaque mois, la Haca à ce sujet», rétorque Hassan Rachidi. «Je ne comprends pas comment on a toléré Medi 1 pour deux décennies, Sawa pour des années et agir de de la sorte avec Al Jazeera. C'est scandaleux!», s'emporte le représentant d'Al Jazeera qui ajoute qu'il attend toujours d'être reçu par les responsables de la Haca après en avoir fait la demande. «Au début, c'était un deal politique et le Maroc a été pris au piège. D'ailleurs, la loi 77-03 relative à l'audiovisuel ne prévoit aucunement des dispositions pour traiter des cas comme celui d'Al Jazeera avec une ou deux heures de diffusion», explique un expert du secteur qui se dit surpris de voir l'ANRT recourir à une telle décision, avec effet immédiat, après des autorisations trimestrielles provisoires délivrées régulièrement depuis novembre 2006.

Résultat des courses, et à moins d'une solution au problème, Al Jazeera pourrait recourir à des alternatives tel le déménagement du bureau maghrébin, comme le déclare Hassan Rachidi. «Mais nous restons optimistes et préférons garder notre bureau de Rabat et notre J.T du Maghreb arabe», affirme-t-il. Dans le cas d'un déménagement, quel sera le devenir des dizaines de salariés dont la majorité a été recrutée pour les besoins du litigieux journal du Maghreb ? «La chaîne est décidée, quelle que soit l'issue, à ne pas se passer des services de 62 salariés. Encore une fois, nous souhaitons une solution dans les meilleurs délais», répond Hassan Rachidi.

Pour le moment, le J.T du Maghreb arabe est diffusé à partir de Doha. Vers la fin de la semaine dernière, l'ANRT a signifié à Al Jazeera la suppression de l'autorisation trimestrielle qui lui est renouvelée assez souvent pour la diffusion, à partir de Rabat, de son fameux J.T. Un programme d'information que les autorités marocaines ne voyaient pas d'un bon œil à cause de la manière dont l'actualité nationale est traitée par les journalistes de la chaîne. Même un Abbas El Fassi avait, en public, manifesté son mécontentement à l'égard de cette chaîne en demandant à ses journalistes d'enlever le micro placé devant lui lors d'une cérémonie officielle.

Un cahier des charges à lignes rouges

Rien qu'en parcourant les grandes lignes du projet de cahier des charges dédié à Al Jazeera-Maroc, et dont le processus d'élaboration a été stoppé net, on comprend déjà les appréhensions de Rabat à l'égard de la chaîne. Dans une fiche de synthèse de ce projet, dont «Le Soir échos» a eu copie, il est écrit, noir sur blanc, qu1 «un travail minutieux d'observation et de suivi des programmes de la chaîne (.) a permis l'identification des points faibles de la ligne éditoriale de la chaîne eu égard aux impératifs institutionnels et déontologiques en vigueur au Maroc». La couleur est déjà annoncée.

Partant de ce «constat», le projet de cahier des charges a insisté sur trois axes. Le premier insiste sur «un rappel ferme de l'obligation de respecter scrupuleusement les constantes et les fondamentaux constitutionnels. Comprenez la monarchie, le Sahara, etc. Le deuxième est relatif à l'obligation de «respecter l'ordre public interne» en évitant de faire «l'apologie de la violence et du terrorisme» et «tout ce qui est de nature à affecter la sécurité et la stabilité du pays». Enfin, le troisième insiste sur «les règles déontologiques en vigueur au Maroc» : le pluralisme (surtout d'ordre politique), lerespect de la justice et de ses décisions, et la «neutralité des commentaires». Mais aussi (et surtout ?) «le professionnalisme et la neutralité des experts et des consultants invités en plateau pour s'exprimer sur des questions d'actualité, de quelque nature qu 'elles soient». Qui dit mieux ?

Le caractère «spécifique» du projet de cahier des charges d'Al Jazeera est «expliqué» par plusieurs considérations. D'abord, «le rang de 1 'instigateur et l'interlocuteur réel (l'Etat du Qatar)», «la nature incontestablement politique du projet», mais aussi «la nature du service (information) et la durée d'émission projetée (entre une et trois heures)». Les prémices d'un conflit étaient déjà là, dès le début.

Aujourd'hui, on repart à zéro, avec la suspension de l'autorisation délivrée à Al Jazeera et un projet de cahier des charges qui retourne dans les tiroirs de la Haca.

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Mohammed Boudarham
Source: Le Soir Echos

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